Gabon : Cinq lacs entrent dans une nouvelle ère de gestion durable

À Lambaréné, les communautés riveraines renforcent leur rôle dans la gestion durable des ressources naturelles. Grâce à une formation innovante en collecte de données, des pêcheurs de quatre lacs s’impliquent désormais directement dans la protection de leurs écosystèmes. Une démarche qui, après le succès du lac Oguemoué, s’étend à de nouveaux sites pour préserver la biodiversité et améliorer les moyens de subsistance locaux.

Des pêcheurs ayant été formés. © D.R.
Des pêcheurs issus de quatre lacs – Adolet, Ezanga, Gomé et Onangué – viennent de bénéficier d’une formation pour devenir collecteurs de données et contribuer à la préservation de leurs ressources halieutiques. L’initiative, portée par l’Organisation Écologique des Lacs et de l’Ogooué (OELO), a été réalisée avec l’appui technique de l’AES, en collaboration avec le ministère des Pêches (DGPA) et celui des Eaux et Forêts (DGEA), et financée par Tusk et la JRS Biodiversity Foundation, avec le soutien du PNUD et du Fonds pour l’environnement mondial.
Munis de tablettes et d’une application mobile spécialement conçue, les nouveaux collecteurs apprennent à enregistrer les données relatives aux prises : espèces capturées, taille des poissons, techniques de pêche utilisées et captures accessoires. Ces informations, associées à la mise en place de coopératives de pêche communautaires, serviront de base à l’élaboration de plans de gestion participatifs, permettant de définir où, quand et comment pêcher pour garantir la pérennité des ressources. L’expérience repose sur le succès déjà obtenu au lac Oguemoué. Là, depuis 2014, des collecteurs suivent mensuellement l’état des stocks.
Reconstitution des populations piscicoles
Leurs observations ont permis d’établir en 2018 le premier plan national de gestion des pêches en eau douce, mis à jour en 2024. Grâce à des zones d’interdiction, à l’interdiction de techniques destructrices et à une surveillance accrue, les populations piscicoles s’y sont reconstituées, les prises se sont améliorées et la biodiversité s’est renforcée. On y observe désormais davantage de grandes espèces migratrices et la disparition quasi totale des captures accidentelles de lamantins africains, espèce menacée. «Avant, nous constations une baisse du nombre et de la qualité des poissons», a témoigné témoigne Angwe Martial.
«Nous capturions des femelles immatures, ce qui affaiblissait la ressource. Grâce à la collecte de données, nous avons changé nos pratiques et aujourd’hui, les poissons sont plus gros et de meilleure qualité», a ajouté le collecteur de données à Oguemoué et formateur des nouveaux stagiaires. L’objectif est désormais de reproduire ce modèle sur cinq nouveaux lacs, tous situés dans le plus vaste site Ramsar du Gabon, zone humide d’importance internationale qui assure la subsistance de milliers de riverains. «Les communautés font face aux mêmes défis qu’à Oguemoué : poissons plus petits, stocks en déclin et recours à des pratiques destructrices. En les formant à collecter leurs propres données, nous leur donnons les moyens de comprendre la situation et d’agir», a souligné Heather Arrowood, directrice exécutive de l’OELO.
Faire face à la surexploitation

Photo de famille. © D.R.
L’approche, baptisée Notre Lac, Notre Avenir, repose sur une double dynamique : organisation communautaire et suivi scientifique. Discussions locales, création de coopératives, interdictions volontaires de pêche et surveillance mensuelle structurent la démarche, qui aboutit à des plans de gestion reconnus et applicables. «Quand nous sommes unis, nous avons du pouvoir. Aujourd’hui, les prises sont meilleures, les revenus ont augmenté et la pêche est plus respectueuse», s’est réjouit Franck Bengone, président d’une coopérative du lac Oguemoué.
La démarche, qui s’inscrit dans un contexte africain marqué par la surexploitation des ressources, le changement climatique et la dégradation des habitats, pourrait servir de modèle régional. «C’est une victoire pour les communautés comme pour le gouvernement, qui dispose de données fiables et de solutions durables», a insisté Dan Bucknell, directeur général de Tusk. À terme, l’ambition est que l’État gabonais adopte officiellement de nouveaux plans de gestion pour ces lacs. Mais l’enjeu immédiat demeure l’autonomisation des communautés : leur donner les outils, la connaissance et la légitimité pour protéger elles-mêmes leurs richesses naturelles.

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