La récession s’approfondit, les gisements s’épuisent, et la manne pétrolière se tarit. Tandis que la Guinée équatoriale s’accroche à sa dernière rente, sa victoire devant la Cour internationale de justice sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga suscite des espoirs de rebond. Le Gabon, qui convoitait lui aussi ces confettis marins au potentiel incertain, voit s’éloigner une zone stratégique. Mais au-delà du symbole juridique, ces îles seront-elles le point de bascule d’un nouveau cycle pétrolier, ou l’épilogue d’un mirage qui n’en finit pas de s’éteindre ?

Dans le Golfe de Guinée, la Guinée équatoriale gagne un territoire ; le Gabon, lui, perd un pari énergétique jamais encore prouvé, donc improbable. © GabonReview (image virtuelle)

 

La scène économique équato-guinéenne se referme sur une décennie de déclin. En 2023, le pays a connu une récession brutale avec une contraction du PIB réel de 5,7 %, due à une chute de 12,8 % du PIB pétrolier. Jadis vitrine d’une prospérité fondée sur l’or noir, la Guinée équatoriale voit s’effondrer ses piliers économiques : entre 2010 et 2023, la production pétrolière est passée de 306.000 à 55.000 barils par jour. En mai 2025, elle frôle les 45 000 barils/jour, loin du quota théorique de l’OPEP. L’édifice vacille.

Sur ce fond de délitement, la décision historique de la Cour internationale de justice (CIJ) en mai 2025 – attribuant à la Guinée équatoriale les îles Mbanié, Cocotiers et Conga, convoitées depuis des décennies par le Gabon – ravive les espoirs d’un rebond. Ces îlots minuscules, situés au cœur du golfe de Guinée, baignent dans une zone réputée prometteuse en hydrocarbures. Une manne potentielle ? En apparence seulement.

Des îles convoitées, un potentiel incertain

Le Gabon, longtemps attaché à ces territoires maritimes pour des raisons à la fois géopolitiques et économiques, misait lui aussi sur leur intégration pour renforcer sa souveraineté énergétique offshore. Mais en vérité, aucun relevé sismique sérieux ne permettait d’étayer fermement les espérances de richesse enfouie. L’argument pétrolier gabonais reposait davantage sur une projection stratégique que sur des preuves concrètes. La perte des îles n’est donc pas tant celle d’un trésor énergétique que celle d’une influence dans une zone disputée.

Car les données techniques font défaut. Aucune campagne de prospection sérieuse n’a confirmé la présence d’hydrocarbures exploitables autour desdites îles. Les rares études disponibles – notamment une modeste analyse sismique réalisée en 2001 – n’ont porté que sur des zones périphériques. Les 743 millions de barils estimés par S&P Global Commodity Insights pour la région concernent l’ensemble du bassin, pas ces îlots en particulier. L’annonce par la Guinée équatoriale d’un programme sismique de 60 millions USD, lancé en 2025 avec la compagnie américaine Searcher, marque un frémissement, non une certitude.

En attendant, les fondamentaux s’effondrent en Guinée équatoriale. Le PIB par habitant a chuté de plus de 60 % depuis 2008. 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’Indice de développement humain stagne. Le pays s’emploie à diversifier son économie, mais reste dépendant à 80 % des recettes pétrolières. L’exploitation éventuelle des îles, si tant est qu’elle s’avère rentable, n’interviendra pas avant plusieurs années. D’ici là, les caisses publiques continueront de se vider.

Le pétrole fut une providence. Il devient une prison. Et les îles du contentieux, si elles alimentent l’imaginaire politique, ne suffiront peut-être pas à sauver une économie à bout de souffle. La Guinée équatoriale joue sa dernière carte. Mais nul ne sait encore si la relance viendra de la mer ou si le mirage se dissipera avec la marée.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Békalé Boris dit :

    Salut,

    J’ai fait des recherches sur les données économiques du Gabon et de la Guinée Équatoriale pour la décennie 2010-2020.
    Effectivement, les deux pays traversent une période économique très difficile.

    Tous les problèmes que vous avez identifiés concernant l’économie de la Guinée Équatoriale s’appliquent tout autant au Gabon : baisse de la production pétrolière, diminution des revenus, augmentation de la dette, etc.

    Cependant, il ne faut pas oublier un point essentiel : contrairement au Gabon, durant son boom pétrolier, la Guinée Équatoriale a massivement investi dans les infrastructures (routes, hôpitaux, production d’eau et d’électricité). Cela peut etre un avantage qui amortira le choc économique actuel.

    Moi, personnellement, je compare le Gabon et la Guinée Équatoriale à deux fonctionnaires qui vont à la retraite.
    L’un (la Guinée Équatoriale) a déjà construit sa petite maison, tandis que l’autre (le Gabon) est encore en train de démarrer son chantier.
    Moi, Je me fais donc plus de soucis pour le second que pour le premier.

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