Île Mbanié : «Nous savons qu’ils savent» – le vibrant plaidoyer de Rossatanga

Ce 28 mai 2025, dans la solennité du palais présidentiel de Libreville, les plus hautes autorités gabonaises ont assisté à la présentation officielle de l’arrêt de la Cour internationale de Justice dans l’affaire opposant le Gabon à la Guinée équatoriale au sujet de leurs frontières et de la souveraineté sur les îles Mbanié, Conga et Cocotiers. Dans un discours magistral et d’un patriotisme vibrant, le professeur Guy Rossatanga-Rignault, avocat du Gabon près la CIJ, a exposé avec clarté les fondements du différend, les lignes de l’arrêt, et les perspectives ouvertes par cette décision. Un moment de vérité, de mémoire historique, et de projection vers un dialogue difficile mais nécessaire.

Guy Rossatanga-Rignault lors de son discours, le 28 mai 2025, au palais présidentiel à Libreville. © Communication présidentielle
Ce matin, au Palais présidentiel, dans la solennelle salle d’apparat, les plus hautes autorités gabonaises se sont rassemblées pour assister à la remise officielle de l’arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) et à la présentation rigoureuse de cette décision par les personnalités impliquées, au premier rang desquelles le professeur Guy Rossatanga-Rignault, avocat de la République gabonaise près la CIJ.
Une voix de clarté dans le tumulte juridique

Deux moments de la cérémonie de remise officielle de l’arrêt de la Cour internationale de justice et présentation de l’affaire Mbanié par le Dr. Marie Madeleine Mborantsuo et le Pr. Guy Rossatanga-Rignault, le 28 mai 2025 au palais présidentiel à Libreville. © Communication présidentielle
Avec sa verve coutumière et une précision presque chirurgicale, le professeur Rossatanga-Rignault a présenté «synthétiquement, le différend qui nous oppose à la République sœur de Guinée équatoriale et l’arrêt y relatif de la Cour Internationale de Justice.»
Le juriste n’a pas tardé à désamorcer les récits simplistes, en soulignant que l’affaire dite «des îles Mbanié, Conga et Cocotiers» est bien plus vaste que sa seule dimension insulaire. Il en veut pour preuve l’intitulé même du dossier tel que retenu par la CIJ : «Délimitation terrestre et maritime et souveraineté sur des îles». Dès lors, «Mbanié n’est que la dernière question posée aux juges», a-t-il précisé, insistant sur la profondeur historique du litige, remontant à l’époque coloniale.
Rossatanga-Rignault a ensuite déroulé avec méthode les différentes phases de ce différend vieux de plus d’un demi-siècle : médiation africaine sous les auspices de Marien Ngouabi et Mobutu dans les années 1970, signature de la Convention de Bata en 1974 — convention qui reconnaissait alors sans ambiguïté la souveraineté gabonaise sur les trois îles — puis montée progressive des tensions au début des années 2000, et série d’échecs diplomatiques sous l’égide des Nations Unies.
Mais un point de clarification a électrisé l’assistance : contrairement aux insinuations circulant dans l’opinion, «l’option de mettre un terme à la recherche d’une solution diplomatique et donc de saisir la Cour internationale de Justice est le fait de la Guinée équatoriale, qui, du reste, saisira la Cour pour déclencher la procédure en mars 2021. Le Gabon n’a donc fait qu’y répondre», a martelé le professeur, avec ce mélange de fermeté et d’élégance qui fait sa signature.
Un verdict en demi-teinte
La présentation des attendus de la Cour a révélé une décision juridiquement argumentée mais politiquement déséquilibrée. Sur la frontière terrestre, la CIJ rejette la valeur juridique de la Convention de Bata de 1974, malgré «les centaines de preuves documentaires fournies par le Gabon : copie de la Convention, articles de presse, correspondances diplomatiques, vidéos…». La Cour ne retient que la Convention franco-espagnole de 1900, fixant la ligne frontalière au «méridien 9 Est de Paris».
Pour Rossatanga-Rignault, cette conclusion a beau être contraignante, elle n’efface pas la vérité historique : «Nous savons que nos frères de Guinée savent que nous savons qu’ils savent que cette Convention de Bata a bien été signée le 12 septembre 1974 chez eux.»
Sur la frontière maritime, la situation est encore plus ouverte : la Cour n’a reconnu aucun titre juridique, renvoyant les deux États à une future négociation bilatérale.
Quant aux îles Mbanié, Cocotiers et Conga, la souveraineté est attribuée à la Guinée équatoriale, non sur la base d’un traité, mais au motif que l’Espagne y aurait exercé des actes de souveraineté à l’époque coloniale, la Guinée en devenant ainsi l’État successeur. Une interprétation que le Gabon ne commente pas formellement, mais qui laisse un goût amer dans les rangs institutionnels.
L’après-CIJ : entre résignation et volonté diplomatique
Le discours s’est conclu sur une ouverture résolument diplomatique. L’application du verdict suppose désormais une nouvelle séquence de négociation entre les deux pays : «La frontière terrestre à revoir, la frontière maritime à fixer et le transfert de souveraineté sur les îles». Un processus potentiellement long, délicat, mais nécessaire, que le professeur appelle de ses vœux à mener «dans un esprit de compromis, les États restant souverains, au-delà de l’arrêt de la Cour, pour choisir ce qui correspond le mieux à leurs intérêts et aux impératifs catégoriques de fraternité et de paix.»
Mais au-delà du droit, c’est une déclaration de foi nationale qui a refermé l’allocution. Dans une formule saisissante, Rossatanga-Rignault a lancé à la salle : «Nous ne sommes pas tenus de nous aimer. Mais j’ai la faiblesse de penser que nous sommes tous tenus d’aimer le Gabon. Ce petit quelque chose-là, qui manque à certains, s’appelle le Patriotisme.»
Ce matin donc, au Palais du bord de mer, l’éloquence juridique s’est faite cri de ralliement. Le Gabon, dans la dignité du droit et la fierté lucide de sa mémoire historique, semble désormais prêt à tourner la page du contentieux, sans renier l’encre qui l’a écrite.

8 Commentaires
Propos de vaincu et d’incompétent qui veut se donner bonne conscience. Mais pourquoi Oligui à organise ce cirque ? Ecoeurant… Le comble de l’anti-patriotisme… Un pays célèbre ses victoires. Pas ses défaites
Je ne pense pas que ce serviteur fidèle du système Bongo qui n’a rien de patriotique ou de nationaliste a des leçons de patriotisme à nous donner. Peut-être plus des leçons d’opportunisme. Quand à l’article, elle est très loin du ton journalistique qui se veut équilibré.
Juste 2 petites remarques :
1/Au final, les juges de la CIJ sont si bêtes qu’ils ont ignoré notre convention à nous de 1974, malgré ses faits avérés et ses preuves irréfutables.
2/Sur le patriotisme, nous n’aimons sans doute pas le Gabon de la même manière. Il y en a qui sont d’un patriotisme aveugle et opportuniste, de sorte qu’ils mangent à tous les râteliers, même avec les fossoyeurs de la patrie. D’autres sont d’un patriotisme critique et lucide, ne se bandent pas les yeux lorsqu’ils sont confrontés aux maux qui paralysent le pays où le tirent vers le bas
C’est pas une analyse, cher Gayo. Ce n’est qu’un compte-rendu. Dans notre métier où les faits sont sacrés et les commentaires libres, le compte-rendu se désigne aussi par le groupe de mots « choses vues et entendues ».
Merci de continuer à nous suivre.
Les failles du dossier de la partie gabonaise, si il en est, remontre à 1974 et à l’archivage et à la communication de la convention de Bata. On ne peut donc blâmer les autorités actuelles. Perso, je pense que les Gabonais doivent simplement être uni sur cette question, tout en poussant les autorités gabonaise à faire de leur mieux. Les critiques sur la situations actuelles sont inutiles, car le « jeu » n’est pas terminé, et les « joueurs » doivent rester mobilisés pour obtenir le meilleur résultat possible par la négociation. L’heure du bilan des 50 ans de litige frontalier viendra plus tard. Le match doit continuer.
C’est une mise en scene ridicule dont on se serait passe.
C’est comme si les Gabonais ne pouvais par lire et comprendre un Arret de la Cour fut elle la CIJ?
On prend les Gabonais pour des idiots.
Le Professeur Guillaume Pambou Chivounda leur a certainement dit la verite sur ce dossier mais ils ont juste voulu jouer les ..jusqu au boutistes.. .espérant trouver des nouvelles ressources pétrolières pour faire profiter les memes familles du pétrole du Gabon
C’est quand meme assez inédit au Gabon on celebre les échecs?
Albert Bernard Bongo devenu Omar Bongo ne savait rien de la carte de délimitation des frontières maritimes et terrestres du Gabon.
C’était la stratégie de la France-Afrique qui pendent longtemps voulait se servir du Gabon pour déstabiliser la Guinée Equatoriale de Macias Nguema.
Oui, la France à travers ses compagnies pétrolières, notamment Elf Aquitaine devenue Total Energie a souvent voulu étendre sa zone d’exploitation pétrolière et gazière an Guinée Equatoriale. Ce que Macias Nguema refusait. Car après avoir chassé manu militari les Espagnols qu’il accusait de spolier la Guinée Equatoriale ne voulait plus qu’un autre prédateur vienne dans son pays pour voler leurs richesses notamment le Gaz et le Pétrole.
Voilà une partie de l’histoire qu’on doit avoir à l’esprit si on veut bien comprendre les tenants et aboutissants dans cette affaire.
En fait c’est l’Occident, en tête desquelles la France, l’Espagne. Et d’ailleurs lorsque Omar Bongo a compris cela il a préféré négocier et être en bon terme avant la Guinée Equatoriale. Mais c’est plutôt Ali qui était va-t-en-guerre ds cette histoire…