En interdisant formellement, depuis le 4 juillet 2025, la vente ambulante de café, viande braisée, poisson braisé, « coupé-coupé », pain au poulet ou lait caillé sur tout le territoire communal, la mairie de Libreville lance une vaste offensive pour restaurer l’hygiène et la salubrité publique. Si l’objectif est louable, la mesure divise. Commerçants, consommateurs et citoyens ordinaires oscillent entre compréhension, frustration et inquiétude.

Depuis l’annonce officielle du délégué spécial Adrien Nguema Mba, d’interdire les restaurations ambulantes, les réactions fusent sur les réseaux sociaux et à chaque coin de rue de la commune de Libreville. © D.R.

 

Depuis l’annonce officielle par le délégué spécial Adrien Nguema Mba, d’interdire la restauration ambulante, les réactions fusent sur les réseaux sociaux et à chaque coin de rue de la commune de Libreville, où l’on retrouve, ces vendeurs à la brouette ou au brasero. Si certains saluent un pas en avant vers une ville plus propre, d’autres crient à la précarisation, pointant du doigt une mesure jugée brutale.

« On ne dit pas que c’est mal de vouloir une ville propre, mais on aurait pu organiser ces vendeurs au lieu de les chasser », s’indigne Mariette, vendeuse d’ailes de poulet grillées aux Charbonnages. « Je nourris mes trois enfants avec ça, je fais au moins 15 000 francs par jour. Demain, quelle sera ma situation et comment vais-je gérer ma progéniture ? »

Même son de cloche du côté des consommateurs. Franck, riverain du premier arrondissement, ne cache pas sa déception : « Les pains à la viande, les tasses de café dans les brouettes… Ce sont des repères pour nous. On ne peut pas les balayer comme ça. En saison sèche, les décoctions de citron-gingembre sont nos ‘docteurs de la grippe’. Qui va nous soigner maintenant ? »

Une volonté d’assainir, mais à quel prix ?

Pour la mairie de Libreville, cette mesure est une réponse directe aux préoccupations sanitaires. Dans les termes du communiqué, les autorités rappellent l’application de la loi organique sur la décentralisation et les textes réglementant l’hygiène dans la capitale. Des arguments qui trouvent écho auprès de certains citoyens, exaspérés par la saleté et les odeurs nauséabondes dans certains quartiers.

« On ne peut pas vouloir du développement et continuer à manger dans la poussière ou à côté des égouts », tranche Anicet Nguema. « Quand je vois parfois l’état des ustensiles ou des mains de certains vendeurs, je comprends pourquoi la mairie intervient. »

Patricia, étudiante en droit, partage cet avis mais tempère : « C’est bien d’interdire, mais il fallait accompagner cela de solutions concrètes : des zones réglementées, des formations, des contrôles plutôt qu’une répression brutale. »

Vers une régulation ou un durcissement ?

Si l’intention des autorités est de garantir un cadre de vie sain et conforme aux normes internationales, la question de l’accompagnement reste posée. Pour Cédric Akambi, sociologue urbain, « ce genre de décision doit s’inscrire dans une vision plus large de l’économie informelle. Libreville compte des centaines de femmes et d’hommes qui vivent de la vente ambulante. Les retirer du paysage sans alternative claire, c’est ajouter à la précarité ambiante. »

Une opinion partagée par plusieurs opérateurs du secteur informel qui appellent la mairie à rouvrir le dialogue. « Nous ne sommes pas des ennemis de la ville, nous sommes ses enfants », résume Eliane, vendeuse de lait caillé à Alibandeng.

Si l’hygiène et la salubrité publique relèvent de l’intérêt général, la mise en œuvre des décisions qui y concourent reste un exercice d’équilibre entre fermeté et inclusion. L’interdiction de la restauration ambulante à Libreville ouvre un débat fondamental sur la régulation de l’économie de survie en zone urbaine. Entre responsabilité sanitaire et droits économiques, la capitale devra, tôt ou tard, trouver une voie médiane. En attendant, les brouettes sont invitées à déserter les trottoirs… mais les préoccupations, elles, continuent d’agiter l’espace public.

 
GR
 

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