Justice internationale et climat : les nouveaux outils pour contraindre les États

À l’heure où le changement climatique menace les États vulnérables et leurs populations, les juges internationaux apparaissent comme des acteurs importants dans la mise en œuvre des engagements climatiques. La juriste Flore Ntsatsiesse analyse avec acuité les «armes» dont disposent ces juridictions pour faire respecter le droit climatique, malgré les résistances politiques.

Face au changement climatique, les juges internationaux sortent les armes juridiques. © D.R.
Le combat contre le réchauffement climatique ne se joue plus seulement dans les forêts, les océans ou les conférences internationales. Il a désormais investi les salles d’audience des juridictions internationales. Dans son étude intitulée « Les armes du juge international dans la lutte contre le changement climatique« , Flore Ntsatsiesse dévoile les moyens juridiques — véritables armes — que le juge international peut mobiliser pour contraindre les États à respecter leurs engagements climatiques.
Face à la gravité et l’urgence des enjeux, ce sont notamment la Cour internationale de Justice (CIJ), le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) et les Cours régionales des droits de l’homme qui sont appelés à la barre. Leur rôle ? Protéger à la fois les États les plus fragiles, comme les petits États insulaires menacés de disparition, et les individus dont les droits fondamentaux sont affectés par la crise climatique.
Pourtant, la tâche s’avère ardue. La plupart des États s’opposent farouchement à toute ingérence judiciaire dans ce domaine, refusant de soumettre leurs politiques climatiques à un contrôle juridictionnel. Le risque d’une «rébellion» d’États face à des décisions trop audacieuses demeure une épée de Damoclès en suspens. Malgré cela, le juge international innove et développe progressivement un arsenal procédural inédit.
Vers un contrôle judiciaire des «budgets carbone»,
Le Tribunal international du droit de la mer a ainsi fait une avancée décisive en reconnaissant que les émissions humaines de gaz à effet de serre constituent une pollution du milieu marin. Cette reconnaissance ouvre la possibilité d’un contrôle judiciaire des «budgets carbone», même si les compétences du Tribunal dans ce champ restent à préciser.
De son côté, la Cour internationale de Justice s’appuie sur des instruments juridiques puissants, comme l’article 14 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris, pour encadrer et vérifier les engagements pris par les États.
À travers sa jurisprudence récente, la justice internationale crée aussi de nouveaux mécanismes de coercition, souvent par voie prétorienne, qui permettent de contourner les blocages politiques. Mais cette montée en puissance judiciaire doit trouver une articulation efficace avec l’action politique pour être pleinement efficiente.
Un double enjeu juridique et politique
L’analyse de Flore Ntsatsiesse éclaire avec rigueur ce double enjeu juridique et politique, soulignant l’importance d’un dialogue constructif entre les juridictions internationales et les États. Car le défi climatique, immense et global, exige une coopération à tous les niveaux et le recours à tous les moyens, y compris dans la sphère judiciaire.
En clair, même si la justice internationale climatique fait face à d’importantes résistances, elle déploie des armes juridiques innovantes qui pourraient bien changer la donne dans la lutte pour la sauvegarde de la planète. Une espérance juridique bienvenue au cœur d’une crise climatique aux multiples visages.
Nonobstant son nouveau poste de conseiller juridique du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, le maître de conférences Flore Ntsatsiesse continue de rayonner parmi les experts internationaux du changement climatique. Son article « Les armes du juge international dans la lutte contre le changement climatique’’, vient de paraître dans la prestigieuse revue scientifique française : La Revue des droits de l’Homme N°28. Cette étude servira non seulement à la construction doctrinale en cours sur le sujet, mais aussi aux États, aux entreprises, aux dirigeants politiques, à la société civile et aux juges désireux de perfectionner leurs « armes » dans cette lutte collective.

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