Marine marchande : Fin des dérives, place aux règles ?

Face à une administration plombée par les conflits de compétences, des dérives éthiques et une gestion budgétaire opaque, le directeur général de la Marine marchande a annoncé, lors d’un échange avec ses collaborateurs le 23 juin 2025, une série de réformes structurantes. Entre réforme de la facturation, rationalisation des recettes et encadrement éthique, ces mesures visent à redonner à l’institution ses lettres de noblesse. Mais leur mise en œuvre pose aussi des défis de cohérence, d’adhésion et de responsabilité partagée.

Désormais à la Marine marchande, seul le service financier est habilité à établir les factures. © freepik
Dès l’ouverture de son discours, le directeur général, Jean Cruz Lessagui a insisté sur la nécessité de clarifier les responsabilités dans la chaîne administrative. « Il est important pour tout agent de savoir son rôle, sinon ses fonctions », a-t-il martelé. Dans cet esprit, il a annoncé une réforme majeure de la facturation : désormais, seul le service financier est habilité à établir les factures. Les directeurs techniques, chefs de stations et délégués n’auront plus qu’à transmettre les éléments nécessaires.
Cette mesure vise à renforcer la transparence, à éliminer les zones d’ombre et à améliorer la traçabilité des opérations financières. « Même moi, directeur général, je ne suis pas autorisé à faire une facture », a-t-il souligné, appelant à une responsabilisation hiérarchique et fonctionnelle.
Autre décision forte : la fin de la gestion autonome des recettes. Toutes les ressources financières collectées par la Marine marchande devront être désormais reversées au compte du Trésor public. Pour garantir la continuité du service, des régies budgétaires seront créées dans chaque délégation avec des dotations de fonctionnement trimestrielles.
« Lorsqu’une recette est faite à la Marine marchande, ce n’est pas sa propriété. C’est d’abord celle de l’État », a rappelé le directeur général. Il a fustigé les pratiques actuelles qui consistaient à se servir directement dans les recettes, les qualifiant sans détour de « détournement ».
L’objectif est clair : assurer une gestion budgétaire rigoureuse, transparente, alignée sur les règles de la comptabilité publique, tout en donnant aux entités déconcentrées les moyens de fonctionner efficacement.
Redressement éthique : un manuel de procédures pour baliser les responsabilités
Dans la même dynamique, un chantier normatif est en cours : l’élaboration d’un manuel de procédures. Ce document précisera les fonctions et responsabilités de chaque poste, de la direction générale aux services opérationnels. Il sera accompagné d’un code de déontologie qui fixera les sanctions applicables en cas de manquement.
« Le manuel dira qui fait quoi, et le code dira quelles sanctions appliquer en cas de violation », a expliqué le directeur général, ajoutant que « certains, sans s’en rendre compte, ou par habitude, exercent des fonctions qui ne sont pas les leurs ».
En filigrane, ces mesures visent à prévenir les conflits organisationnels, à restaurer la hiérarchie fonctionnelle et à poser les bases d’une culture administrative fondée sur l’intégrité et la redevabilité.
Une réforme ambitieuse, un cap délicat à tenir
Ces réformes, bien que saluées pour leur portée structurante, marquent une rupture avec les pratiques tolérées pendant des années. Elles exigent une adhésion sans réserve des collaborateurs, un accompagnement méthodique, et un leadership constant. En invitant ses équipes à réfléchir à leurs fonctions, Jean Cruz Lessagui engage toute l’administration sur un chemin exigeant mais nécessaire : « Nous devons nous comprendre, nous repositionner, nous professionnaliser ».
Reste à savoir si ces annonces, ambitieuses sur le papier, se traduiront en actes durables et si l’ensemble des acteurs, à tous les niveaux, joueront le jeu de la réforme. L’avenir de la Marine marchande gabonaise, à l’évidence, est à ce prix.

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