En choisissant d’arriver à son investiture dans une Mercedes-Benz 600 Pullman blanche, rarissime modèle ayant appartenu à Omar Bongo et longtemps conservée à la Cité de la Démocratie, Brice Oligui Nguema a fait plus qu’un geste d’apparat : il a convoqué l’histoire, le prestige et la solennité des grandes heures du pouvoir gabonais. Ce véhicule de collection, symbole d’autorité dans le monde entier, a conféré à la cérémonie une solennité républicaine emprunte de mémoire et d’élégance.

À bord de cette Mercedes-Benz 600 Pullman, Oligui Nguema n’a pas seulement traversé un stade, il a traversé le temps. © Serge Abslow

 

C’est dans un halo de puissance symbolique que le président Brice Clotaire Oligui Nguema a fait son entrée solennelle au stade de l’Amitié d’Angondjé, ce 3 mai 2025, à l’occasion de la cérémonie de sa prestation de serment présidentiel. Mais ce n’est pas seulement l’homme qui a marqué les esprits aujourd’hui. C’est aussi la voiture, comme sortie d’un autre temps. Longue, blanche, profilée comme une ombre impériale : c’est une Mercedes-Benz 600 Pullman, modèle mythique du siècle dernier, jadis réservé aux souverains, chefs d’État et icônes planétaires.

En Mercedes-Benz 600 Pullman, Oligui Nguema a fait de son investiture un cortège de mémoire et de puissance. © D.R.

Derrière ses chromes étincelants et son allure hors du temps se cache un bijou d’ingénierie allemande : la Mercedes 600 Pullman W100, produite entre 1963 et 1981, à seulement 428 exemplaires dans cette version allongée. Sous son capot, un moteur V8 de 6,3 litres délivrant 250 chevaux, propulsant ses 2,5 tonnes à plus de 200 km/h. Un monstre de raffinement, suspendu sur une technologie pneumatique révolutionnaire pour l’époque, et doté de portes si massives qu’elles s’ouvraient grâce à un système hydraulique. Prix actuel du modèle en bon état : entre 150 000 et 235 000 euros (98 à 154 millions FCFA). Les versions exceptionnelles frôlent parfois les 500 000 euros (327 millions FCFA), voire plus.

Mais au-delà des chiffres, il y a l’aura. Car cette limousine si particulière, écrin roulant pour les figures de pouvoir, ne vient pas de nulle part, elle n’est pas sans histoire : elle a appartenu au président Omar Bongo Ondimba, qui l’avait intégrée à son impressionnante collection de véhicules de prestige. Selon des sources rares mais concordantes, la célèbre limousine présidentielle, longtemps associée à Omar Bongo, existait depuis Léon Mba  et figurait déjà dans le parc automobile présidentiel avant l’accession au pouvoir de Bongo en 1967. Conservée durant plusieurs décennies dans les garages de la Cité de la Démocratie à Libreville, aux côtés de Rolls-Royce, Maybach, Ferrari et autres joyaux automobiles, cette limousine emblématique était l’un des fleurons du parc présidentiel. Sa réapparition lors de cette cérémonie d’investiture ajoute une profondeur historique à l’instant, mêlant mémoire, faste et continuité du pouvoir d’État.

Oligui n’est donc pas monté dans une voiture : il a enfourché un héritage. Celui des grands hommes politiques qui, pour le pire ou le meilleur, ont associé leur nom à cette machine de prestige. L’on pense à Fidel Castro, Kim Il-sung, Hassan II, ou Jean-Bedel Bokassa, et bien entendu à Omar Bongo, qui en 1968 fut l’un des premiers propriétaires d’une Mercedes 600 Pullman Landaulet, avec toit découvrable et six portes. Jadis utilisé pour les défilés présidentiels, ce véhicule est depuis entré dans l’histoire gabonaise.

En apparaissant à bord de cette voiture d’une autre époque, le président Oligui Nguema inscrit son investiture dans une ligne de continuité présidentielle autant que dans une rupture solennelle. La tradition du faste présidentiel se mêle ici à une démonstration subtile de souveraineté retrouvée. Il ne s’agit pas seulement de luxe — mais d’une allégorie roulante d’un pouvoir restauré et regardant le monde dans les yeux. À Angondjé, le rugissement muet du V8 avait, en tout cas, des accents de revanche. Celle d’un État qui, après la brèche de 2023, s’est remis en marche.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. ACTU dit :

    Cette Mercedes n apartenait pas a Omar Bongo mais existait depuis Leon Mba (regarder les archives.)

    En effet Oligui a voulu rappeler qu’il s’inscrit dans la suite logique du Pere de la Nation que Bongo a d’ailleurs suivi a son accession au pouvoir en 1967.

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