L’agence de notation américaine Fitch Ratings a, le 8 mai dernier, estimé que l’opération de gestion du passif récemment menée par le Gabon, baptisée «Opération Mouele» et consistant en un échange d’obligations et de bons en monnaie locale, ne constitue pas un défaut de paiement. Bien que cette opération vise à améliorer la liquidité intérieure et allonger la maturité de la dette, le Gabon reste confronté à d’importantes tensions de liquidité, justifiant le maintien de sa note souveraine à « CCC ».

Selon l’agence Fitch Ratings, l’opération Mouele n’équivaut pas à un défaut de paiement, malgré une modification significative des échéances. © GabonReview

 

Le 28 avril 2025, les autorités gabonaises ont annoncé la finalisation d’une opération d’échange de titres publics libellés en monnaie locale. Selon l’agence Fitch Ratings, cette opération n’équivaut pas à un défaut de paiement, malgré une modification significative des échéances. En effet, si les titres échangés bénéficient de maturités plus longues, l’exercice n’a pas été motivé par une incapacité imminente à honorer les engagements, mais plutôt par une volonté d’assainissement budgétaire.

L’opération a permis de convertir 5,4 % du PIB en obligations, soit environ 592 milliards de francs CFA, représentant 34 % de l’encours du marché régional de la dette. Plus de la moitié des bons du Trésor à court terme (BTA) ont été transformés en titres à plus longue échéance, tout comme 27 % des obligations assimilables du Trésor (OTA).

Allègement temporaire et incitations bancaires

Les retombées immédiates sont visibles : les remboursements de dette seront réduits de 1,4 % du PIB en 2025 et de 0,8 % en 2026. Le profil de maturité de la dette s’en trouve considérablement allongé ; une bouffée d’oxygène pour le Trésor public. Pour inciter les banques à participer, les nouvelles obligations bénéficient d’une pondération de risque nulle, selon les critères du régulateur bancaire régional. Cette mesure repose notamment sur l’instauration de comptes séquestres adossés aux ressources, renforçant la crédibilité de l’opération.

Malgré ce soulagement partiel, le Gabon reste sous la menace de contraintes de liquidité internes et externes. Fitch maintient sa note souveraine à « CCC », témoignant de la fragilité du pays à faire face à ses obligations financières. «Cette fragilité est alimentée par la volatilité du marché régional de la dette et par l’accès restreint à des financements extérieurs promis, mais non encore débloqués».

Le pays a toutefois réussi à lever 4,1 % du PIB sur le marché régional en 2024, et 3,1 % du PIB en argent frais cette année, dont une part en nouveaux prêts amortissables à six ans, avec un taux d’intérêt de 6,5 %. L’ensemble de ces opérations a entraîné une hausse de 7 % du PIB de la dette intérieure du marché gabonais.

Perspectives : entre pétrole, FMI et élections

Pour 2025, Fitch prévoit un déficit budgétaire de 2,8 % du PIB, basé sur un baril de Brent estimé à 65 USD. Or, le prix d’équilibre budgétaire du Gabon est estimé à 85 USD, soulignant la dépendance du pays aux recettes pétrolières. Une reprise des négociations avec le FMI est jugée nécessaire et probable après l’élection présidentielle d’avril dernier, dans un contexte où la clarté budgétaire et l’amélioration de la liquidité en devises dans la zone CEMAC pourraient favoriser un retour de la confiance.

Selon Fitch, si le Gabon a su manœuvrer habilement pour alléger temporairement la pression sur sa dette intérieure, les vulnérabilités macroéconomiques restent profondes. L’accès au crédit reste coûteux, et l’absence de soutiens financiers extérieurs pérennes compromet la stabilité à moyen terme. La crédibilité du redressement dépendra largement du cadre budgétaire postélectoral et d’une réintégration active dans un programme du FMI.

 
GR
 

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