Owendo sous pression : 72 heures pour partir, aucune solution pour rester

Moins d’un mois après les opérations de déguerpissement menées au Boulevard Triomphal, à la Plaine Orety et au Bas de Gué-Gué à Libreville, la Commune d’Owendo est à son tour touchée par une vaste opération de libération du domaine public. Si les autorités évoquent la nécessité d’assainir l’espace urbain, la méthode interroge, alors que plus d’une centaine de foyers du Carrefour-SNI, Virié 2 et Barracuda doivent quitter leurs maisons en seulement 72 heures. Faute de relogement, la tension monte. Que révèle réellement cette démarche sur la politique urbaine en cours ?

Le compte à rebours est lancé au Carrefour-SNI, dans la commune d’Owendo. © GabonReview
Le compte à rebours est lancé au Carrefour-SNI, dans la commune d’Owendo. Les engins du Génie militaire sont attendus sous peu pour procéder à la démolition de nombreuses habitations. L’annonce, tombée comme un couperet, a été transmise par les services municipaux avec un ultimatum de trois jours pour déguerpir. Une méthode qui laisse les riverains sans voix, tant sur la forme que sur le fond.
« Ce matin, je reçois une visite du délégué spécial de la commune d’Owendo avec sa suite. C’est lorsque le délégué me pose une question de savoir si je suis au courant qu’on doit nous casser, qu’on doit casser le Carrefour-SNI. Je lui ai dit non, je n’étais pas au courant, je n’étais pas informé », déplore Emane Nguema Justin, chef de quartier de Carrefour-SNI et Virié 2.
L’opération, qui vise plus d’une centaine de familles, s’inscrit dans la continuité d’initiatives similaires lancées à Libreville ces dernières semaines. Pour autant, l’absence de plan de relogement ou de compensation pour les populations déplacées ravive les critiques sur le caractère brutal de ces déguerpissements.
Entre adhésion au principe et rejet de la méthode

Un ultimatum de trois jours pour déguerpir. © GabonReview
Les habitants ne rejettent pas en bloc la politique de réorganisation urbaine. Ils disent comprendre la nécessité d’assainir certains espaces, mais dénoncent le manque de concertation, l’absence d’accompagnement social, et surtout l’impréparation des autorités face aux conséquences humaines. La douleur est d’autant plus vive que de nombreuses familles vivent sur ces terres depuis des décennies.
« Mon grand-père est venu ici en 1961. Je suis ici depuis longtemps, j’ai grandi ici. Je n’ai pas grandi ailleurs qu’ici. » confie une résidente émue. Et d’ajouter, à l’endroit du président de la transition : « On le dit, on ne refuse pas de partir. Mais nous disons au président Oligui Nguema, situe-nous d’abord avant de nous enlever. Nous irons où avec tous les enfants là ? Les bébés, les mamans âgées, on va aller où ? On va les rentrer chez qui ? »
Alors que la période post-transition politique en cours mise sur une rupture avec les pratiques du passé, les opérations de déguerpissement menées sans filet social semblent traduire un décalage entre les discours et les actes. Pour les résidents d’Owendo, l’incompréhension est totale face à un calendrier expéditif, qui semble négliger les conditions de vie des plus vulnérables : enfants, personnes âgées, familles modestes.
Loin d’être un simple acte technique, la démolition de ces habitations engage des vies, des mémoires, des repères. En l’absence de mesures concrètes d’accompagnement, c’est le risque d’un drame social qui se profile. Les riverains, eux, espèrent toujours un geste du chef de l’État pour humaniser cette opération.
Au-delà du cas d’Owendo, une question plus large s’impose : quelle vision urbaine pour le Gabon de demain ? Et surtout, comment concilier impératifs de développement et respect de la dignité humaine ? À défaut d’une réponse claire, les déguerpissements s’enchaînent… et les populations s’effacent dans l’urgence, avec leur lot de blessures et de silences.

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