Vers un multipartisme sous surveillance. À quelques mois des législatives du 27 septembre, le président Brice Clotaire Oligui Nguema s’apprête à lancer un parti présidentiel sur fond de réforme électorale musclée. Un «avatar modernisé du PDG», selon Jeune Afrique, qui recentre le pouvoir en éliminant la périphérie.

«Le Gabon semble se diriger vers un multipartisme placé sous haute surveillance : légalement autorisé, mais politiquement balisé.» – Marwane Ben Yahmed, Jeune Afrique. © Présidence de la République Gabonaise

 

«La vie politique gabonaise entre dans une nouvelle ère», annonce d’emblée Marwane Ben Yahmed dans un article publié le 25 juin sur le site de Jeune Afrique. Deux dates y sont mises en lumière : le 17 juin, jour d’adoption d’une loi aux allures de purge silencieuse ; et le 28 juin, date choisie par Brice Clotaire Oligui Nguema pour officialiser la création de son propre parti [en réalité reporté pour le moment]. Deux bornes fondatrices d’un nouveau régime politique qui, sans abolir le multipartisme, en redessine strictement les contours.

Le projet présidentiel repose sur une double manœuvre : réglementer drastiquement l’accès à l’arène partisane, tout en organisant l’émergence d’un parti hégémonique, appelé à dominer le champ électoral. La loi votée le 17 juin est sans appel : tout parti devra désormais justifier d’une implantation dans cinq des neuf provinces, rassembler au moins 12 000 adhérents et se soumettre à un examen annuel de ses comptes. À défaut de participation à deux scrutins successifs, la radiation est automatique. «Une stratégie d’exclusion douce – sans interdiction formelle, mais par élimination ‘technique’», résume Ben Yahmed.

Ce filtre redoutable vise à éradiquer les «partis de salon», jugés inutiles, voire toxiques. Ils céderont la place à un attelage mieux huilé, centré autour du futur parti présidentiel, dont le nom – encore tenu secret – devrait comporter le mot «bâtisseurs». Selon Jeune Afrique, il ne s’agira pas d’un simple recyclage du PDG, mais de «son avatar modernisé» : un instrument discipliné, centralisé, ostensiblement tourné vers la jeunesse et la société civile, mais «fermement arrimé au pouvoir exécutif».

Ben Yahmed note une certaine continuité : «Quand Omar Bongo Ondimba détenait le pouvoir, le Parti démocratique gabonais formait l’ossature du régime. […] Sous Ali Bongo, il a perdu de son influence sans pour autant perdre sa position hégémonique.» Oligui Nguema, lui, s’inspire de cette matrice tout en corrigeant ses travers. Le PDG avait vieilli, s’était fissuré. Le nouveau parti, lui, se veut fluide, cohésif, régénéré. Il rassemblera anciens barons, cadres militaires du CTRI, technocrates formés à l’étranger, et notables enracinés localement.

Vers un multipartisme sous surveillance

Mais ce «recentrage» a ses perdants. L’opposition traditionnelle, déjà affaiblie, voit ses marges de manœuvre se réduire. «Pour elle, cette loi ressemble à une purge», écrit Jeune Afrique. De Jean Ping à Albert Ondo Ossa, en passant par l’Union nationale, tous peinent à se réinventer dans un contexte de «verrouillage croissant de l’espace médiaco-juridique». Certains envisagent des fusions, d’autres la reconversion en plateformes citoyennes.

Quant à la société civile «non-alignée», notamment les syndicats d’enseignants ou de magistrats, elle risque de rester cantonnée au rôle de spectatrice. Elle «restera active et audible», mais «exclue du jeu électoral». Même destin pour les partis boutiques, formations sans militants mais dotées d’un logo et d’une carte, dont la seule fonction – servir de vitrine ou de monnaie d’échange – devient caduque. Elles seront, selon l’article, «radiées».

La nouvelle loi, combinée à l’irruption d’un parti présidentiel centralisateur, configure un système que Jeune Afrique qualifie sans ambages de «multipartisme placé sous haute surveillance». Un pluralisme de façade, balisé, calibré. L’élection à venir du 27 septembre en sera le premier test grandeur nature.

Reste une incertitude de taille : Brice Clotaire Oligui Nguema saura-t-il éviter les travers de ses prédécesseurs ? La question, en creux, irrigue tout l’article de Ben Yahmed. Le peuple gabonais, échaudé par les promesses non tenues du système Bongo, aspire à plus qu’un changement de décor. Il attend «que la classe politique se montre, cette fois, à la hauteur de [ses] attentes».

 
GR
 

2 Commentaires

  1. DesireNGUEMANZONG dit :

    De 1990 à 2023 (en 33 ans), un politologue peut-il nous faire le bilan (ou le compte de résultat) du multipartisme dans notre pays (au regard de la situation politique actuelle)?

    « A la fin de l’envoi, je touche « .

  2. Akoma Mba dit :

    Rien d’étonnant dans un pays où les moutons bénis oui oui votent à la Soviétique

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