Afrobarometer a livré un verdict glaçant : 99 % des Gabonais estiment leur police corrompue, 68 % l’accusent d’arrêts arbitraires, et seuls 11 % approuvent l’action du gouvernement contre la criminalité. Derrière les uniformes, c’est tout un système d’abus et d’impunité qui fait vaciller la légitimité de l’État.

Au Gabon, croiser un policier, c’est risquer le racket, la brutalité ou l’humiliation. © D.R.

 

Il est des chiffres qui sonnent comme des arrêts de mort politiques. Publiée le 28 août 2025, l’étude Afrobarometer sur la perception de la police au Gabon n’est pas une enquête de routine : c’est une radiographie au vitriol d’un État incapable de garantir l’ordre sans sombrer lui-même dans le désordre. Le problème n’est plus seulement celui d’une poignée de ripoux : c’est celui d’une institution qui, au lieu d’incarner la loi, la piétine au quotidien. Et le peuple, lassé, n’accorde plus ni confiance, ni respect.

Une police devenue synonyme d’insécurité

Au lieu d’apaiser, la police effraie. Près des deux tiers des Gabonais avouent s’être sentis en insécurité dans leur quartier, et près de la moitié redoutent un crime jusque dans leur propre maison. Ironie amère : plus la présence policière est visible, plus l’angoisse grandit. Les contrôles routiers ne sont plus des opérations de sécurité, mais des rituels de racket. Les barrages ne protègent pas, ils dépouillent. Le citoyen gabonais n’attend plus rien d’un policier qu’il croise : il serre les dents, cache son portefeuille et prie pour en sortir indemne.

L’abus comme culture, la corruption comme méthode

Ce que montre Afrobarometer est accablant : 68 % de Gabonais accusent la police d’arrêts sans motifs valables, 64 % de violences contre les manifestants, 57 % de brutalités contre les suspects. Plus grave encore, un tiers affirme que la police elle-même se livre à des activités criminelles. L’institution censée réprimer le crime en devient l’actrice. Payer un pot-de-vin, «glisser quelque chose», est devenu la monnaie courante des interactions avec l’ordre public. Plus d’un Gabonais sur cinq a dû payer pour obtenir un service ou éviter un ennui. Dans ce contexte, parler de professionnalisme relève du cynisme. La corruption n’est pas un accident : elle est devenue une politique officieuse, tolérée par le sommet et appliquée à la base.

Après le coup d’État du 30 août 2023, le général Brice Oligui Nguema et son ministre de l’Intérieur Hermann Immongault promettaient de «restaurer» la police, d’en finir avec les abus. Des annonces tonitruantes : unités spécialisées, 944 sous-officiers formés, plus de 1.000 recrues. Mais à quoi sert d’ajouter de nouvelles briques à une maison déjà gangrenée par les termites ? Les Gabonais ne s’y trompent pas : seuls 11 % jugent que l’État combat efficacement la criminalité. La majorité voit dans ces réformes un écran de fumée, une mise en scène sans impact sur la réalité quotidienne.

Quand 99 % d’un peuple affirme que sa police est corrompue, ce n’est plus une alerte, c’est une condamnation. Et cette condamnation ne frappe pas seulement les hommes en uniforme : elle éclabousse le pouvoir lui-même. Car un État qui tolère une police prédatrice se disqualifie. Il perd son autorité, son crédit et sa raison d’être. En vérité, ce n’est pas seulement la police qui est en procès : c’est la République tout entière.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Jean Jacques dit :

    Dans les vraies républiques, un individu ne peut pas faire l’objet de kidnapper, séquestré, torturé jusqu’à la mort, sans presenter un mandat d’arrêt emis par une vraie justice, pas celle du Gabon ou les faux procureurs corrompus, font la politique d’un homme

  2. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Morceau au choix 1 :  » Mais à quoi sert d’ajouter de nouvelles briques à une maison déjà gangrenée par les termites ». Une image qui interpelle. Mais combien de baromètre la police à telle eu depuis 50 ans, pour autant le mal s’est davantage enraciné ?

    Morceau au choix 2 :En vérité, ce n’est pas seulement la police qui est en procès : c’est la République tout entière. En français facile l’homme du 30 Aout doit frappé fort, sinon l’afrobaromètre s’attaquera au bord de mer et là…. Amen.

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