Privés de bourse, les étudiants gabonais à l’étranger vivent dans l’angoisse

Les retards de paiement des bourses d’études versées par l’Agence nationale des bourses du Gabon (ANBG) plongent des milliers d’étudiants gabonais à l’étranger dans une précarité croissante. En France, en Russie, en Belgique ou au Maroc, les témoignages se multiplient, révélant une crise structurelle qui menace l’avenir académique et psychologique de ces jeunes. Les autorités de Libreville, elles, restent murées dans le silence.

Des Gabonais manifestant pour le paiement des bourses étudiantes près de l’ambassade du Gabon, à Paris, le 19 septembre 2025. © D.R.
«Beaucoup d’entre nous vivent dans l’angoisse permanente de l’expulsion, du décrochage académique et du burn-out», alerte une tribune publiée début septembre par le Collectif des étudiants gabonais boursiers à l’étranger. Signée par des étudiants de France, du Maroc, de Belgique, d’Espagne et de Russie, elle interpelle directement le président Brice Clotaire Oligui Nguema.
Sans réponse des autorités de Libreville, le 19 septembre dernier, une manifestation a été organisée devant l’ambassade du Gabon à Paris. «On nous a promis qu’une solution rapide allait être trouvée. Mais nous savons déjà que cette situation va se reproduire et que nous allons à nouveau devoir nous battre pour le respect de nos droits. C’est cette crainte, ce poids permanent, qui est le plus dur à vivre», déplore chez nos confrères de France 24 un membre du collectif qui y a pris part.
Des retards chroniques, une agence débordée, des vies suspendues à un virement
Les difficultés rencontrées par cet étudiant et ses nombreux compatriotes ne datent pas d’hier. En janvier, une manifestation au siège de l’ANBG à Libreville avait dégénéré après quatre mois d’interruption de paiement. Depuis sa création en 2011, le nombre de boursiers est passé de 11 000 à près de 30 000, dont 4 000 à 5 000 à l’étranger. Pour faire face, l’agence a recruté massivement, mais certaines embauches n’auraient pas été budgétisées, provoquant une crise interne. «Depuis très longtemps, les étudiants gabonais sont confrontés à ce problème. Et malheureusement, la situation ne s’améliore pas», regrette l’étudiant avant d’ajouter : «Dans d’autres pays, certains attendent depuis cinq mois. Nous sommes tous concernés par ce problème.»
Comme lui, un autre compatriote, étudiant ingénieur dans le nord de la France, n’a pas perçu sa bourse depuis deux mois. «Je suis à découvert sur mon compte et je n’ai pas encore payé les frais de scolarité», confie-t-il, disant vivre désormais au jour le jour, cherchant quotidiennement de quoi manger et sans argent pour payer le trajet pour se rendre aux cours. «Alors je fais quoi ? Je marche ? Et demain ? Comment je vais tenir ?» s’interroge-t-il dépité.
Un troisième étudiant gabonais, quant à lui inscrit dans la région de l’Oural, en Russie, n’a rien touché depuis cinq mois. Il fustige la «nonchalance» et le manque de «professionnalisme» de l’agence : «L’ANBG nous répète toujours la même chose, ils ont un problème de trésorerie, ça va arriver… Ils se foutent de nous !»
Une réforme qui inquiète
En juillet, le président Oligui Nguema annonçait la suspension des allocations étudiantes dans plusieurs pays occidentaux pour lutter contre la «fuite des cerveaux». L’ANBG a précisé que cette mesure ne concernait que les futurs bénéficiaires. Mais beaucoup y voient un «mauvais signal». «On peut comprendre qu’il veuille réduire le nombre de bourses pour des raisons budgétaires. Mais les étudiants gabonais doivent continuer à avoir accès aux meilleures formations dans leurs filières», soutient le membre du collectif qui poursuit : «C’est facile de dire que les jeunes partent et ne veulent pas revenir, mais la réalité est qu’ils trouvent souvent de meilleures perspectives à l’étranger qu’au Gabon. Pour mener une politique de souveraineté nationale, il faut s’en donner les moyens.»
Une nouvelle directrice a été nommée en juin pour redresser l’ANBG, qui évoque un «budget contraint» et des «priorités financières à gérer». Mais pour les étudiants, le temps presse. À l’approche des élections législatives, ils espèrent que leur mobilisation portera ses fruits. En attendant, ils continuent de se battre pour que leur droit à l’éducation ne soit pas sacrifié sur l’autel des contraintes budgétaires.

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