Quand le PDG supplie l’UDB de respecter la loi… pour ses propres déserteurs

Sous couvert de félicitations, le PDG adresse à l’UDB un rappel à l’ordre aux allures d’avertissement. Dans une lettre datée du 5 août, l’ancien parti unique invoque l’article 82 du Code électoral pour contester certaines investitures accordées à ses ex-membres, illustrant les tensions sourdes qui traversent la majorité présidentielle..
Dans le courrier du PDG à l’UDB, les félicitations sont l’enveloppe ; l’avertissement, la véritable lettre. © GabonReview
Il y a des lettres qui, à elles seules, racontent une époque politique. Celle envoyée le 5 août 2025 par le Parti démocratique gabonais (PDG) au secrétaire général de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) en fait partie.
D’un côté, deux partis officiellement dans le même camp : la majorité présidentielle formée autour de Brice Clotaire Oligui Nguema. Le PDG ne s’est pas contenté de s’en réclamer : il a battu campagne pour lui lors de la présidentielle d’avril, contribuant à son plébiscite de 95 %. De l’autre, l’UDB, né en juillet et déjà machine centrale du pouvoir, aspirant à lui seul presque tout l’oxygène politique du pays.
Et pourtant, la lettre d’Angélique Ngoma sonne comme un rappel à l’ordre envoyé… à un allié. Sous une enveloppe de félicitations pour la nomination du SG de l’UDB, le PDG glisse une mise en garde juridique : «Certains démissionnaires (…) ayant obtenu l’investiture de votre Parti ne disposent pas de ce document», faisant référence au quitus prouvant qu’un militant est libre de tout engagement moral et financier vis-à-vis de son ancien parti, avant de brandir l’Article 82 de la Loi organique n°001/2025 portant Code éléctoral en République Gabonaise : «Un membre adhérant à un Parti politique légalement reconnu ne peut, dans un délai de quatre (4) mois au moins avant son élection, être investi par un autre Parti politique légalement reconnu sous peine d’annulation de son élection.»
Dans cette lettre, le plus lourd est peut-être celui qui ouvre le paragraphe final : «Afin de prévenir tout contentieux (…) nous sollicitons votre intervention.»
La scène est presque surréaliste : l’ancien parti unique, jadis maître des investitures, doit désormais prier la nouvelle maison du pouvoir de respecter les délais légaux… pour ses propres transfuges.
Un allié qui se vide de ses troupes
On devine l’arrière-plan : le PDG, affaibli par le coup d’État d’août 2023, se vide à grande vitesse de ses cadres, happés par l’UDB. Les deux appartiennent à la même majorité, mais l’un se construit pendant que l’autre se déconstruit. Politesse oblige, la lettre invoque la volonté de «préserver les excellentes relations politiques et fraternelles». Mais chacun sait qu’il s’agit d’abord de contenir une hémorragie.
L’ironie, c’est que ce rappel à la loi survient alors que le PDG ne peut espérer la moindre victoire contre l’UDB sans se tirer une balle dans le pied : affaiblir son allié, c’est affaiblir la majorité qu’il prétend servir. Mais laisser filer ses cadres, c’est signer son arrêt de mort politique. Dilemme cruel.
En politique, on appelle ça un «baiser de Judas» inversé : ce n’est pas l’allié qui trahit le chef, c’est le chef qui, par sa simple ascension, condamne l’allié à l’extinction. Et lorsque cet allié, hier tout-puissant, en est réduit à supplier que l’on respecte la procédure pour ses propres déserteurs, c’est que le match est déjà plié.

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