En attendant la promulgation de la loi relative à la réforme des partis politiques, notamment après leur examen par le parlement (Sénat et Assemblée nationale), quelques aspects de ce texte ont été évoqués par l’ancien Premier ministre, Alain-Claude Bilie-By-Nze. Lors de sa conférence de presse, le 11 juin, il a abordé cette «réforme des partis politiques que le pouvoir veut imposer», dénonçant «une entreprise de domestication du pluralisme». 

L’ancien Premier ministre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, lors de sa conférence de presse du 11 juin 2025. © D.R.

 

Le 2 juin dernier, le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, a reçu les conclusions des travaux du Comité de rédaction de l’avant-projet de loi sur les partis politiques. Des textes comportant les résultats des réflexions menées par les commissaires et devant régir le fonctionnement des formations politiques dans le pays. Commentant certains aspects du texte, l’ancien Premier ministre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, estime que «derrière cette prétendue réforme, ce que l’on prépare, c’est une démocratie administrée, encadrée, caporalisée…». 

Pendant un peu plus de dix jours, le Comité de rédaction de l’avant-projet de loi sur les partis politiques a mené des réflexions dans le but de proposer des réformes adéquates et adaptées au contexte de changement actuel, intervenu le 30 août 2023. Au bout des débats, le rapport indique, comme principales recommandations, l’attribution de deux sièges aux Gabonais de l’étranger, portant ainsi à 145 le nombre total de députés contre 143 par le passé et même l’exigence d’avoir 18 000 signatures pour valider la création d’une formation politique. Cette dernière exigence serait ramenée à 9000 adhérents. 

Pour l’ancien Premier ministre, candidat à l’élection présidentielle du 12 avril 2025, cette «exigence de 18 000 adhérents, ramenée à 9 000 pour exister légalement, l’obligation d’un siège, d’un compte bancaire, de disposer d’élus nationaux et locaux au sortir des prochaines élections n’est qu’un prétexte». Il soupçonne «une mécanique bien huilée pour assécher le paysage politique, éliminer les voix dissidentes et verrouiller le jeu avant même qu’il commence». 

Une «démocratie de sélection et non d’expression»

Ce qui lui fait conclure que c’est «ainsi [que] naissent les dictatures » et «ainsi s’installent les tyrannies». Alors que Brice Clotaire Oligui Nguema rappelait récemment que ces décisions n’émanent pas de lui, mais des conclusions du Dialogue national inclusif élaborées à partir des propositions des Gabonais, l’ancien patron de l’administration souligne, pour sa part, que «la démocratie ne peut être conditionnée à la richesse matérielle, à l’implantation territoriale artificielle, ou à la validation par le pouvoir central». 

«L’histoire nous enseigne que les grandes idées naissent souvent dans les marges. Que les vrais mouvements politiques commencent petits. Mais justes», a-t-il fait savoir, dénonçant par ailleurs le fait que «derrière cette prétendue réforme, ce que l’on prépare, c’est une démocratie administrée, encadrée, caporalisée, nettoyée de ses aspérités, domestiquée par les chiffres».

Bilie-by-Nze invoque et récuse une «démocratie de sélection, et non d’expression. Une démocratie de contrôle, et non de confrontation». 

Après la Transition et eu égard à l’ambition de réformer l’ensemble des institutions du pays, le nouveau cadre légal proposé par les rédacteurs de l’avant-projet de loi «vise à encadrer de manière plus rigoureuse leur création et leur fonctionnement». Il impose notamment l’obligation, pour chaque formation politique, de disposer d’un siège, d’un compte bancaire, d’organiser régulièrement des congrès et d’avoir des structures statutaires régulières. 

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Bilie Bi Nze incarne à lui seul une forme de narcissisme politique profondément déconnectée du peuple. Il ne l’écoute pas, il le méprise. À ses yeux, les Gabonais sont comparables à une foule instable, capable d’acclamer Jésus le matin et de réclamer sa crucifixion le soir. C’est ainsi qu’il conçoit notre nation : comme un peuple sans âme ni volonté propre.

    S’il se souciait réellement du sort des Gabonais, il aurait compris que la prolifération des partis politiques n’est pas un signe de vitalité démocratique, mais un symptôme de sa dégradation. Ces partis, pour la plupart, ne servent ni le peuple ni la démocratie ; ils la discréditent, l’affaiblissent, l’avilissent, et servent avant tout des intérêts partisans, claniques ou familiaux. Le rejet de cette mascarade, c’est précisément ce qui s’est exprimé avec force au dialogue inclusif.

    Si Bilie Bi Nze revient au pouvoir, ce sera pour remettre le pays entre les mains de politicards de son acabit, les mêmes qui, hier encore, confisquaient la République. Nous replongerions dans une “démocratie” de façade, désordonnée, soumise à l’opportunisme d’acteurs préoccupés par leurs privilèges, et non par le bien-être collectif.

    On revivrait ces pseudo-dialogues où seuls le parti au pouvoir et la pègre de courtisans qui l’entoure s’expriment, pour imposer des réformes impopulaires et injustes, à l’image du tristement célèbre bulletin inique, imposé sous son impulsion en tant PM.

    9000 adhérents, ce n’est pas la mer à boire. Si vous ne pouvez rassembler un minimum de gabonais, vous êtes indignes d’etre appelé parti politique dans notre pays. Il faut être d’une mauvaise fois profonde pour prétendre que la concession de 9000 membres loin du chiffre retenu au DNI porte atteinte à la démocratie. 9000 membres c’est peu pour un parti. On ne ne veut plus que notre pays soit l’otage de minorité bruyantes et instables.

    • Yann Levy Boussougou-Bouassa dit :

      Gayo,

      A un moment donné il faut cesser les attaques ad personam et ad hominem à l’égard de M;ACBBN et se focaliser vraiment sur le fond. Si cette loi venait à être adoptée par le parlement, je ne vois pas comment, dans une démocratie véritable, elle passerait le crible de la cour constitutionnelle (du moins en l’état), tant elle méconnaît les dispositions des articles 6 et 21 de la constitution en vigueur garantissant la liberté de formation des partis politiques (les conditions fixées par les projets dont on a vent sont excessivement restrictives). Ah! j’oubliais: dans notre démocratie le Président peut se passer de respecter la décision de la cour constitutionnelle (article 51). Tout va bien, je vous dis.

      Contrairement à ce que vous dites (et sans sophisme aucun), la prolifération des partis politiques traduit la diversité des opinions au sein de l’opinion. Pourquoi doit-on imposer à des femmes et des hommes libres bénéficiant des droits prévus aux articles, 6,13, 14 et 21 de notre constitution de faire leur marché politique au sein d’un espace politique privé de sa diversité ? Vous savez, dans certaines des démocraties les plus abouties, on parle parfois de faire en sorte que la diversité des opinions caractérise la chambre des représentants du peuple. C’est par exemple le cas en France où l’on débat souvent de l’introduction de la proportionnelle aux législatives. Allez dans le sens de plus de démocratie (et une meilleure répartition du fruit de la croissance économique) a toujours été la volonté des gabonais. Ces avant-projets de loi en débat vont dans le sens inverse, à mon avis. La diversité, c’est la démocratie ; la démocratie, c’est la polyphonie.

      Vous dites que les partis politiques ont pour la plupart, grosso modo, un rôle néfaste dans la marche de notre pays. Il s’agit, à mon humble avis, d’un constat subjectif. Et quand bien même le constat serait objectif, je pense qu »‘il existe dans notre système juridique actuel des mécanismes permettant de neutraliser les partis politiques dangereux, sans félonie à l’égard de la démocratie. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

      Laissons de côté les critiques accusant de vouloir, ainsi, tuer la compétition dans l’œuf (c’est vraiment ce qu’il se dit), si le but est en outre de rationaliser la dépense de l’Etat en direction des partis politiques (je ne sais pas très bien comment les choses fonctionnent dans notre pays dans cette matière), je me dis qu’on aurait pu simplement prévoir une subvention aux partis politiques fondées sur la présence au sein des assemblées parlementaires (l’Hexagone peut être une muse pour nous sur le sujet). Ainsi, si la plèbe vous fait assez confiance pour vous accepter dans son temple sacré, l’Etat en prendra acte et vous financera partiellement.Dans le cas contraire, vous ne recevrez rien (l’argent de l’Etat, c’est l’argent du peuple). Cela jugulerait la prolifération de partis politiques qui sont en réalité des entreprises commerciales.

      Enfin, en ce qui concerne cette propension à brandir le dialogue inclusif tus azimuts pour légitimer les positionnements les plus étranges, il faut aussi que cela cesse. On ne sait même pas dans quelle mesure ce dialogue est représentatif de l’opinion. Et ce que je constate, par ailleurs, c’est qu’il y a beaucoup de cherry picking en fonction des intérêts partisans quant à l’application de ses conclusions.

      cordialement

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