En réapparaissant le 15 septembre à Meyang pour inaugurer des investissements agricoles massifs, Hervé Patrick Opiangah (HPO) a retourné une cavale de dix mois en scène de puissance. Mais une phrase, lancée le 14 novembre 2024 – « Mon Général, ce n’est pas ce qu’on s’est dit !» – hante son retour : elle suggère un pacte brisé au cœur même de la transition.

Réapparition d’HPO à Meyang le 15 septembre 2025. Et si tout n’avait été qu’un règlement de comptes politique, dans un pays où la justice se plie trop souvent à la raison du plus fort ? © GabonReview

 

L’énigme tient d’abord à la procédure. Accusations d’une gravité extrême, perquisitions et scellés, passage en Cour de cassation en juin 2025 ; en face, aucun mandat d’arrêt international, un démenti public de la plaignante, puis un retour sans escorte judiciaire ni communiqué. Le mutisme institutionnel, contrastant avec l’énorme bruit médiatique, entretient l’idée d’une justice malléable quand la politique s’en mêle.

Pacte secret et rupture avec la transition

La clé de voûte pourrait être cette interpellation directe à Brice Clotaire Oligui Nguema. Le contexte plaide pour un Opiangah acteur-pivot du 30 août 2023 : sa présence au côté du chef du CTRI dès les premières rencontres avec Alternance 2023 et, surtout, l’affirmation publique de François Ndong Obiang en janvier 2024 selon laquelle HPO avait servi d’interface entre le CTRI et l’opposition. La phrase «ce n’est pas ce qu’on s’est dit» s’éclaire alors comme la réminiscence d’un engagement initial (restauration des institutions, élections libres, retour du pouvoir aux civils) et, selon plusieurs lectures, la possibilité d’une passerelle vers une candidature civile au terme de la transition, hypothèse que la petite phrase de Wilfried Okoumba, l’activiste, («Tu veux devenir président») avait déjà fait affleurer.

La rupture se cristallise autour du référendum constitutionnel du 16 novembre 2024, que HPO dénonçait littéralement comme la «consécration d’un Président de Droit divin». Trois jours plus tard, les poursuites pour viol et inceste démarrent : la coïncidence alimente l’ombre portée d’une instrumentalisation. La contestation de l’accord transactionnel avec Webcor (65 milliards de francs CFA), qualifié d’«escroquerie manifeste» par Opiangah, a durci la ligne de fracture. Entre-temps, des rumeurs de refuges au Congo-Brazzaville ou au Maroc ont circulé sans démenti officiel ni confirmation, ajoutant au brouillard.

Retour économique et zones d’ombre judiciaires

Son retour s’opère, lui, en pleine cohérence avec la stratégie gouvernementale d’autosuffisance : 120 000 pondeuses (objectif 150 000), une usine de chips à 800 millions de francs CFA, 1 600 emplois annoncés et la promesse de tripler la production d’œufs d’ici janvier 2026, au moment où l’État suspend les importations avicoles. Tout se passe comme si l’utilité économique avait pris le pas sur l’orthodoxie procédurale, comme si l’issue tenait moins d’un non-lieu explicite que d’un compromis tacite – nié par personne, confirmé par aucun acte.

Reste l’essentiel : quel est le statut exact des charges en cassation ? Les scellés ont-ils été levés ? Un accord politique a-t-il été conclu puis rompu ? Tant que ces questions demeurent, l’affaire Opiangah restera le miroir d’une Vè République incertaine, partagée entre promesse d’État de droit et tentation d’arrangements. Et si, au fond, tout n’avait été qu’un règlement de comptes politique dans un pays où la justice se plie trop souvent à la raison du plus fort ?

 
GR
 

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