Bien avant le coup d’État du 30 août 2023, alors que l’élite se murait dans une docile absurdité, dix Gabonais ont brisé l’omerta. En février 2019, le collectif «Appel à agir» a défié la peur et posé la question explosive que tout le pays taisait : qui dirigeait vraiment le Gabon ? Leur audace a ouvert la première faille dans un pouvoir que l’on croyait inébranlable. Retour sur cette insurrection citoyenne qui a annoncé, quatre ans avant l’heure, l’effondrement d’un régime que beaucoup jugeaient éternel.

En 2019, ils ont ouvert la première brèche d’un régime que l’on croyait indestructible. Le courage des 10 d’«Appel à agir» a fait vaciller le mensonge d’État bien avant le fracas du coup d’État. © GabonReview (montage)

 

Dans le tumulte politique ayant suivi l’AVC d’Ali Bongo Ondimba le 24 octobre 2018, des voix inattendues se sont levées. Le 28 février 2019, dix personnalités issues de l’opposition et de la société civile ont fondé le collectif «Appel à agir», brisant le mutisme qui paralysait alors l’élite gabonaise. Leur geste transcendait le simple militantisme : il incarnait un sursaut civique face à une République vacillante.

La composition du collectif révélait l’originalité du mouvement : Placide Aubiang Nzeh, Noël Bertrand Boundzanga, Elza Ritchuelle Boukandou, Franck Ndjimbi, Nicolas Nguéma, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Anges Kevin Nzigou, Marc Ona Essangui, Edgard Owono Ndong et Minault Maxime Zima Ebeyard. Ensemble, ils ont réclamé l’indicible : la reconnaissance de la vacance du pouvoir et une expertise médicale indépendante pour évaluer la capacité du président Ali Bongo à gouverner. Cette exigence n’était nullement une provocation, plutôt un appel au respect de la Constitution, révélant la maturité démocratique d’une société longtemps muselée.

Méthodiquement, le collectif avait tour à tour saisi le Sénat, l’Assemblée nationale, le gouvernement, la Cour constitutionnelle et la justice ordinaire. Chacune de ces démarches démontrait une stratégie légaliste exemplaire, soulignant que leur combat relevait plus d’une quête de légitimité républicaine que d’une agitation partisane. Leur bataille pour une expertise médicale, passée du tribunal de première instance jusqu’à la Cour de cassation, a mis à nu les résistances d’un État obsédé par la préservation de son image plutôt que par la transparence institutionnelle.

Face à eux, le pouvoir d’alors répondit par la menace, dénonçant un «appel à la rébellion». Mais cette fermeté affichée trahissait une inquiétude profonde : la peur qu’un groupe réduit mais déterminé fissure le vernis d’une présidence affaiblie. L’opposition officielle, d’abord hésitante, a fini par se rallier en partie, notamment avec l’entrée en scène de Jean Ping en mars 2019. L’influence du collectif a alors dépassé le cercle militant pour devenir un symbole de résistance civique.

À l’approche de la présidentielle de 2023, «Appel à agir» a transformé son cri d’alarme en stratégie citoyenne, exhortant les Gabonais à voter massivement, convaincu que «le bulletin de vote est la meilleure arme». Leur prémonition s’est confirmée le 30 août 2023, lorsque le coup d’État militaire a renversé Ali Bongo, validant les alertes qu’ils avaient lancées trois ans plus tôt.

L’aventure de ces dix citoyens sans peur a montré qu’une poignée de voix déterminées pouvait ébranler un système figé. «Appel à agir» a ainsi inscrit dans l’histoire du Gabon une leçon durable : la souveraineté populaire ne se mendie pas, elle s’exige avec courage et constance. Le collectif restera dans l’histoire politique gabonaise comme un ‘’objet politique non identifié’’ ayant eu alors le courage de poser publiquement la question taboue : «Qui dirige le Gabon ?» dans un contexte où l’élite politique restait silencieuse par peur des représailles.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Jean Jacques dit :

    Retour à l’accueil / Amériques
    Procès Bolsonaro: l’ex-président brésilien condamné à 27 ans de prison pour tentative de coup d’État
    Jugé pour tentative de coup d’État, l’ex-président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro a été reconnu coupable d’avoir voulu empêcher le retour au pouvoir de l’actuel président de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, jeudi 11 septembre. Il a été condamné à 27 ans et trois mois de prison lors d’un procès historique devant la Cour suprême.

    Voilà les vraies républiques où la vraie justice au service du PEUPLE et non la justice au service d’un homme.

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