Le compte-rendu d’un conseil d’administration extraordinaire du Pôle national de la promotion de l’emploi (PNPE), présidé par le ministre Patrick Barbera Isaac, révèle des décisions pour le moins surprenantes. Attribution d’un terrain au ministre, cession d’un véhicule de fonction au président du conseil, augmentation d’indemnités malgré la pénurie budgétaire : autant de choix qui ont poussé l’ancien directeur général à refuser d’exécuter des décisions « non conformes », entraînant son limogeage. Une affaire qui mêle conflits d’intérêts, opacité financière et possible abus de pouvoir.

Au PNPN, le ministre du Travail, Patrick Barbera Isaac, a transformé un conseil d’administration en machine à gratifications personnelles. © Ange Leeroy Nkogo Ondo (Montage GabonReview)

 

C’est un document qui circule sous le manteau dans les couloirs de l’administration gabonaise et dont GabonReview a consulté une copie. Le procès-verbal du conseil d’administration «extraordinaire» du Pôle national de la promotion de l’emploi (PNPE), tenu le 7 août 2025, raconte une bien curieuse histoire : celle d’une institution chargée de lutter contre le chômage qui semble avoir oublié sa mission au profit d’intérêts particuliers.

Présidée à l’antipode ses dispositions juridiques par le ministre du Travail, du Plein emploi et du Dialogue social, Patrick Barbera Isaac, cette réunion s’est transformée en véritable machine à gratifications. Au menu des délibérations : la cession pure et simple à Port-Gentil d’un terrain appartenant au PNPE au profit du ministre, l’attribution officielle d’un véhicule de fonction au président du conseil d’administration (PCA), le Pr Pamphile Mezui-Mbeng, et une augmentation substantielle et séance tenante des indemnités. Le tout estampillé «extraordinaire», alors que la loi encadre strictement ce type de réunion, réservée aux «questions urgentes ou stratégiques».

Un cadeau empoisonné

Le plus troublant dans cette affaire : le ministre aurait présidé la discussion puis la décision de lui attribuer un terrain appartenant à l’établissement dont il a la tutelle. «C’est un cas d’école de conflit d’intérêts», s’insurge un haut fonctionnaire ayant requis l’anonymat et ajoutant : « Le ministre est juge et partie». La cession d’un terrain du PNPE au bénéfice du ministre est résolument décision s’apparentant à un conflit d’intérêt manifeste, voire à un abus de biens sociaux.

Autre décision surprenante : l’attribution en bonne et due forme d’un véhicule de fonction au PCA. Problème : l’enquête de GabonReview révèle que le décret n°0087 fixant les modalités de rémunération des présidents de conseil d’administration ne prévoit pas cet avantage. Le texte mentionne uniquement une indemnité de 3 millions de FCFA. Le véhicule, une berline de luxe, était pourtant déjà entre les mains du PCA depuis juin 2025, selon nos informations. Le conseil d’administration n’aurait donc fait qu’entériner a posteriori une situation de fait, en excédant ses prérogatives.

L’absence de budget n’empêche pas les largesses

Le paradoxe le plus flagrant réside dans l’incohérence des décisions prises. Le procès-verbal mentionne noir sur blanc qu’«en l’absence de budget et de suivi des comptes au 30 juin, le conseil d’administration n’a pas pu statuer» sur certains points.

Mais, dans un élan de générosité inexplicable, les administrateurs ont malgré tout voté l’augmentation des indemnités du PCA, les portant à 3 millions FCFA, plus 150 000 FCFA mensuels pour le carburant et 50 000 FCFA pour le téléphone. Avec, cerise sur le gâteau, un effet rétroactif. Comment décider d’engager des dépenses lorsque les comptes eux-mêmes ne sont pas contrôlés ? La question reste en suspens.

Un directeur général limogé pour avoir dit non. Une opacité organisée

La suite de l’histoire tient de la répression pure et simple. L’ancien directeur général, absent pour raison médicale lors de ce conseil, a refusé catégoriquement d’exécuter ces décisions, les jugeant «non conformes» aux textes régissant l’établissement. Ses rapports avec le ministre et le PCA se sont alors considérablement dégradés. Preuve que le sujet est sensible : il a été limogé quelques semaines plus tard par le Conseil des ministres, officiellement pour «défaut de résultats». Une version contredite par plusieurs sources internes, selon lesquelles son éviction fait suite à son opposition frontale à ces décisions controversées.

Pour couronner le tout, la procédure elle-même semble avoir été bafouée. L’article 29 des statuts du PNPE exige que le compte-rendu des délibérations soit communiqué au ministre de tutelle dans un délai de 15 jours. Ce qui ne fut pas fait. Les décisions ont simplement été consignées dans un «Relevé», un document informel sans valeur juridique, selon un expert du droit administratif consulté par GabonReview.

Alors que le plan du directeur général sortant visait à étendre les antennes du PNPE à Booué dans l’Ivindo et dans la Ngounié pour mieux mesurer le chômage, l’énergie de l’instance de direction a été captée par des enjeux personnels.

Cette affaire suscite de lourdes interrogations sur la gouvernance et la gestion des ressources du PNPE. Alors que l’institution est censée œuvrer à l’insertion professionnelle des Gabonais, les décisions prises lors de ce conseil d’administration semblent s’éloigner de cette mission. De nombreux acteurs appellent désormais les autorités à diligenter un audit indépendant afin de restaurer la transparence et la crédibilité de cette structure importante pour l’emploi au Gabon.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Gayo dit :

    Patrick Barbera Isaac doit avoir une relation très particulière avec Oligui pour se permettre un tel niveau de détournements des moyens de l’état. Et s’il peut se le permettre, il est à craindre que la culture de la gabegie sous Oligui soit pire que sous les Bongo. Ils ne peuvent pas le faire si cette culture était réellement combattue. Les mêmes gens qui n’aiment pas ce pays à qui Oligui confie la direction des services de l’état.

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