Tortures, séquestration, violences : Ali Bongo devant le tribunal judiciaire de Paris

Entendu à Paris les 30 juin et 1er juillet 2025, Ali Bongo Ondimba, ancien président du Gabon, a livré sa version des faits devant deux juges d’instruction français dans le cadre d’une plainte explosive pour «séquestration arbitraire, tortures, actes de barbarie et enlèvement» déposée en mai 2024. Une procédure à charge contre les nouvelles autorités gabonaises, qui replace l’ex-chef d’État au centre d’un bras de fer judiciaire international, cette fois en position de victime déclarée.

De président déchu à plaignant : Ali Bongo réclame justice là où il exerçait jadis le pouvoir. © GabonReview
L’ancien président gabonais Ali Bongo Ondimba a été auditionné en tant que partie civile, lundi 30 juin et mardi 1er juillet, au tribunal judiciaire de Paris par deux juges d’instruction du pôle spécialisé Crimes contre l’humanité. Cette audition s’inscrit dans le cadre d’une plainte déposée en mai 2024 par Ali Bongo, son épouse Sylvia et leurs enfants, après le coup d’État militaire ayant mis fin à son règne le 30 août 2023.
La plainte vise des faits d’une extrême gravité : «enlèvement», «séquestration en bande organisée», «tortures et actes de barbarie», «détention arbitraire». Déposée contre X, elle a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire en janvier 2025, toujours en cours. Si aucun suspect formel n’a encore été inculpé, les plaignants ont transmis aux magistrats instructeurs une liste nominative de sept à huit personnes, parmi lesquelles figureraient des membres des forces de sécurité et des proches du pouvoir de transition gabonais.
Selon les éléments transmis à la justice française, Ali Bongo aurait été maintenu en résidence surveillée dans sa villa de Libreville, privé de moyens de communication, de soins adéquats, et de toute liberté de mouvement. Ses fils, Jalil et Bilal, auraient été assignés avec lui. Tous trois auraient entamé une grève de la faim. Mais ce sont les accusations de traitements inhumains qui frappent par leur brutalité : électrocutions, simulation de noyade, étranglements, privations de nourriture, bastonnades à coups de pied-de-biche, sodomie avec objet, nuits entravées à une chaise, isolement sensoriel total et menaces par arme à feu.
Toujours selon la plainte, Sylvia Bongo aurait été elle-même battue et étranglée, contrainte d’assister aux sévices infligés à son fils Noureddin. Les avocats de la famille dénoncent une entreprise méthodique de «dépossession sans limite» orchestrée par les nouvelles autorités de Libreville.
Sollicités par l’AFP, les conseils de la famille Bongo – Maitres François Zimeray, Pierre-Olivier Sur, Catalina de la Sota et Clara Gérard-Rodriguez – ont salué le sérieux de l’enquête en cours et «exprimé leur satisfaction face au travail des juges d’instruction».
Du côté gabonais, les autorités de transition réfutent toute accusation de torture, affirmant qu’Ali Bongo n’a jamais été entravé dans sa liberté. Des déclarations formellement contredites par la partie plaignante, bien déterminée à faire éclater ce qu’elle qualifie de vérité judiciaire.
En toile de fond, cette affaire résonne comme une épreuve de légitimité pour le nouveau régime, mais aussi comme une tentative spectaculaire d’Ali Bongo de réécrire les derniers chapitres d’un pouvoir tombé, à coups de procédures et de mémoires traumatiques.

2 Commentaires
La plupart des pays africains se tournent toujours vers l’Occident lorsqu’il y a litige.
Pourquoi toujours aller régler nos problèmes à l’extérieur? N’avons-nous pas des juges contre la criminalité chez nous?
Juste un constat amère.
L’hôpital qui se moque de la charité.
Quand on sait que ces pratiques barbares ont été encouragées par la confiscation illégitime du pouvoir par Ali Bongo et sa famille, dans un régime fondé sur l’impunité et un système mafieux, le bon sens voudrait que cette plainte soit classée sans suite, afin de rendre justice aux milliers de victimes du régime Bongo.
Qu’à cela ne tienne, Oligui savait-il vraiment ce qu’il faisait en laissant Ali Bongo libre malgré ses crimes, son cynisme et son ingratitude, alors qu’il existait des milliers de raisons pour l’inculper ?
Une chose est certaine : Ali Bongo a ouvert le bal, mais il devra désormais répondre des actes barbares commis sous son régime, aussi bien à Paris qu’au Gabon.
Il n’est pas incohérent de réclamer justice contre des exactions que l’on a soi-même fait subir aux autres, même si cela revient à se tirer une balle dans le pied.
Les événements de 2009 et surtout ceux de 2016 auront désormais plus de chances d’être pris en compte, afin que justice soit enfin rendue aux victimes du régime d’Ali Bongo.