[Tribune] Gabon : Le 30 août 2023 ou l’échec au «grand remplacement» ?

Dans la tribune ci-après, Jonathan Ndoutoume Ngome revient sur la polémique autour de l’annonce des autorités relative à la régulation du commerce informel au Gabon et sur le récent incident au marché de Lambaréné. Le géopoliticien, acteur politique et enseignant à l’Université Omar Bongo met en lumière les tensions diplomatiques et sociales liées à ces eux actualités et défend le principe universel de souveraineté économique qui sous-tend la décision du gouvernement et l’action des activistes. S’il ne nie pas une forte présence étrangère dans l’économie gabonaise, il dénonce fermement les accusations de xénophobie portées par certains et met en garde contre le «grand remplacement» dont le Gabon serait menacé. Heureusement, dit-il, que le coup d’État de fin août 2023 a éloigné cette menace.

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Jonathan Ndoutoume Ngome, géopoliticien et ancien ministre délégué à la Santé. © D.R.
Depuis quelques jours, le Gabon est la cible d’attaques venues d’activistes, d’acteurs politiques et d’intellectuels étrangers. Deux événements en sont à l’origine : l’incident de Lambaréné entre l’influenceuse Tata Bertille et les autorités municipales au sujet de l’attribution des étals du marché local à des commerçantes étrangères, et les mesures arrêtées lors du Conseil des ministres du 12 août 2025 interdisant à tout étranger l’accès à certains petits commerces sans enregistrement préalable.
L’affaire, d’abord locale, a vite pris une tournure nationale et internationale. L’influenceuse Tata Bertille, soutenue par l’activiste Éric Otsetsé, ont dénoncé ce qu’ils ont considéré comme une injustice faite aux commerçantes gabonaises. Sur les réseaux sociaux, les débats ont dégénéré en affrontements verbaux entre Gabonais, Béninois et autres Africains, certains internautes du Bénin allant jusqu’à traiter les Gabonais de « fainéants » et évoquer une possible « invasion » du Gabon.
Face à cette dérive, le gouvernement béninois a réagi officiellement le 14 août, dénonçant des « menaces et intimidations » contre ses ressortissants à Lambaréné et annonçant des mesures de protection. Ces accusations, relayées sans preuve, sont non seulement infondées, mais relèvent aussi de l’irresponsabilité diplomatique. Aucun Béninois n’a été inquiété au Gabon pour des raisons de nationalité. Pays hospitalier par excellence, le Gabon a toujours assuré la sécurité de tous les étrangers établis sur son sol.
La vérité parait simple : le Gabon, qui n’a fait qu’appliquer ce qui se pratique partout ailleurs afin de redonner à ses citoyens la priorité dans un secteur informel largement accaparé par des étrangers, ferait face à la menace du « grand remplacement ».
Le « grand remplacement » est une théorie complotiste introduite en 2010 par l’écrivain français Renaud Camus, qui peut être redéfini dans le contexte gabonais comme étant un processus de substitution de la population autochtone par une population étrangère motivée d’abord par des intérêts économiques, ensuite par le contrôle de l’administration, de l’immixtion dans la politique et enfin de la domination démographique. Le contrôle du secteur économique et commercial apparait donc comme le produit d’un « plan », d’un « projet » de remplacement ou de substitution de la population gabonaise patiemment mis en place depuis des décennies par les ressortissants étrangers. Le « grand remplacement » prend appui sur l’inquiétude des Gabonais « de ne plus être chez eux dans leur propre pays » et certains évoquent « une sorte de complot africaniste destiné à saper les bases de la cohésion nationale gabonaise.
Selon les données 2024 de World Population Review, le Gabon occupe la première place en Afrique en termes de proportion d’immigrés dans sa population. Environ 18,7 % des habitants sont des étrangers, soit près d’une personne sur cinq. Cette forte présence étrangère s’explique par la stabilité relative du pays et les opportunités économiques, notamment dans le secteur pétrolier, minier, forestier et surtout informel. Le Gabon est ainsi devenu une destination privilégiée pour des ressortissants d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.
En 2024, le Gabon compte environ 352 600 étrangers, représentant 20% de sa population. La majorité des migrants proviennent d’Afrique de l’Ouest et du Centre, avec une prédominance de Maliens (22%), de Camerounais (20%) et de Béninois (12%). La population migrante interrogée est majoritairement composée d’hommes (81%). La population migrante est majoritairement masculine (81%), selon l’OIM.
Toutefois, si l’immigration apporte une main-d’œuvre importante et soutient des pans entiers de l’économie gabonaise, elle pose également la question de la cohésion sociale et de l’emploi des nationaux, dans un contexte où le chômage reste élevé. En effet, les migrants sont particulièrement présents dans le secteur informel, qui regroupe près de 200 000 opérateurs économiques et contribue à 35 % du PIB. Or, moins de 20 % de ces activités sont détenues par des Gabonais, ce qui illustre la dépendance du tissu économique national vis-à-vis des étrangers.
La décision du gouvernement gabonais lors du Conseil des ministres du 12 aout 2025, interdisant aux étrangers l’accès à certains petits commerces sans être enregistrés, et de réserver certains secteurs économiques aux nationaux s’inscrit dans un principe universel de souveraineté économique. Le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Nigeria, l’Angola ou encore la Guinée équatoriale appliquent déjà de telles restrictions. Pourquoi donc crier à la xénophobie lorsqu’il s’agit du Gabon ? La vérité parait simple : le Gabon, qui n’a fait qu’appliquer ce qui se pratique partout ailleurs, afin de redonner à ses citoyens la priorité dans un secteur informel largement accaparé par des étrangers, ferait face à la menace du « grand remplacement » que le coup de libération du 30 août 2023 a fait échouer.

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