À l’orée d’une nouvelle République et alors que l’heure est aux réformes promises, le redécoupage administratif du Gabon s’impose comme l’un des chantiers les plus complexes et les plus attendus. Héritée de l’époque coloniale et jamais véritablement rationalisée, l’organisation territoriale du pays souffre d’un flou juridique et géographique persistant. Faut-il s’engager dès maintenant dans cette entreprise titanesque, malgré les contraintes de calendrier et les risques de précipitation ? Une analyse lucide et sans concessions signée par l’ancien inspecteur des affaires administratives, Clément Godefroy Abessolo Menié, citoyen engagé.

Les limites actuelles des provinces du Gabon sont l’héritage des différentes réorganisations territoriales opérées par l’administration coloniale en 1936, 1937, 1949. Et c’est à travers un redécoupage administratif territorial qu’on aura indubitablement un découpage électoral logique et cohérent. © GabonReview

 

Spécialiste des questions d’organisation administrative et territoriale ayant contribué à plusieurs réflexions sur le découpage électoral et la modernisation de la gouvernance locale au Gabon, Clément Godefroy Abessolo Megnie, qui se veut Citoyen engagé, est un ancien Conseiller technique chargé de l’organisation au ministère de l’Intérieur. © D.R.

Après 18 mois de transition politique et à l’aube d’une nouvelle ère pour notre pays le Gabon, l’élection de Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA ouvre la voie à une République «new-look» qui s’annonce comme un véritable défi en termes d’actions dans la gouvernance de l’Etat fortement attendu par nos populations.

Dans de son premier discours lors de la levée du drapeau à la Présidence de la République, il a énoncé dans les grandes lignes de son action, sa volonté parmi les mesures urgentes dont le chronogramme a été dévoilé pendant son discours d’investiture. Parmi les mesures urgentes, il faisait état de la réalisation d’un nouveau découpage administratif. Et c’est de celui-ci que devrait sans conteste, s’appuyer le nouveau découpage électoral.

A ce sujet et lors d’un précédent article, j’émettais doutes et réserves quant à la réalisation d’un tel travail herculéen en très peu de temps, de par sa complexité et affirmais par ailleurs qu’engager un tel exercice risque d’être périlleux pour le nouveau pouvoir en place pour des raisons tout à fait évidentes de calendrier.

Une question toujours au cœur des préoccupations, qui n’a jamais été réglée de façon définitive et consensuelle, chaque entité administrative étant toujours sujette à des points d’ombre.

Dès lors, il paraît utile de présenter la question du découpage de nos circonscriptions administratives dont l’ensemble des réflexions menées jusqu’ici n’ont malheureusement pas toujours permis d’apporter des solutions définitives et adéquates.

Une vue succincte des normes existantes, la loi organique n° 14/96 du 15 avril 1996 portant réorganisation territoriale de la République Gabonaise, même si déjà désuète mais toujours en vigueur jusqu’à ce jour, pourrait nous permettre d’établir un état des lieux lapidaire soit-il, sur le dispositif du découpage administratif, et la situation actuelle se présente ainsi qu’il suit:

  • Situation des provinces

Les limites actuelles des provinces du Gabon sont l’héritage des différentes réorganisations territoriales opérées par l’administration coloniale en 1936, 1937, 1949 etc. Les textes coloniaux traitant ce sujet deviennent difficilement exploitables de nos jours du fait que ces derniers prennent en compte la situation globale du Territoire du Moyen-Congo sous l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F).

A ce jour, l’ensemble des 9 provinces anciennement appelées « régions», bien que leur nombre et leurs limites n’aient pas variés, ne disposent pas de textes de délimitation prenant en compte les configurations actuelles et conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi 14/96 citée plus haut.

  • Situation des départements

Au moment des indépendances, notre pays disposait de 27 départements anciennement appelés « districts » légués par l’administration coloniale.

Suite à la grande réorganisation administrative territoriale de 1976 (loi 12/1975/PR/MI du 18 décembre 1975) qui a vu l’érection des régions en provinces et des districts en départements dont le nombre a été porté à 44 dans un premier temps, puis à 48 depuis 2013.

Ces circonscriptions nouvellement crées s’appuyaient également sur les mêmes tracés coloniaux dont les repères ont, soit disparu, soit difficilement exploitables de nos jours (utilisation des éléments naturels comme repères). Ce qui fait que, tout comme les provinces et en dehors des départements nouvellement créés comme celui du Komo-Océan, la délimitation de la plupart des départements du fait de s’appuyer sur le tracé des arrêtés coloniaux rend l’interprétation très difficile. Une incongruité perceptible de manière récurrente lors de la résolution des conflits d’intérêt et la prise en compte des enjeux entre circonscriptions administratives, pour la mise en valeur de leurs territoires.

  • Situation des districts et des cantons

Créés pour la plupart en 1993, les districts, tout comme les départements, ne disposent également pas des textes portant leurs délimitations, conformement aux textes en vigueur.

En effet, la délimitation des districts devrait prendre en compte les aspects contenus dans la loi n°14/96 du 15 avril 1996 portant réorganisation territoriale de la République Gabonaise qui, édicte le principe du respect de l’unité géographique, la création d’un nouveau canton pour ceux qui n’en disposent que d’un seul et la question de leur dénomination.

La réalité est que, la dénomination de nos districts se confond pour la plupart au nom de leurs chefs-lieux. Les districts de Matsatsa, Ndougou, Bolossoville et Akam-Essatouck auraient dû s’appeler Léyibou-Léyou, Ndougou-Mandji, Sossolo-Sô, Nyè…

En ce qui concerne les cantons, c’est également le flou total. Personne ne peut dire avec exactitude le nombre de cantons que dispose notre pays. On parle parfois de 162 ou de 164. Cette situation est due au fait que certains en ont créés au gré des circonstances sans se référer aux dispositions de l’article 20 de la loi 14/96 qui stipule que « le ressort territorial du canton, ses limites et son chef-lieu sont fixés par la loi ».

Situation des communes

  • Le Grand Libreville

A preuve du contraire, la dernière reconfiguration de notre capitale administrative est consacrée par le décret n° 291 /PR/MIRA du 20 mars 1974 fixant les limites du périmètre urbain de la ville Libreville.

Malgré l’évolution de son tissu urbain, on constate malheureusement que les limites de ses 5 premiers arrondissements fonctionnement toujours avec un texte désuet des années 1974.

Avec la création et l’extension d’un 6ème arrondissement en son sein, et des communes d’Owendo, Ntoum et Akanda, des distorsions deviennent plus que perceptibles créant des zones parfois sans rattachement administratif (Cas du rond-point du PK-12, de la zone économique spéciale de Nkok…)

Par ailleurs, compte tenu des incohérences observées lors de la délimitation de la commune d’Akanda en 2013, les limites sud de celle-ci, qui avaient obéit à des critères plus politiques que techniques car, comment comprendre que la zone d’Okala soit encore intégré dans la commune de Libreville ?

  • Les communes des chefs-lieux de provinces

Compte tenu du développement sans précédent connu par la plupart ces localités, il serait nécessaire d’envisager l’extension de leurs limites dont certaines ont été fixées par des textes datant de près de 30 ans.

  • Les autres communes

Beaucoup pour la plupart, bien que disposant des textes portant délimitation, mais certains d’entre-elles ne reflètent plus la réalité de géo-référencement fixée par la norme. Par ailleurs, la montée démographique a également entrainé des chevauchements avec les territoires des départements, ce qui impose de nouvelles délimitations géographiques.

Il convient également de souligner la situation de certaines entités territoriales dont la croissance rapide liée à l’implantation des structures économiques et industrielles.

En somme, la quasi-totalité des circonscriptions administratives de notre pays, provinces, départements, districts, cantons, communes et arrondissements ne disposent pas de textes qui précisent leurs limites géographiques, leurs superficies voire les points géo-référencés précis. Une carence qui mérite avant toute chose, d’être corrigée, afin de doter notre pays d’une cartographie administrative fiable basée sur l’observation des critères énoncés par les textes en vigueur.

La finalité consisterait à clore des conflits de délimitation territoriale devenues récurrents de nos jours, en donnant une meilleure cohérence socio-spatiale entre les différentes entités administratives existantes.

Il va de soi que c’est à travers ce redécoupage administratif territorial qu’on aura indubitablement un découpage électoral logique et cohérent.

Clément Godefroy ABESSOLO MENIE

Citoyen Engagé

 

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Serge Makaya dit :

    A Ntare Nzame !!!

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