Dans le sillage de la victoire présidentielle de Brice Clotaire Oligui Nguema, le Parti démocratique gabonais croyait avoir consolidé son rôle de partenaire privilégié du nouveau pouvoir. Mais la récente mise au point du Chef de l’État, préférant « son enfant à celui du voisin », bouleverse les certitudes et expose les fragilités d’une alliance qui semblait acquise. Souvent publié dans GabonReview, Michel Ndong Esso* décortique cette relation ambiguë entre l’ex-parti dominant et la jeune Union démocratique des Bâtisseurs, questionnant l’avenir politique du PDG et sa capacité à exister sans la bénédiction présidentielle.

Privés de l’image du Président de la République sur leurs affiches de campagne, les dirigeants du PDG voient s’effondrer tout un pan de leur stratégie électorale. L’ancien parti unique doit désormais prouver qu’il peut exister sans l’ombre protectrice du pouvoir. © D.R.

 

Président fondateur de la plateforme ‘Le Sixième Uni’, Michel Ndong Esso* est enseignant, diplômé en philosophie politique, analyste et consultant politique. © D.R.

Fort de son apport à la candidature de Brice Clotaire Oligui Nguema à la dernière élection présidentielle, le parti démocratique gabonais donnait l’impression d’être dans les bonnes grâces du nouveau pouvoir. Dans les discours, ses militants se faisaient passer pour des soutiens du Chef de l’Etat au même titre que les membres de l’union démocratique des Bâtisseurs, la formation créée et dirigée par Brice Clotaire Oligui Nguema himself. Malheureusement pour l’écurie de Blaise de Louembé, l’état de grâce n’a pas résisté à la tempête des élections législatives et locales. En l’absence d’une alliance formelle avec le nouveau parti au pouvoir, le PDG a été piqué au vif par Mays Mouissy, le Secrétaire Général de l’UDB, qui l’accuse de se prévaloir à tort du soutien du Chef de l’Etat. Le patron de l’exécutif a lui-même emboité le pas lors de son dernier discours, disant préférer son enfant à celui du voisin. Un scénario qui semble désemparer le parti fondé par Omar Bongo et qui amène à questionner le sens de sa collaboration avec le pouvoir en place.  Le PDG est-il un moins un allié stratégique qu’une simple marionnette du pouvoir ?

Une identité politique à reconstruire

Décidément, le parti démocratique gabonais n’est pas encore sorti de la zone de turbulence. Après avoir frôlé le bicéphalisme suite à la formation d’une aile contestataire, l’ancien parti au pouvoir doit maintenant faire face à la rivalité imposée par l’UDB au sein de la mouvance présidentielle. Et c’est loin d’être une mince affaire. D’abord, parce que le plus gros des effectifs de l’UDB provient des rangs du PDG par le fait de la transhumance politique dont seuls les Gabonais ont le secret. Ensuite, parce que les deux formations ont choisi d’aller en rangs dispersés aux élections législatives et locales, obligeant presque le Chef de l’Etat à clarifier la nature de son soutien à l’un et à l’autre. Une clarification finalement apportée par Brice Clotaire Oligui Nguema dans son dernier discours, disant préférer son enfant à celui du voisin. Claire comme l’eau de roche.

Mais si cette mise au point met fin à la chienlit, elle résonne surtout comme un désaveu pour les dirigeants du PDG. Privés de l’image du Président de la République sur leurs affiches de campagne, c’est tout un pan de leur stratégie électorale qui s’effondre. Livrés à eux-mêmes, leurs candidats devront trouver d’autres arguments pour convaincre un électorat de plus en plus méfiant. Dans tous les cas, la clarification apportée par Brice Clotaire Oligui Nguema a le mérite d’obliger le PDG à reconstruire son identité politique.  Mais le problème demeure entier. Les militants de ce parti ont-ils les épaules assez larges pour exister sans une alliance avec le nouveau pouvoir ? De manière implicite, cette question pose le problème de la redéfinition de l’alliance politique entre l’UDB et le PDG au sein de la future majorité présidentielle.

Une alliance politique à redéfinir

En attendant l’issue des élections législatives et locales, le rapport de force au sein de la future majorité présidentielle suscite déjà des interrogations. Ce n’est un secret pour personne, l’UDB et son voisin le PDG, lancés à l’assaut de la quasi-totalité des sièges du pays, entendent rafler la mise pour constituer une majorité parlementaire favorable au Président de la République et à son gouvernement. Mais la querelle en cours entre les deux formations risque de laisser des traces dans la définition des contours et des clauses de cette majorité. En d’autres termes, elle est un présage de la fragilité des alliances qui seront nouées entre l’UDB, le PDG et les autres forces en présence au sortir des élections du 27 septembre prochain.

De coutume, les coalitions politiques au Gabon naissent et se défont au gré des intérêts égoïstes et des calculs de positionnement dans les hautes sphères de l’Etat. Sans fondements idéologiques, elles sont souvent bâties par simple opportunisme autour du sommet de l’exécutif. Or cette manière de faire explique leur fragilité. En effet, dans un pays où la compromission, la trahison et la transhumance sont érigées en vertus absolues, la sincérité ne signifie que très peu de chose en politique et la parole ne vaut que pour ceux qui veulent y croire. On l’a vu à l’époque avec l’ancienne majorité républicaine et sociale pour l’émergence qui gravitait autour d’Ali Bongo Ondimba. Certains leaders allaient et venaient sans aucun scrupule, en fonction de leur présence ou non au gouvernement.  Ce schéma sera-t-il reproduit au sortir des élections du 27 septembre prochain ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a une réelle urgence à refonder les alliances politiques sur des bases crédibles. En lieu et place des postures opportunistes autour du Chef de l’Etat, il faut désormais penser ces alliances en leur donnant un socle idéologique fondé sur l’adhésion à un même projet politique. Ce n’est plus la proximité avec le Président de la République qui doit primer mais la convergence des points de vue avec celui-ci. De telles alliances permettront de corriger les incohérences jusqu’ici observées. Comment peut-on avoir soutenu un même projet à l’élection présidentielle mais être à couteaux tirés aux élections législatives? Comment des groupes peuvent-ils se revendiquer de la mouvance présidentielle mais être incapables de bâtir des listes communes aux locales ?

Pour revenir au sort du PDG, il revient à ses militants de choisir entre la compromission et la responsabilité. S’ils veulent être pris au sérieux au sein de la future majorité présidentielle, il leur faudra s’aligner derrière les idéaux plutôt que négocier la faveur des dirigeants. C’est à ce prix que le parti peut prétendre à une place stratégique aux côtés de l’actuel pouvoir.  A moins que les urnes n’en décident autrement.

Par Michel Ndong Esso*, enseignant de philosophie et analyste politique

 
GR
 

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