[Tribune] Lettre ouverte à Madame Zita Oligui Nguema, Première Dame de la République gabonaise

Alors que le pays venait d’honorer ses mères, un cri s’élève, plus poignant que les chants de célébration : celui d’un homme endeuillé par la mort évitable de ses proches, victimes silencieuses de la condition féminine au Gabon. Dans une lettre ouverte à la Première Dame Zita Oligui Nguema, le philosophe et politologue Bonaventure Mvé Ondo interpelle avec gravité et humanité sur un fléau national méconnu : «mourir d’être femme». À travers un plaidoyer vibrant, il exhorte à rompre les silences, à agir sans délai et à faire de la survie et de la dignité des femmes une cause républicaine urgente. Spécialisé dans l’éducation et la gouvernance universitaire en Afrique, il propose cinq mesures concrètes pour briser ce qu’il qualifie de « féminicide silencieux ».

« Un pays digne, moderne, réconcilié, est un pays où naître femme n’est plus un risque de mort », dixit Bonaventure Mvé Ondo. © GabonReview

Bonaventure Mvé Ondo est un éminent philosophe et politologue gabonais spécialisé dans l’éducation et la gouvernance universitaire en Afrique. Ancien recteur de l’Université Omar Bongo et cadre dirigeant à l’Agence universitaire de la Francophonie, il a occupé des postes stratégiques dans le développement de l’enseignement supérieur francophone. © lepoint.fr
Objet : Mourir d’être femme au Gabon – plaidoyer pour la vie de nos filles, nièces et sœurs
Madame la Première Dame,
Il y a quelques jours, notre pays célébrait les mères. Mais en ce lendemain de fête, je m’adresse à vous non pour partager la joie, mais pour faire entendre une douleur sourde, celle des femmes qui ne seront jamais mères, ou qui sont mortes de l’avoir été.
En 2019, j’ai perdu une nièce, une jeune mère de deux enfants, emportée probablement des suites d’un avortement clandestin. En 2025, deux autres jeunes femmes de ma famille ont connu un sort aussi tragique, laissant derrière elles d’autres orphelins. Trois vies, trois visages, trois deuils qu’on aurait pu véritablement éviter.
Mais ces trois femmes ne sont pas seules. Chaque semaine, dans l’ombre des quartiers, dans le silence des villages, nos filles, nos sœurs, nos nièces meurent d’un mal que personne ne veut vraiment nommer : mourir d’être femme. Mourir faute d’information, de soutien, de contraception accessible, de soins appropriés, de reconnaissance de paternité, ou simplement d’humanité.
Ce drame ne relève ni du destin, ni d’une malédiction culturelle. Il est le symptôme d’une négligence collective. Et si je vous écris aujourd’hui, Madame, c’est parce que vous êtes mère, femme, gabonaise, et placée à une position unique pour agir.
Vous incarnez l’espoir d’un renouveau. Un renouveau pour nos familles, pour nos enfants, mais surtout pour celles qui n’ont pas de voix, qui n’ont pas été écoutées, et qui souvent meurent dans le silence.
Madame la Première Dame,
Célébrer les mères ne suffit plus. Il faut aujourd’hui et plus que jamais sauver les femmes.
C’est pourquoi je vous adresse ce plaidoyer. Non comme expert, mais comme un père endeuillé, un oncle révolté, un citoyen concerné. Je vous invite à faire de la protection de la vie féminine une priorité nationale, une cause qui transcende les appartenances politiques et religieuses, et qui nous engage tous.
Pour cela, voici, humblement, quelques pistes d’action concrètes, urgentes, vitales :
- Instaurer une éducation sexuelle adaptée et responsable, dans les écoles, dès le primaire jusqu’à l’université. Une éducation scientifique, respectueuse des valeurs, mais claire. Parce qu’on ne protège pas ce qu’on ignore. Apprendre le corps, c’est apprendre le respect de soi et de l’autre.
- Garantir l’accès libre et gratuit à la contraception, pour toutes les jeunes femmes, sans stigmatisation, sans humiliation, sans obstacle administratif. C’est un acte de santé publique, de justice et de respect.
- Lancer une campagne nationale annuelle de sensibilisation, pour briser les tabous, corriger les idées fausses, et rappeler que la maternité doit être un choix, jamais une punition.
- Former et responsabiliser les personnels de santé, afin qu’ils soient des alliés, pas des juges. L’accueil, l’écoute, le respect doivent redevenir les piliers du soin. Aucune structure de santé ne doit être le tombeau d’une jeune femme.
- Créer, sous votre haut patronage, une Fondation pour la Vie des Femmes, qui accompagne les filles vulnérables : éducation, santé, appui psychologique, médiation familiale, hébergement d’urgence, soutien juridique. Un espace pour prévenir les drames et offrir des secondes chances.
Car chaque mort évitable est une faute partagée. Chaque vie féminine sauvée est une victoire pour la République.
Madame, lorsque qu’une jeune fille meurt d’un avortement clandestin, ce n’est pas seulement une tragédie individuelle. C’est un féminicide silencieux, une violence reproductive institutionnalisée. Le Gabon de demain, que vous contribuez à bâtir, ne peut se fonder sur les cendres d’utérus brisés et de promesses avortées.
Un pays digne, moderne, réconcilié, est un pays où naître femme n’est plus un risque de mort.
Permettez-moi donc de croire que vous entendrez ce cri venu des entrailles de nos familles. Un cri pour que la prochaine Fête des Mères célèbre aussi celles qui ont été sauvées.
Recevez, Madame la Première Dame, l’expression de mon profond respect, de mon espérance sincère, et de ma foi en votre engagement pour les femmes du Gabon.
Professeur Bonaventure Mvé Ondo
Citoyen gabonais
Père, oncle, frère
Et témoin bouleversé

4 Commentaires
Comment un monsieur de ce niveau peut sombrer corps et biens dans le kounabelisme ? Ne sait-il plus qu’il y a un gouvernement au Gabon ? Croit il que celle à qui il s’adresse est ministre ? Comment rendre aux institutions leur respectabilite et leurs reponsabilites avec de tels comportements ?
Simplement pitoyable
Bonjour Monsieur O. Maganga,
Je suis parfaitement d’accord avec vous. Je vais vous expliquer pourquoi.
Nos intellectuel.les feraient mieux de lire la Constitution
qu’ils ont votée en 2024. L’Article 69 précise que le Président de la République est assisté d’un Vice-président du gouvernement. Auquel cas Monsieur B. Mvé Ondo doit adresser au Vice-président du gouvernement, Monsieur Barro Chambrier, un rapport scientifique sur le féminicide au Gabon. Ce dernier transmettra à son ministre de tutelle.
Madame la Présidente de ka République n’a pas à être « interroger » sur cette question. Car, la Constitution ne lui attribué aucun rôle. Elle participe à la vie de le République auprès de son époux, Monsieur B.C. Oligui Nguema, Président de la République.
Autre sujet la création d’une Haut- Commissariat à la Diaspora. Ceux qui en sont favorables demandent à Monsieur le Président de la République de modifier la Constitution. Il serait peut-être souhaitable de créer un Département de la Diaspora auprès du Ministère des affaires étrangères.
Dans la Vème République, il faut supprimer les « activités d’influence » qui peuvent nuire à l’efficacité gouvernementale.
Bonne continuation à vous.
Au lieu d’interpeller Mme Foufoue, ministre de la femme et de la famille, notre professeur s’adresse à l’épouse du président
Après on se plaindra de son immixtion dans les affaires publiques. Ce sont de tels comportements qui ont légitime les abus de Sylvia Bongo. Pathétique… Le mal de l’Afrique vient vraiment des intellectuels et criquets
Un eminent de la francophonie.La constitution ne confère un pouvoir à la première dame du pays en ce qui concerne la vie politique du pays. On sait très bien que macron veut forcément rester en afrique sous des formes peu visibles .Cher eminent francophile ; adressez votre correspondance au vice president de la republique Barrot Chambrier.