La fuite des cerveaux ou le mal du retour, au Gabon, est moins un choix qu’un symptôme. Symptôme d’un pays qui peine à reconnaître ses propres talents, à les intégrer, à les valoriser. Dans cette tribune adressée au Président de la République, Flavienne Adiahenot dresse un diagnostic sans concession sur les raisons qui poussent la jeunesse à s’expatrier… et surtout à ne pas revenir. Député de la Transition se définissant comme une Gabonaise engagée et inquiète pour l’avenir de sa nation, elle livre une analyse sans détour, entre constat d’échec institutionnel, solutions concrètes et appel vibrant à reconstruire un horizon national capable d’embrasser l’ambition de sa jeunesse.

Comment convaincre un jeune diplômé de revenir dans un pays où les concours sont souvent biaisés, où les nominations se font par affinité politique plus que par excellence professionnelle, où les appels à projets se gagnent à huis clos ? © GabonReview

 

Connue pour son implication constante et ses actions concrètes sur le terrain, Flavienne Adiahenot est député de la Transition, engagée pour l’éducation, la représentativité des femmes en politique et la restauration démocratique du Gabon. © D.R.

Monsieur le Président, voici pourquoi notre jeunesse s’expatrie – et ne revient pas

Par une Gabonaise citoyenne, engagée et inquiète pour l’avenir de sa nation

Monsieur le Président,

Chaque jour, des jeunes Gabonais quittent leur pays. Ils partent avec un visa d’étudiant en poche et un rêve dans le cœur : apprendre, réussir, et un jour… revenir.

Mais ce rêve s’éteint trop souvent. Pas parce qu’ils ne veulent plus du Gabon, mais parce que le Gabon ne veut plus d’eux – ou du moins, ne semble pas prêt à les accueillir pour ce qu’ils sont devenus : des forces vives, des ressources, des bâtisseurs.

Nous devons regarder cette réalité en face : la jeunesse gabonaise ne s’expatrie pas par rejet, mais par lucidité. Elle fuit un système qui n’écoute plus, qui ne reconnaît plus la valeur du travail, ni le mérite, ni la compétence.

🏗 1. Parce que le Gabon n’inspire plus confiance

Comment convaincre un jeune diplômé de revenir dans un pays où les concours sont souvent biaisés, où les nominations se font par affinité politique plus que par excellence professionnelle, où les appels à projets se gagnent à huis clos ?

La confiance ne se décrète pas. Elle se construit. Et elle commence par la transparence, l’équité, l’égalité des chances et la rupture définitive avec le clientélisme et toutes les autres formes de favoritisme

Nous devons restaurer nos institutions, pour que chacun sente qu’il a sa place, et que son avenir ne dépend pas de « qui il connaît », « qui il est parent », mais de ce qu’il sait faire et de ce qu’il veut bâtir.

💼 2. Parce que les opportunités manquent ou déçoivent

Que pouvons-nous offrir, concrètement, à un ingénieur formé au Canada, à une chercheuse revenue de France, à un développeur sorti du Maroc avec mention ? Un emploi sous payé, sans contrat clair, sans couverture sociale ni médicale, sans perspective d’évolution ni plan de carrière attractif ? Une vie d’attente, de frustrations, parfois de compromission ?

Pour que ces talents reviennent, notre Gabon doit leur proposer un vrai projet professionnel et un cadre de vie attrayant ; Des conditions de travail stables et dignes ; Un écosystème entrepreneurial moderne et soutenu ; Un plan d’investissement massif dans les secteurs porteurs : santé, éducation, agriculture durable, numérique, culture.

C’est là que se joue l’avenir : dans la capacité de notre économie à absorber les talents que nous avons laissés partir.

🧠 3. Parce que nous avons oublié de réconcilier ambition personnelle et projet national

Beaucoup de jeunes de la diaspora aiment profondément le Gabon. Mais ils veulent que leur retour serve à quelque chose. Ils veulent faire plus que “revenir habiter” : ils veulent contribuer, transformer, élever leur pays.

Ce qu’ils attendent, ce ne sont pas des promesses. Ce sont des actes visibles : Des campagnes qui valorisent ceux qui ont osé revenir ; Des facilités concrètes : logement, fiscalité, postes adaptés à leurs compétences ; Un guichet unique qui accompagne leur réintégration, avec dignité.

🌱 4. Parce que notre jeunesse attend une vision à laquelle elle puisse croire

Nous avons une génération connectée, informée, exigeante. Elle ne reviendra pas pour des discours. Elle reviendra pour une cause plus grande qu’elle-même.

Organisons de vrais dialogues nationaux avec cette jeunesse. Donnons-leur une voix dans les politiques publiques. Créons un Conseil national de la diaspora gabonaise, pas pour décorer, mais pour décider.

Et surtout, redonnons du sens. Le Gabon doit redevenir un projet collectif, pas un privilège réservé à quelques-uns.

Monsieur le Président,

La vérité, c’est que le retour au pays est souvent découragé, même par les proches, par crainte que s’y ajoute une charge de plus dans un contexte déjà marqué par un chômage massif. Car si ceux de l’extérieur rejoignent à leur tour les rangs des sans-emploi, qui pourra alors soutenir la famille ?

Les jeunes Gabonais ne demandent pas le luxe. Ils demandent du respect, des outils, et une place dans l’Histoire. Il ne serait ni juste ni constructif de réduire les Gabonais de l’étranger à de mauvais patriotes, uniquement portés sur la critique et refusant de contribuer au développement du pays.

Notre Nation regorge de talents. Ne les regardons plus s’épanouir à l’étranger sans rien faire. Tendons-leur la main, avec sincérité, avec ambition, avec courage. Et offrons-leur ce que tout peuple attend de son pays : un AVENIR.

Le départ n’est pas une trahison. Mais l’indifférence face au départ de nos enfants, si.

Flavienne ADIAHENOT

Député de la Transition

Gabonaise et Citoyenne engagée

 

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3 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Monsieur le Président aurait dû avancer ces arguments, appuyés par des statistiques claires.
    Jusqu’à récemment, les Gabonais étaient connus, même en Occident, pour revenir au pays après leurs études. Seule une minorité restait à l’étranger.

    Aujourd’hui, la situation a changé.
    La montée du chômage et la raréfaction des opportunités poussent même des professionnels déjà installés à partir, notamment vers le Canada et les États-Unis. Ce choix n’est pas toujours qu’un désir mais aussu du au manque d’emplois.

    Le problème est évident.
    Le Gabon ne peut plus continuer à investir massivement dans des formations très coûteuses à l’étranger, surtout quand ces pays récupèrent nos talents et que la scolarité dépasse parfois le salaire annuel d’un cadre gabonais.

    Mais supprimer complètement les bourses à l’étranger serait une erreur.
    Il vaudrait mieux signer des accords obligeant les boursiers à revenir servir le pays, comme le font d’autres nations. Toutefois, si après deux ou trois ans un diplômé ne trouve aucune opportunité, il serait logique de le libérer de cet engagement afin qu’il ne devienne pas un chômeur supplémentaire.

    Pour le développement du Gabon, il faut continuer à former nos jeunes dans les meilleurs centres d’excellence.
    Cependant, il faut privilégier les domaines stratégiques : ingénierie, technologies, et secteurs industriels. Financer des formations en lettres ou en sciences politiques dans des pays où elles coûtent extrêmement cher est moins pertinent pour nos besoins immédiats.

  2. messowomekewo dit :

    Le Président OLIGUI sait très bien pourquoi nos diplômés ne reviennent pas au pays, il feint de ne pas le comprendre. Le système Bongo -PDG dont il est issu lui-même a tué le rêve de nos jeunes. Les nominations se font toujours par affinité parentale, pour ne pas dire entre « copains et coquins ». Certains départements sensibles de la PR sont « animés » par des jeunes sans expérience, certains ne sont même pas encore fonctionnaires, les voilà propulsés à des niveaux de responsabilité qui dépassent et de loin leur expérience; ils vont devoir apprendre sur le tas, s’il ne s’agissait pas de la PR on serait tenté d’en rire…il est malheureusement question de choses très importantes pour le pays, il faut donc faire autrement pour ne pas dire mieux que le PDG, dont les cadres sont progressivement recyclés par…le RDB.

  3. Yann Levy Boussougou-Bouassa dit :

    Mon Dieu qu’il est agréable d’avoir des représentants de la Nation aussi en phase avec la réalité sociale de leur pays. C’est là un discours d’Honorable et de Mère. Et s’il est vrai que mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde, bien les nommer c’est forcément atténuer la douleur du monde (du moins c’est un début). Puisse ces mots créer un électrochoc dans le logiciel intellectuel des décideurs.En tout état de cause, Madame, la jeunesse gabonaise vous dit merci.

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