Mis en cause dans une interview polémique de Maître Pierre-Olivier Sur, avocat de la famille Bongo, le procureur général près la Cour d’appel judiciaire de Libreville, Eddy Minang, a réagi avec fermeté lors d’une conférence de presse le 23 juillet. À travers un propos à la fois juridique, éthique et politique, il a défendu l’indépendance de la justice gabonaise, dénoncé des accusations « fallacieuses », et répondu point par point à ce qu’il qualifie de mépris postcolonial à peine voilé.

Mis en cause dans une interview polémique de Maître Pierre-Olivier Sur, avocat de la famille Bongo, le procureur général près la Cour d’appel judiciaire de Libreville, Eddy Minang, a réagi avec fermeté ce 23 juillet 2025. © GabonReview

 

Face aux déclarations à charge de l’ancien bâtonnier du barreau de Paris, Maître Pierre-Olivier Sur qui dénonçait le 11 juillet dernier une prétendue « justice spectacle » au Gabon, le procureur général Eddy Minang n’a pas mâché ses mots. Qualifiant certaines critiques de « commentaires acerbes » et « allégations fallacieuses », le haut magistrat a réaffirmé le caractère parfaitement légal de la mise en liberté provisoire de Sylvia Valentin Bongo et de son fils Nourredine Bongo Valentin.

S’appuyant sur les articles 132 et 143 du Code de procédure pénale gabonais, il a rappelé que cette décision peut être sollicitée à tout moment, « indépendamment de la gravité des faits ou de la lourdeur des charges », et accordée si les conditions sont réunies. « Je persiste ici qu’en droit pénal gabonais, il existe bel et bien la liberté provisoire et la détention préventive, et que je n’ai commis aucune erreur de droit », a-t-il tranché.

Une mise au point clairement dirigée contre Maître Sur, qui affirmait, avec une ironie professorale, que « la liberté n’est jamais provisoire. Ce qui est provisoire, c’est la détention ».

Leçons d’éthique à un avocat « coutumier des débordements »

Sans jamais le nommer, Eddy Minang a adressé une réplique frontale à l’avocat français, qu’il accuse d’avoir tenu des propos indignes à l’encontre d’un magistrat africain. Il rappelle que les auxiliaires de justice sont tenus, en France comme au Gabon, à des devoirs éthiques de respect et de modération, y compris dans leurs prises de parole publiques. « Si alléchants soient-ils, les honoraires des clients ne doivent pas faire oublier à un avocat qu’il doit en toutes circonstances faire preuve de délicatesse, particulièrement lorsque sa qualité est connue », a-t-il insisté, s’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation française du 14 octobre 2010.

Il a également évoqué des précédents similaires, accusant Maître Sur d’avoir déjà, en 2013, injurié un procureur sénégalais et même le président de la République du Sénégal avant d’être contraint à des excuses. À Libreville, le procureur n’exclut pas de saisir le bâtonnier de Paris.

« Cet avocat est et restera mon étudiant »

Mais au-delà de la défense de la procédure et de l’éthique judiciaire, c’est la charge la plus symbolique du procureur Minang qui a marqué les esprits. Dénonçant le ton condescendant de certains avocats occidentaux, il a raillé le « complexe de supériorité » que cultivent certains juristes français à l’égard des magistrats africains. « Ce complexe, fondé uniquement sur l’histoire coloniale et la couleur de peau […] devrait cesser. Nous avons les mêmes compétences et avons souvent étudié dans les mêmes universités », a-t-il lancé.

Et de rappeler avec une ironie mordante que Maître Sur, qui l’accuse d’incompétence, a étudié à Paris II Panthéon-Assas — la même université où lui-même a soutenu sa thèse de doctorat, avec les félicitations du jury. « Cet avocat est et restera mon étudiant. Je suis d’ailleurs disposé, s’il le souhaite, à l’encadrer sur les plans pédagogiques et professionnels », a-t-il conclu, sous les rires étouffés de la salle.

Si le procureur n’a pas nié les critiques plus générales adressées à l’institution judiciaire, il a refusé de voir en elles la preuve d’un effondrement. Face aux accusations de tortures, de vidéos clandestines et d’une magistrature « à genoux », Eddy Minang a rappelé que la justice gabonaise travaille dans un contexte complexe, mais reste souveraine. « Les institutions judiciaires gabonaises n’ont pas à rougir. Elles appliquent la loi, et rien que la loi », a-t-il conclu, appelant à un dialogue entre professionnels du droit fondé sur le respect mutuel, au-delà des postures politiques et des relents néocoloniaux.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Biswe dit :

    « la liberté n’est jamais provisoire. Ce qui est provisoire, c’est la détention ».A raison, vous-mêmes!
    Comment le principe, ce qui guide, la valeur cardinale, pour ne pas dire séminale (ici la Liberté) pourrait-elle avoir la même valeur que ce qui le corrompt, le fragilise (ici la détention), c’est-à-dire la privation de…Liberté? La liberté demeure et ne peut être provisoire que par un glissement lexical malheureux. C’est le Code Pénal Gabonais qui s’est emmêlé les pagaies avec les filets sans oublier les flotteurs, non?

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