On ne peut se satisfaire de nouvelles promesses. Pourquoi ce mécanisme serait-il efficace quand d’autres ont sombré dans le saupoudrage ?

L’histoire du financement de l’action climatique est résolument celle de promesses en l’air. Comme à leur habitude, les pays industrialisés ont annoncé la création d’un fond pour les pertes et dommages, sans en préciser les contours. Comme toujours, les pays du Sud ont applaudi sans en apprécier la viabilité. © Montage Gabonreview

 

Accusés de s’adonner à des blocages, les pays industrialisés ont cédé. Lors de la 27ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques (Cop – CCNUCC), la mise en place d’un fonds pour les «pertes et dommages» a été actée, relançant le débat sur les modes de financement. En 2009 à Copenhague, les mêmes avaient pris l’engagement de débloquer 30 milliards de dollars sur la période 2010-2013, indiquant devoir porter leur contribution à 100 milliards à l’horizon 2020. En 2015 à Paris, ils avaient repris la même antienne, l’entonnant de nouveau 2021. A Glasgow, des promesses de financement furent faites, notamment par le Japon, l’Allemagne et l’Espagne. On évoqua une contribution des Etats-Unis au bénéfice du Fonds d’adaptation au changement climatique. Au total, il fut question de mobiliser 800 millions de dollars. C’est dire si l’histoire du financement de l’action climatique, est celle de promesses en l’air.

S’accorder sur les préalables et conditions de mise en œuvre d’un tel mécanisme

Comme à leur habitude, les pays industrialisés ont lancé une idée sans en préciser les contours. Comme toujours, les pays du Sud ont applaudi sans en apprécier la viabilité. Sur le montant, les contributeurs, les bénéficiaires, la domiciliation du fonds, sa forme juridique, sa gouvernance ou son champ d’intervention, tant de choses restent à clarifier. Un groupe de travail a-t-il été mis en place ? On se demande où seront imputés ses frais de fonctionnement. Aux budgets des Etats ? Ce serait la porte ouverte à l’absentéisme de certains pays du Sud. Une quarantaine de pays se sont-ils engagés à mobiliser 350 millions de dollars ? On cherche à savoir sur quels fondements scientifiques. N’est-ce pas une façon de baliser les négociations sur le profil du fonds ?

Pour les pays du Sud, il y a urgence à s’accorder sur les préalables et conditions de mise en œuvre d’un tel mécanisme. Pourront-ils tenir concomitamment des réunions entre eux et avec leurs homologues du Nord ? En auront-ils le temps et les moyens ? Ou vont-ils subir les événements ? Déjà, l’on se demande s’ils ont une idée de la nature des pertes et dommages ou une estimation du montant nécessaire. De même, l’on se demande s’ils sont prêts à exiger l’ouverture du groupe de travail au secteur privé, aux chercheurs nationaux et à la société civile. Or, comme le fait remarquer Aurore Mathieu, responsable des politiques internationales au sein d’une organisation non gouvernementale française, «il n’existe pas de consensus (…) sur le montant global des pertes et des dommages, qui sont tant économiques qu’humains et culturels.» D’où l’urgence de conduire des études afin de «mieux définir ces pertes et dommages, et comment y répondre.» Les pays du Sud y ont-ils songé ? S’agissant des pays du Bassin du Congo, on peut se risquer à répondre par la négative, les régimes en place étant trop heureux de s’offrir une reconnaissance internationale à bon compte.

L’équité intragénérationnelle par pertes et profits

Invités à appliquer le principe pollueur-payeur, les pays du Nord ont opté pour l’approche interétatique de la justice climatique, passant par pertes et profits l’équite intragénérationnelle. Comme si les inégalités entre territoires n’étaient pas porteuses d’incertitudes, leurs homologues du Sud ont choisi de les suivre. Le secrétaire général des Nations-unies a beau parler d’un «signal politique plus que nécessaire», on ne peut se satisfaire de nouvelles promesses. Pourquoi ce mécanisme serait-il efficace quand d’autres ont sombré dans le saupoudrage ? Fonds pour l’environnement mondial, Fonds d’adaptation aux changements climatiques, Fonds vert pour le climat… : ces instruments ont eu très peu d’influence sur l’action climatique internationale. En dépit du soutien de la Banque mondiale, malgré le parapluie de la CCNUCC, ils n’ont pas fait bouger les lignes. Trop souvent, ils ont financé les mêmes études, les mêmes projets, sans s’assurer de leur légalité, de leur pertinence et des retombées sur le mode de vie des populations.

À Charm el-Cheickh, on a énormément glosé sur les pertes et dommages. Mais ni les communautés locales ni leur sort n’ont été au menu des discussions. Pourtant, les pertes et dommages ne renvoient pas seulement aux phénomènes météorologiques. Ils concernent aussi la vulnérabilité des populations, de leurs systèmes de production et des milieu naturels. Normalement, toute solution devrait en tenir compte. Pour toutes ces raisons, on ne voit pas trop bien pourquoi la création d’un fonds de plus relèverait d’une «décision historique». En tout cas, on doit le redire : sans bénéfice pour les communautés locales, ce fonds en rajoutera simplement à l’empilement institutionnel, donnant encore plus au mécanisme actuel la texture d’un mille-feuille.

 
GR
 

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