Le discours officiel sur les changements climatiques et la conservation de la biodiversité est contredit par la réalité de terrain.

Peut-on parler de cohérence entre politique et législation quand des arrangements douteux se multiplient au nez et à la barbe des pouvoirs publics ? Peut-on croire en l’efficacité de l’administration quand certains parmi ses principaux animateurs sont accusés de corruption dans l’indifférence de leur hiérarchie ? © Montage Gabonreview

 

Le Gabon est-il cette «super puissance verte» vantée par Abdulla Shahid, ministre des Affaires étrangères des Maldives ? Dispose-t-il d’une réelle politique forestière et environnementale ? Porte-il une vraie ambition écologique ? Quelques jours après la 27ème édition de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques (Cop – CCNUCC), ces questions prennent une autre résonance. Au lendemain de la 19ème Conférence des parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune menacées d’extinction (Cop – Cites), elles sont d’une brûlante actualité.  Après tout, jour après jour, de nouveaux scandales de corruption éclatent. Ministre après ministre, les pratiques demeurent, quand elles ne vont pas de Charybde en Scylla. Si de hauts cadres de l’administration forestière sont systématiquement épinglés, jamais ils ne répondent de leurs actes. Comme si la protection de l’environnement pouvait se faire dans un climat où la corruption côtoie l’illégalité et l’impunité.

Entre cynisme et arbitraire

Pourtant, en novembre 2015, on avait glosé sur la délivrance des autorisations de récupération de bois abandonné. Suite à une descente musclée des agents de la Direction générale des recherches (DGR) au ministère des Forêts, de nombreuses personnalités furent interpellées puis jetées en prison. Comme pour attester de sa détermination, le gouvernement s’en félicita, annonçant vouloir «appliquer la loi (…) dans toute sa rigueur (…) (et) punir les auteurs (…) de ces trafics.»  En mars 2019, il était question de la disparition de 353 containers scellés par la justice et contenant pas moins de 5 000 m3 de kévazingo. Même si, l’opinion y voit désormais une machination politicienne, le vice-président de la République et le ministre des Forêts d’alors en firent les frais. Depuis mars dernier, on parle à nouveau de récupération de bois abandonné. Mis en cause, le directeur général des Forêts fut écroué puis libéré, avant de reprendre crânement ses fonctions, laissées vacantes durant son incarcération. Malgré l’accumulation des plaintes, il y demeure à ce jour.

Loin de toute volonté de nuire, cette situation n’est pas à l’honneur du gouvernement. Sans inciter à couper des têtes, elle ne contribue nullement à crédibiliser sa parole. Si elle fait penser à l’existence d’un réseau bénéficiant de protections particulières, elle ruine le discours officiel sur les changements climatiques et la conservation de la biodiversité. Peut-on parler d’engagement politique fort quand certains jouissent d’une quasi-impunité ? Peut-on parler de cohérence entre politique et législation quand des arrangements douteux se multiplient au nez et à la barbe des pouvoirs publics ? Peut-on croire en l’efficacité de l’administration quand certains parmi ses principaux animateurs sont accusés de corruption dans l’indifférence de leur hiérarchie ? Entre cynisme et arbitraire, l’exécutif s’enferre dans ses propres contradictions, laissant le sentiment de naviguer en eaux troubles, sans cap ni objectifs, hormis l’enrichissement de quelques-uns.

Consommation extérieure

Forestière ou environnementale, une politique ne se limite ni à des annonces tout à trac ni à la surenchère verbale. Encore moins à la participation à tous les raouts internationaux. Une politique suppose un consensus entre le gouvernement et les parties prenantes autour d’orientations, principes, objectifs et actions. Dans sa mise en œuvre, elle repose sur un élément essentiel : la loi. Or, celle-ci ne peut être appliquée quand l’administration s’efforce de la contourner. Elle ne peut être respectée quand l’emprisonnement est banalisé, traité comme un fait anecdotique, sans conséquence sur la suite. Elle ne peut avoir de réelle portée quand flotte un parfum de favoritisme. Ou quand elle s’applique aux uns et pas aux autres, au point d’apparaître comme un instrument de règlement de comptes personnels ou politiciens. Le gouvernement aura beau se gargariser une prétendue reconnaissance internationale, la réalité du terrain dira toujours le contraire. Il aura beau multiplier les sommets et annonces, son engagement écologique ne deviendra pas réel pour autant.

S’il veut inverser la tendance, le gouvernement doit combattre deux fléaux : le conformisme et l’arbitraire. Comme chacun peut s’en rendre compte, ses annonces sont toujours destinées à la consommation extérieure. Rarement, elles reposent sur un diagnostic froid de la situation de terrain. Systématiquement, elles cherchent à faire écho à des initiatives internationales et non pas à résoudre des problèmes rencontrées par les populations. Généralement, elles ne tiennent compte ni du corpus juridique national ni de la pratique politico-administrative en vigueur. Du coup, leur mise en œuvre dépend de la seule volonté de quelques-uns, donnant naissance à des comportements sectaires et peu conformes à la loi. Pour sortir des postures et prendre résolument position, l’exécutif doit rompre avec toutes ces habitudes.

 
GR
 

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