A travers un communiqué empreint de gravité, les sociétés traditionnelles Mpongwè, Benga, Sékiani et Akèlè ont lancé, dans les colonnes de L’Union, une alerte solennelle contre la profanation de leurs sites sacrés sur les côtes de l’Estuaire. À l’heure où Libreville, carrefour des cultures et théâtre d’une modernité galopante, semble oublier ses fondations spirituelles, ces peuples autochtones rappellent avec force que certains rivages restent inviolables et placés sous la haute surveillance des puissances ancestrales.

«Toute effusion de sang sur nos rivages est une souillure grave des lieux sacrés, et expose à de sévères représailles spirituelles» [En photo : rituel Myènè (Mpongwè), en juillet 2019, non loin de la zone portuaire d’Owendo. © GabonReview

 

Dans un communiqué solennel publié le 14 mai dans le quotidien L’Union, les sociétés traditionnelles Mpongwè, Benga, Sékiani et Akèlè, gardiennes séculaires des traditions spirituelles côtières, ont lancé une mise en garde d’une rare fermeté. Elles dénoncent avec vigueur toute tentative d’organisation de rituels, individuels ou collectifs, sur les rivages sacrés de l’Estuaire, de Bolokobouè au Cap-Estérias, en passant par Ébéndjè et jusqu’à Owendo. Ces espaces, insistent-elles, sont des lieux consacrés à la paix, et toute profanation de leur caractère sacré — notamment par l’effusion de sang, quelle qu’en soit la nature — est perçue comme une souillure grave, exposant les contrevenants à de sévères représailles spirituelles.

Paru le 14 mai 2025 dans le quotidien L’Union, le communiqué des sociétés traditionnelles Mpongwè, Benga, Sékiani et Akèlè. © D.R.

Bien plus qu’un simple rappel des interdits ancestraux, ce message s’adresse aussi au nouveau pouvoir en place, encore auréolé des promesses de rupture avec l’ordre ancien. Car derrière la façade de la transition politique, le Gabon reste hanté par les spectres des disparitions mystérieuses et des crimes dits «rituels», ces pratiques funestes ayant longtemps prospéré sous le silence complice des élites.

Entre héritage ancestral et compromission politique

Alors que les espoirs populaires placent le pays sur le chemin d’une refondation républicaine, le gouvernement issu de la transition est ainsi sommé de trancher avec détermination : tolérera-t-il encore longtemps que des réseaux occultes dictent leur loi dans l’ombre des institutions, ou choisira-t-il enfin d’éradiquer ces archaïsmes sanglants au nom d’une nouvelle éthique politique ?

La question n’est pas purement symbolique. À Libreville, où cohabitent plus de 45 % de la population nationale, les lignes de fracture sociales se creusent chaque jour un peu plus sous l’effet combiné de l’exode rural, de la précarité urbaine et de la perte des repères traditionnels. Dans ce creuset de frustrations et d’inégalités, les disparitions d’enfants, les rumeurs d’enlèvements et les soupçons de sacrifices humains ne sont plus de simples fantasmes populaires : ils sont devenus l’expression d’un malaise profond, où la quête du pouvoir absolu trouve un écho tragique dans le recours au crime dit rituel.

En brandissant cette alerte, les sociétés traditionnelles jouent leur rôle historique de vigie morale, rappelant à la nation qu’aucune modernité véritable ne peut s’enraciner sur le sang versé et la négation de la dignité humaine. Mais leur message résonne aussi comme une mise en demeure à l’endroit des autorités : la stabilité politique et la crédibilité du nouveau régime se mesureront à sa capacité à briser ces chaînes invisibles, à assainir les mœurs publiques et à mettre définitivement fin à cette funeste collusion entre ambitions politiques dévorantes et pratiques ésotériques criminelles.

Car dans l’histoire du Gabon, comme le rappelle la sagesse des anciens, il est une vérité que nul ne saurait ignorer : quand les esprits s’indignent et que les ancêtres détournent le regard, c’est l’ordre du monde lui-même qui vacille. Le choix est désormais entre les mains du nouveau pouvoir, de ses affidés et autres cherchant des nominations à des hautes responsabilités administratives ou politiques : gouverner à la lumière de la raison ou céder à nouveau aux ombres de l’invisible.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Evariste dit :

    C’est surtout que tous les myénés ont été chassés de tous les postes à responsabilité qui vous ennuie…

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