Déguerpissement de Libreville : Pour J.R. Yama «le décret du 14 février 2024» ne remplit pas les critères

Leader syndical, enseignant-chercheur et homme politique, Jean Rémy Yama a animé une conférence de presse, ce jeudi 12 juin. Il s’est appesanti sur les déguerpissements et les destructions des habitations de Plaine-Orety et du lieu-dit Derrière l’Assemblée. Des choses et d’autres ont été évoqués au cours de ce rendez-vous, notamment le respect du délai de la déclaration d’utilité publique et du droit à la dignité et au logement et «le décret du 14 février 2024», qui ne remplirait pas les critères fixés par la loi.

Jean Rémy Yama, face aux journalistes, le 12 juin 2025, à Libreville. © GabonReview
Enseignant-chercheur et homme politique, Jean Rémy Yama n’est pas resté en marge du débat sur l’opération de déguerpissement et de destruction des habitations, en cours dans certaines zones de Libreville. Pour lui, «ce qui est arrivé est catastrophique». «On ne l’a jamais vu au Gabon. Et peut-être que c’est la première fois en Afrique centrale», a-t-il dit ce jeudi 12 juin, soulevant de nombreuses zones d’ombres dans l’exécution de cette opération.
«Toute expulsion doit obéir à des textes»
Un peu plus méthodique, tel évidemment un enseignant expliquant une leçon à ses élèves, le leader syndical, passé par la case prison, a voulu examiner la gouvernance politique ; c’est-à-dire, voire si les choses sont faites conformément aux textes en vigueur. «Parce qu’il y en a qui disent, on a été indemnisé, on a le droit de faire ceci ou cela».
«Nous allons vous expliquez que nous avons trois principes : le principe du droit à la propriété, du droit au logement et celui du droit à la dignité. Ce sont des principes qui sont encadrés dans notre Constitution», a-t-il rappelé, relevant que le droit à la propriété est le droit le mieux protégé. «Ça ne veut pas dire que le droit au logement et le droit à la dignité sont des laissés pour compte comme j’ai cru l’entendre. Et que lorsque quelqu’un est en situation irrégulière, qu’on casse sa maison et qu’il n’y a aucun droit derrière, et qu’il ne peut prétendre qu’à l’aide humanitaire, c’est faux !» s’est-il exclamé.
S’agissant des déguerpissements, Jean Rémy Yama explique qu’ils obéissent aux lois et règlements en vigueur. Toute expulsion doit obéir à des textes, précise-t-il. Ce qui lui fait dire que «si vous avez un titre de propriété et que vous voulez expulser les occupants illégaux, vous n’allez pas vous réveiller un matin avec un engin et détruire. Non ! vous vous adressez à la justice. Il y a toute une procédure».
«Ne peut être cassé, détruit, par l’État, que sur la base d’un décret en cours de validité»
A contrario, a-t-il fait noter, lorsque c’est l’État qui veut expulser, il n’a pas besoin de titre de propriété puisqu’il est propriétaire. Reconnaissant que «la terre appartient à l’État», l’ancien candidat recalé à la dernière présidentielle souligne que, lorsque l’État veut expulser, puisque tous les citoyens sont égaux, il prend un Décret d’utilité publique (DUP).
Dans ce contexte, il invite à ne pas faire de confusion entre les décrets d’utilité publique pris dans le cadre des bassins versants et les autres décrets d’utilité publique pris. Pour lui, «l’État ne peut pas expulser les occupants de sa parcelle sans un décret d’utilité publique. Et le DUP est encadré et donne l’objet et les délais requis».
Faisant savoir que, si l’objet d’un DUP n’a pas été rempli dans les délais requis, il tombe dans la caducité, on peut à juste titre observer que les opérations de Plaine-Orety et autres derrière l’Assemblée ne sont plus conformes à la loi. «Si deux ans, dix ans après, vous n’avez pas bouclé l’opération, vous ne pouvez pas revenir dire qu’il y avait un décret et qu’on peut venir casser comme on veut. Non ! Parce qu’entre-temps, les choses ont évolué», a-t-il déclaré, ajoutant que «ne peut donc être cassé, détruit, par l’État, que sur la base d’un décret en cours de validité».
À ce niveau, il se demande si «l’État peut dire si les destructions qui se font là se font dans le cadre d’un décret en cours de validité». «Qu’ils nous donnent le décret, l’objet et la durée», a-t-il insisté dans sa communication.
«Pourquoi c’est plus d’un an après qu’on casse ?»
Indiquant que le décret sur lequel s’appuient les destructions de Plaine-Orety a été pris le 14 février 2024, il souligne qu’il s’agit d’un «décret d’urgence» dont la validité ne pouvait excéder un mois. Ce qui l’amène à s’interroger : «pourquoi c’est plus d’un an après qu’on casse ?». «Cela veut dire que les personnes cassées devraient l’être au bout d’un mois. «Vous comprenez bien que si ces casses avaient eu lieu en 2024, peut-être que le 12 n’aurait plus été le 12», a-t-il ironisé, non sans flairer un coup politique sur cette période.
Quoi qu’il en soit, pour lui, ce décret ne remplit pas les critères définis par la loi. «Pourquoi casse-t-on les habitants de Plaine-Orety ? Il faut nous le dire», a-t-il exigé, commentant le décret et demandant à qui appartient le titre foncier de la zone concernée.
L’opération de déguerpissement et de destruction des habitations de ces zones de Libreville est diversement appréciée par les populations. De nombreuses voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer cette action gouvernementale. De son côté, la présidence de la République a tenté de calmer le jeu, promettant le respect des droits des habitants.

0 commentaire
Soyez le premier à commenter.