Par leur accumulation, des petits riens finissent par par vicier la procédure. Pourtant, en de tels moments de la vie démocratique, il faut laisser les professionnels faire leur travail.

La chute de la dynastie Bongo fut célébrée non pour permettre aux uns de reproduire les fautes des autres, mais pour ouvrir une ère de félicité et de liberté pour tous. Il faut se garder de transformer les réseaux sociaux en prétoires et les internautes en procureurs. © GabonReview

 

Et voilà un nouveau feuilleton politico-judiciaire. Après les personnalités mises en cause dans le cadre des opérations Mamba et Scorpion, le tour revient à Sylvia Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin d’alimenter la chronique judiciaire. Accusés, entre autres, de haute trahison, corruption, détournement de fonds publics, faux et usage de faux, l’épouse et le fils aîné du président déchu sont aussi soupçonnés d’avoir opté pour la «diversion» et le «brouillage judiciaire». En 2016 et en 2019, la liste et les confessions des prévenus avaient mis en lumière les dysfonctionnements de l’appareil d’Etat. Médusée, l’opinion découvrait alors un système gangréné par la corruption, où l’arbitraire le disputait à l’irresponsabilité, l’opacité à la violence. Cette fois-ci, le grand public découvre un système judiciaire laxiste, où les interventions diverses sont légion et où des agents agissent avec dilettantisme voire désinvolture.

La justice n’est pas la vengeance

Comme souvent en photographie, cet instantané donne une image mal cadrée, mal composée et quelque peu floue. Mais, il permet de se faire une idée du fonctionnement de notre appareil judiciaire : des personnalités extérieures, souvent haut placées, interfèrent dans les procédures ; des auxiliaires de justice font ami-ami avec des prévenus réputés puissants, se montrant peu scrupuleux sur la fouille au corps. Par leur accumulation, ces petits riens finissent par tout compromettre voire par vicier la procédure. «Est-ce nouveau ?», rétorquent les bien-pensants. «Et quand eux-mêmes faisaient ça aux autres ?», ajoutent les bonnes âmes. A ce gabono-pessimisme, il faut opposer ce postulat : la chute de la dynastie Bongo fut célébrée non pour permettre aux uns de reproduire les fautes des autres, mais pour ouvrir une ère de «félicité» et de liberté pour tous.  Mieux, il faut opposer cette conviction : la justice n’est pas la vengeance et la vengeance expose toujours à un cycle de violence sans fin.

Notre pays se définit comme une République «indivisible, laïque, démocratique et sociale». Autrement dit, les lois, droits et devoirs y sont les mêmes pour tous sur l’ensemble du territoire. Mieux, si les libertés fondamentales doivent y être respectées, les citoyens y ont la même valeur, indépendamment de leur histoire personnelle, de leur niveau d’études, de leur richesse ou de leur sexe. Reproduire les outrances du régime déchu revient à compromettre l’application de ces principes. Au-delà, cela équivaut à banaliser l’arbitraire voire à absoudre Ali Bongo et sa clique. Sans doute, la douleur et le ressentiment sont-ils encore vifs. Mais, pour rien au monde, il ne faut nier les droits d’autrui. Sylvia Bongo et son fils se sont-ils  illustrés par des pratiques peu recommandables ? Ont-ils versé dans la corruption, l’abus de pouvoir et les règlements de comptes ? Ils n’en méritent pas moins un procès équitable, respectueux de leurs droits et de leur dignité.

Réseaux sociaux ou prétoires ? Internautes ou procureurs ?

Pour ramener de la sérénité dans ce dossier, il faut mettre un terme au battage médiatique orchestré par des influenceurs autoproclamés. Si on ne doit pas brider le droit à la liberté d’expression ou le droit à la liberté d’opinion, il faut se garder de transformer les réseaux sociaux en prétoires et les internautes en procureurs. Comme le montrent de nombreuses études, les plateformes numériques peuvent avoir un impact sur l’administration de la justice ou la conduite d’un procès. Galvaudage de notions et concepts, lynchage médiatique, primat de l’émotion sur la raison, piétinement de la présomption d’innocence, appels à la vengeance…, sont autant de dérives éventuelles. Or, c’est exactement la tournure prise par les événements, au grand bonheur de … Sylvia Bongo et Noureddin Bongo Valentin. «Stratégie de diversion et brouillage judiciaire», vous avez dit ? A qui la faute ?

Pourtant, en de tels moments de la vie démocratique, il faut laisser les professionnels faire leur travail. Le ministère public, l’Agence judiciaire de l’Etat et les avocats doivent être seuls commis à la tâche. Quant aux parlementaires de la Transition, ils ont tout le loisir de demander une commission d’enquête, au lieu de se livrer à des analyses et déclarations tout à trac sur les réseaux sociaux. En France en 2021, l’affaire Mila avait montré comment une enquête parallèle, conduite en directe sur les réseaux sociaux, peut parasiter l’action de la justice. Si Sylvia Bongo et son rejeton doivent répondre de leurs actes, il faut conjurer ce risque.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. De Kermadec dit :

    Dans cet article, il est dit que les droits et les devoirs sont identiques pour tout le monde? Cela est purement de la théorie, dans la pratique, c’est autre chose et cela, tout le monde le sait donc, arrêtons de faire semblant d’être offusqué, arrêtons de faire la politique de l’autruche.

    • Maganga Octave dit :

      @kermadec. Allez raconter vos sottises ailleurs. Tout ancien président qu’il était, Lula est allé en taule. Sarkozy porte un bracelet électronique en ce moment. Si vous voulez installer une dictature, allez le faire dans votre village, avec vos parents

  2. Bjr. l’article ici est une critique ne nous voilons pas la face du système judiciaire gabonais. Il trace en filagramme les insuffisances objectives d’un feuilleton familio-politique dont l’histoire ne surprendront que les néophytes tant les protagonistes sont disons le de la « maison ».

    Ce qu’il faut retenir, c’est plutôt cette nouvelle donne qui fait s’impose les réseaux sociaux comme arme de destruction massive. En cela le jeu actuel du système judiciaire laisse malheureusement un boulevard aux dérapages.

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