Situation judiciaire du clan Ali Bongo : Nécessaire réflexion, urgence stratégique

En saisissant les tribunaux étrangers, l’Etat a quelque peu perdu le contrôle de la situation, le timing et le terrain d’affrontement ayant été imposés par l’adversaire.

En saisissant les tribunaux étrangers, l’État a implicitement validé la stratégie du clan Ali Bongo. Le terrain et le tempo de l’affrontement ayant été dictés non par l’État, mais par Ali Bongo et les siens. © GabonReview
Annoncée par notre confrère Jeune Afrique, la série de plaintes dirigée contre le clan Ali Bongo a pris tout le monde de court. Et pour cause : se fondant sur son état de santé, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) l’a toujours présenté comme un homme «libre de ses mouvements». À travers un communiqué rendu public le 06 septembre 2023, il l’avait autorisé à «se rendre à l’étranger pour y effectuer ses contrôles médicaux». Si de lourdes charges furent retenues contre son épouse et son fils aîné, rien n’a jamais été dit sur sa responsabilité pénale. Malgré les appels en ce sens, en dépit des demandes de mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle, les pouvoirs publics ont laissé l’impression de ne pas chercher à le mettre en cause. Du coup, les derniers développements apparaissent non pas comme une offensive, mais comme une contre-offensive.
Avocats pugnaces
Trois semaines après l’audition du président déchu par deux juges d’instruction spécialisées du pôle crimes contre l’humanité, les pouvoirs publics sont contraints à la contre-attaque. Leurs mandataires ont beau afficher une certaine détermination, la confrontation semble avoir été décidée non par eux, mais par l’adversaire. Loin tout défaitisme et sans mauvaise foi, il faut bien admettre cette réalité : le timing et le terrain d’affrontement ont été imposés par le clan Ali Bongo. À son initiative, une plainte pour «séquestration arbitraire», avec constitution de partie civile, a été déposée mi-mai 2024 devant le tribunal judiciaire de Paris. Or, en janvier dernier, leurs avocats avaient obtenu l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour «tortures et actes de barbarie, enlèvement et séquestration en bande organisée». Sur ce coup, l’Etat a fait montre sinon de laxisme, du moins d’attentisme. Du coup, une réflexion stratégique s’avère nécessaire. En tout cas, elle relève de l’urgence.
Dans la quasi-indifférence de l’Etat gabonais et sous les commentaires goguenards de l’opinion, les avocats de Sylvia Bongo et Noureddin Bongo Valentin sont à l’offensive depuis près de deux ans maintenant. Le 1er septembre 2023, ils déposaient une plainte pour «détention arbitraire», dénonçant une «mise au secret (de leurs clients) hors de tout cadre légal». Depuis lors, ils n’ont eu de cesse de faire la leçon aux dirigeants gabonais, se montrant toujours un peu plus caustiques et pugnaces. En avril dernier, ils en appelaient à l’intervention de la France, accusée de «complaisance». Dans la foulée, ils s’en prenaient aux autorités consulaires de leur pays, soupçonnées «non-dénonciation de crime». C’est dire s’ils ont toujours paru déterminés et prêts à en découdre. Curieusement, tout ceci n’a guère alerté le justice gabonaise. Fallait-il davantage pour l’inciter à organiser un procès dans les délais requis et règles de l’art ?
La bouteille à l’encre
Dans ce climat de tension, Sylvia Bongo et Noureddin Bongo Valentin étaient officiellement assignés à résidence le 9 mai dernier. Une semaine plus tard, ils s’envolaient pour Luanda, aux côtés d’Ali Bongo et sous la protection du président angolais. Moins de 48 heures après, la rumeur les disait en partance pour Londres. Depuis lors, c’est la bouteille à l’encre, notamment au sujet de leur statut. Sont-ils des exilés ou des résidents londoniens jouissant de tous leurs droits et d’une totale liberté ? Mystère et boule de gomme. Si leur procès demeure dans l’ordre du possible, plus grand monde n’y croit. Aurait-il lieu par contumace ? Dans cette perspective, pourquoi les suivre sur leur terrain et s’en remettre aux systèmes judiciaires d’autres pays ? Pour se donner une chance de démanteler leur empire supposé ou obtenir la rétrocession de biens indûment acquis ? Mais, comme la doctrine de la dette odieuse, l’affaire des Bien mal acquis (BMA) a déjà montré la complexité de ce type de procédures. Ne faut-il pas essayer autre chose ?
En saisissant les tribunaux étrangers, l’Etat a quelque peu perdu le contrôle de la situation. Implicitement, il a validé la stratégie de l’adversaire. Après tout, l’exfiltration du clan Ali Bongo est la résultante d’un intense lobbying. Du coup, le président déchu et sa famille nucléaire ont de bonnes raisons de chercher à se soustraire à la justice gabonaise. Les attaquer à Paris, Londres ou Singapour, c’est faire leur jeu. En tout cas, c’est leur laisser la liberté d’activer leurs réseaux et faire échouer les enquêtes. Si les pouvoirs publics ne revoient pas leur stratégie, s’ils s’entêtent dans cette voie, cette affaire pourrait s’enliser, au grand bonheur… d’Ali Bongo et son clan.

5 Commentaires
Bjr. Le document en français facile fustige et s’est dit le « laxisme de la justice gabonaise » dans cette affaire. A ce stade effectivement des charges, un véritable affrontement insidieux se dessine. Allo la justice de Gabao ont dit quoi ? Amen.
Quand ok voit les noms des fameux mandataires de l’Etat, on voit que c’est une affaire de pieds nickelés… Oligui ferait mieux de confier les dossiers serieux à des gens serieux, outilles, et pas au premier venu juste parce qu’il crie fort. Parti comme c’est parti, ce sera un échec cuisant
Aujourd’hui tous couples de ses crimes soie t condamnés à des lourdes peines, on peut pas fabriquer les choses pour légitimer leur coup d’etat, ce que les Bongos, videos et audio sans ses preuves, la population allait continuer à aux malettes d’argent présentées. Or,en réalité tout a été FABRIQUÉ.
Cette saga devrait s’appeler la cage aux folles
Comment confier une telle affaire à des marmailleurs comme Zibi et Amiang ? Ça veut dire quoi saisir d’autres tribunaux ? Oligui ne croit pas en sa propre justice ? Ou il veut aider ses anciens patrons ?