La tirade du président de la République peut être comprise comme une piqûre de rappel. Mais, durant référendum constitutionnel comme au moment de l’adoption de la loi électorale, la géopolitique a justifié de nombreuses options.

«La géopolitique, comme mode de gouvernance à laquelle nous avons été nourris, n’a pas porté les fruits escomptés. Elle sera remplacée par la compétence. Ce nouveau concept indique que la compétence du citoyen primera dorénavant sur ses origines ethno-régionalistes», dixit Brice Clotaire Oligui Nguema. © GabonReview

 

La dénonciation de la géopolitique n’est pas une nouveauté. Définie par l’universitaire Axel Augé comme un mécanisme de «partage institutionnel du pouvoir sur des bases ethniques», cette notion est critiquée depuis longtemps. Si la classe dirigeante y a toujours trouvé son compte, nombre d’observateurs l’ont décrite comme une entrave à la construction d’un Etat-nation et d’une démocratie véritable. À l’aube des années démocratiques, ils n’avaient pas de mots assez durs pour la flétrir, la qualifiant de discriminatoire, attentatoire aux valeurs républicaines et porteuse de revendications communautaires ou identitaires. Même si la critique est allée decrescendo, quand bien même cette pratique a survécu, elle n’a jamais fait l’unanimité. C’est dire si le président de la République a fait écho à un débat à la fois sourd et récurrent.

Enracinement du clientélisme

Dans son allocution du 16 août dernier au soir, Brice-Clotaire Oligui Nguema a affirmé : «La géopolitique, comme mode de gouvernance à laquelle nous avons été nourris, n’a pas porté les fruits escomptés», ajoutant : «Cela doit prendre fin. Elle sera remplacée par la compétence.» Après avoir entendu ce propos, on est forcément gagné par un sentiment étrange, mélange de circonspection et d’acquiescement. On peut même avoir l’impression d’être revenu à la Conférence nationale. Au-delà, on peut avoir la conviction de n’avoir pas bougé depuis 1990. Pourtant, de façon solennelle, le président de la République a repris cette récrimination vieille de 35 ans au moins. Comment un tel surplace a-t-il pu être possible ? La réponse coule de source : du fait d’une convergence d’intérêts au sein de la supposée élite dirigeante. Selon Axel Augé, la géopolitique a garanti «la stabilité générale du système», devenant «une source de légitimité sur laquelle s’appuie aussi bien le chef de l’Etat que les personnes dont il assure la promotion politique».

Sans indexer quiconque, il faut admettre cette réalité : la géopolitique a résisté parce que la caste au pouvoir n’a jamais été acquise au changement. Elle a traversé les époques, parce que la classe dirigeante y trouvait son compte. Elle a façonné la mentalité parce que de nombreuses personnalités y voyaient une assurance-vie. Comme le relève encore Axel Augé, elle a offert une «légitimité populaire» au régime, rendant «possible une longévité exceptionnelle». Plus éloquent, participant à la gestion de la chose publique au nom de leurs ethnies ou contrées, d’aucuns ont pu redistribuer «les bénéfices symboliques (…) qu’ils (tiraient) de leurs positions», contribuant ainsi à «apaiser des tensions sociales potentielles entre les provinces et le pouvoir central». Reposant sur un «échange informel» entre détenteurs de l’autorité publique et populations, cette pratique a facilité l’enracinement du clientélisme.

Installation d’une kakistocratie

Pourtant, ses effets pervers ont été mis en lumière depuis longtemps : primauté de la volonté du président de la République sur l’expression populaire, non-respect des normes démocratiques, persistance de reflexes identitaires, négation du mérite et installation insidieuse d’une kakistocratie. En ce sens, la tirade de Brice-Clotaire Oligui Nguéma peut être comprise comme une piqûre de rappel. Mais, durant référendum constitutionnel comme au moment de l’adoption de la loi électorale, la géopolitique a constitué la toile de fond de certains débats. Implicitement, elle a justifié de nombreuses options. En maintenant 9 membres à la Cour constitutionnelle, on a offert aux esprits chagrins des raisons de considérer ces juges comme les représentants de leurs provinces respectives. En choisissant de combattre la «transhumance électorale», on a raisonné comme si chaque citoyen n’est pas chez lui sur l’ensemble du territoire national. Si on veut en finir avec la géopolitique, il faut revenir aux fondements de la citoyenneté et de la République, à savoir : la liberté de la personne humaine et la capacité de chacun à répondre de ses actes.

Les effets de la géopolitique vont au-delà de la composition de l’élite politique et administrative. Ils touchent aussi au fonctionnement de l’appareil d’Etat, au vivre-ensemble, à l’idéal républicain et à l’idée de nation. Durant la préparation des lois organiques, il faudra s’en souvenir. Il faudra garder à l’esprit la nécessité de se conformer à ce principe constitutionnel : «La République gabonaise est une, indivisible, laïque, démocratique et sociale.» Au-delà, il faudra se remémorer l’interdépendance de ces notions. Pour parvenir à une société du mérite, chacun doit l’appliquer et se l’appliquer, en tout lieu et toute circonstance. Ainsi, plus personne ne sera promu en raison de son origine familiale, ethnique ou provinciale.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Maganga Octave dit :

    Vous êtes des marmailleurs… Vous croyez qu’Oligui ne va plus privilégier Aurelien Mintsa ? MAagistrat ou pas, les textes ne s’appliquent pas à lui. Vous croyez qu’Oligui va laisser ses nouveaux parents du G9 ? Il va les nommer, compétents ou bêtes

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