Disparition d’un passeur de mots et de mémoire : Junior Otembe

Romancier visionnaire, journaliste intransigeant, critique littéraire redouté et éditeur passionné, Jean Hilaire Otembe Nguema, dit Junior Otembe, s’est éteint le 3 septembre 2025 à Libreville. Du journal Orety à L’Union, puis à la tête de L’Harmattan Gabon, il aura incarné plus de trois décennies d’engagement au service des lettres et de la culture gabonaises, mêlant fougue, exigence et liberté de ton.

Junior Otembe Nguema : Sa liberté de ton fit de lui un écrivain, un journaliste, mais surtout un empêcheur de tourner en rond. © GabonReview (Montage)
Jean Hilaire Otembe Nguema, plus connu sous le nom de Junior Otembe, s’est éteint le 3 septembre 2025 à Libreville, victime des suites d’un accident vasculaire cérébral qui avait marqué ses dernières années. Son départ met un terme à une trajectoire singulière où se mêlaient fougue intellectuelle, passion littéraire et intransigeance critique.
Dès 1990, avec son roman La Fin du mythe, il avait imposé une voix neuve. Dans ce récit où l’amour entre Mbata et la reine Malandu se déploie sur fond de guerre, Otembe ambitionnait de rappeler aux générations les valeurs cardinales de noblesse et d’héroïsme. Cet ouvrage fut une première brèche dans le champ littéraire gabonais, trop souvent corseté par des thématiques convenues.
C’est au journal Orety qu’il fit ses premières armes, jusqu’à en devenir secrétaire de rédaction, avant d’intégrer L’Union, le grand quotidien national. De la rubrique Culture, où il s’illustra d’abord, jusqu’à la direction des services Provinces et Étranger, il laissa l’empreinte d’un journaliste entier, prompt aux indignations comme aux fulgurances.
Ses chroniques littéraires, consacrées aux voix gabonaises – Akendengue et Moundjegou, Dzibe, Ndouna-Depenaud, Jean-René Ovono-Mendame ou Sylvie Ntsame – mais aussi à d’autres écrivains africains, tels que Nzamba Martin avec Échos du chemin, se distinguaient par une lecture pénétrante et une écriture enflammée. Dans la vie et dans les salles de rédaction, ses coups de gueule, aussi vigoureux que sonores, visaient autant l’état du pays que les hommes politiques, confirmant une liberté de ton rare.
Nommé en 2022 directeur général de L’Harmattan Gabon, il s’était donné pour mission de redonner souffle à cette maison d’édition. Sous son impulsion, quatre collections furent créées, et il rêvait d’une scène gabonaise où auteurs confirmés et jeunes plumes dialogueraient avec le monde. Sa vision, radicale et généreuse, se résumait en une phrase :«Nos auteurs doivent envahir la scène littéraire pour clamer la fierté de la diversité culturelle.»
Junior Otembe fut tour à tour romancier, journaliste, critique, éditeur. Mais au-delà des fonctions, il restera comme l’un de ceux qui auront tenté de bâtir un espace littéraire gabonais à la fois enraciné et ouvert, indocile et fécond. Sa disparition scelle la fin d’une voix ardente, mais son œuvre demeure comme un flambeau.

1 Commentaire
C’est triste nouvelle, toujours les innocents,les véritables responsables de la souffrance du peuple continuent de voler l’argent public qui devrait servir au pe(les pauvres),un pays comme le Gabon devrait avoir zero chômeur,un salaire minimum dès la naissance, les hopitaux et soins de qualité et gratuits, mais non l’argent du Gabon reste dans les comptes des voleurs du pays.