Au cœur de la forêt équatoriale gabonaise, les grottes de Youmbidi, à Lastourville (Ogooué-Lolo), livrent peu à peu les secrets d’un passé enfoui depuis des millénaires. Sous la houlette du géoarchéologue français Richard Oslisly, une équipe internationale d’archéologues exhume les traces d’une occupation humaine continue remontant à plus de 12 000 ans, bouleversant les idées reçues sur la préhistoire de l’Afrique centrale.

Un archéologue tient un sac contenant une dent trouvée dans la grotte de Youmbidi (Gabon), dans un laboratoire de Libreville le 23 juin 2025 © Léa Nkamleun Fosso / AFP

 

«La grande majorité des recherches en Afrique se sont développées dans des paysages ouverts, comme le Sahara, le Sahel ou l’Égypte», rappelle Richard Oslisly, qui consacre depuis 45 ans sa carrière à l’Afrique centrale. «On me disait : ‘il n’y a rien en forêt’, j’ai relevé le défi de savoir ce qui s’y passait».

Longtemps ignoré, le site de Youmbidi, situé dans les falaises de dolomie de Lastourville, était autrefois recouvert par un vaste océan il y a deux milliards d’années. Aujourd’hui, il abrite des grottes où les archéologues ont mis au jour des vestiges humains datant de 25 000 ans avant notre ère. Après un mois de fouilles minutieuses, l’équipe a rassemblé des fragments de charbon, des ossements, des outils en pierre et des objets façonnés. «Il faut jouer à un jeu de puzzle et ramasser les plus petits indices, les mettre bout à bout pour reconstituer petit à petit tout un univers qui a disparu», explique Geoffroy de Saulieu, archéologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et en poste à l’Agence nationale des parcs nationaux du Gabon (ANPN).

Des étudiants en archéologie participent à des fouilles à l’intérieur de la grotte de Youmbidi à Lastourville (Gabon), le 27 juin 2025. © Nao Mukadi / AFP

Parmi les découvertes marquantes :

– Un coche du Pléistocène, utilisé pour tailler ou confectionner des fibres il y a plus de 10.000 ans ;

– Une pointe de flèche ;

– Des éclats de dolomie, quartz et jaspe taillés ; 

– Un tesson de poterie vieux de plus de 6 500 ans, l’un des plus anciens d’Afrique centrale ;

– Une perle en coquille d’escargot datant de 3 300 à 4 900 ans ;

– Des dents humaines susceptibles de livrer de l’ADN.

Une civilisation raffinée, une leçon pour le présent

Ces trouvailles remettent en question les stéréotypes sur les sociétés préhistoriques. «La poterie montre que ces sociétés n’étaient pas immobiles, elles s’étaient lancées dans des innovations techniques», souligne Geoffroy de Saulieu. Quant à la perle, elle témoigne d’un raffinement culturel : «Ce n’étaient pas des hommes hirsutes et mal lavés comme dans les bandes dessinées, mais des gens avec de vraies coutumes, une vraie civilisation et un art de vivre».

Les recherches menées à Youmbidi ne se contentent pas d’éclairer le passé. Elles offrent aussi des clés pour comprendre la résilience humaine face aux bouleversements climatiques. «L’Afrique centrale a connu des changements très importants dans le climat, l’hydrologie et la végétation», explique le paléoclimatologue Yannick Garcin (IRD). «Connaître la résilience des populations humaines du passé et la manière dont elles ont pu s’adapter à des changements climatiques drastiques est essentiel».

Richard Oslisly conclut : «De bonnes études sur le relationnel entre l’Homme et l’environnement dans le passé nous permettront de mieux réagir aux changements d’environnement qui sont devant nous».

Avec l’AFP

 

 
GR
 

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