La Cour constitutionnelle de la Transition est invitée à dire si, aux termes de l’article 82 du Code électoral, le président de la République peut lancer sa formation politique après avoir été élu en indépendant. Mais, les codes et la pratique du régime en vigueur restent à inventer.

La Cour constitutionnelle est invitée à dire si le président de la République peut lancer sa formation politique après avoir été élu en indépendant. Elle gagnerait à envoyer des signaux de rupture avec celle naguère dirigée par Mborantsuo. © GabonReview (montage)

 

C’est encore un projet, mais ça suscite déjà la polémique. À la veille de l’assemblée générale constitutive des Bâtisseurs, les initiatives fusent de partout. À en croire le député de la Transition Jean Valentin Léyama, «la création du parti présidentiel tourne désormais à l’affaire d’État» : la Cour constitutionnelle ayant été «saisie en plusieurs requêtes par des partisans», son verdict est maintenant attendu. En clair, la juridiction constitutionnelle est invitée à dire si, aux termes de l’article 82 du Code électoral, le président de la République peut lancer sa formation politique après avoir été élu en indépendant. Plus prosaïquement, il lui ait surtout demandé de dire si on peut créer une structure associative sans y adhérer. Peu importe les réponses, l’opinion ne manquera ni d’établir la comparaison avec la Cour constitutionnelle dissoute ni d’en faire une lecture politique voire politicienne.

Faire émerger d’autres considérations

Une fois de plus, la juridiction dirigée par Dieudonné Aba’a Owono joue sa crédibilité. Considérée comme un pilier essentiel de l’édifice institutionnel, elle gagnerait à envoyer des signaux de rupture avec celle naguère dirigée par Marie-Madeleine Mborantsuo. Or, jusque-là, elle n’y est pas parvenue. Non seulement son président est issu de la parentèle du président de la République, mais elle n’a jamais songé à réviser son règlement de procédure, pourtant considéré comme une anomalie juridique pour n’avoir jamais été soumis au Parlement et avoir été adopté sous la forme d’une décision de… la Cour constitutionnelle. Née sur les cendres d’une institution longtemps raillée, surnommée la Tour de Pise pour son indécrottable tendance à pencher du côté du pouvoir, la Cour constitutionnelle de la Transition n’a pas su ou pu se démarquer de son ancêtre de triste réputation. Réussira-t-elle à confondre les sceptiques cette fois-ci ? L’avenir le dira…

Depuis sa mise en place, la Cour constitutionnelle de la Transition a été saisie plusieurs fois et pour moult raisons. Comme sa devancière, elle a systématiquement donné raison à l’exécutif.  Quand elle a dit autre chose, elle a débouté les requérants, jugeant leurs demandes «irrecevables». Instruite et désabusée par ces précédents, l’opinion veut cependant y croire. En tout cas, elle est curieuse de connaître le verdict, d’analyser le raisonnement pour s’en faire une idée. Dieudonné Aba’a Owono et ses collègues vont-ils se lancer dans la querelle sémantique sur les verbes «créer» et «adhérer» ? Vont-ils s’adonner à des développements sur la transhumance politique ou faire émerger d’autres considérations pour, enfin, porter le débat à la hauteur de l’enjeu ? Pour l’heure, d’aucuns le rappellent sous cape : le serment du président de la République lui fait obligation d’»être juste envers tous». Brice Clotaire Oligui Nguéma peut-il honorer cette promesse en ayant une activité partisane assumée ?

Forme nouvelle de présidentialisme

La Constitution du 19 décembre 2024 ayant induit des changements dans le jeu politico-institutionnel, les motivations de la Cour constitutionnelle sont fortement attendus. Et pour cause : cumulant les fonctions de chef de l’Etat et chef du gouvernement, le président de la République est désormais chef de la majorité parlementaire et chef de l’administration publique. Dans un tel contexte, peut-il être encarté sans devenir la source d’une politisation du service public ? Si des parallèles ont été tirés avec d’autres pays, personne ne s’est prononcé sur ce risque, la plupart des analystes ayant préféré faire comme si notre pays était toujours sous un régime semi-présidentiel. De mensonges en omissions volontaires, d’approximations en demi-vérités, le débat a été biaisé, pollué par des biais cognitifs entretenus.

Depuis janvier dernier, le débat public se caractérise par la propension de certains à raisonner comme avant, à faire comme si les changements introduits n’emportent pas de profonds bouleversements. En prélude au lancement d’un «parti présidentiel», il faut pourtant le redire : le régime  institué par la Constitution en vigueur n’entre dans aucune des catégories classiques. Improprement appelé «régime présidentiel», il s’apparente plutôt à une forme nouvelle de présidentialisme. De ce point de vue, ses codes et sa pratique restent à inventer. Or, à ce jour, ce chantier est loin d’être engagé. A la Cour constitutionnelle de la Transition de s’y coller. Dès à présent.

 
GR
 

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