À la veille des législatives : Inventer des mécanismes nouveaux

Samedi prochain, les Gabonais devront se projeter dans le futur tout en gardant à l’esprit les dérives des dernières années. Chacun devra se souvenir d’une chose : la fonction de Premier ministre n’existe plus, le président de la République étant désormais chef de l’Etat et chef du gouvernement.

N’en déplaise aux conformistes, le Gabon va bel et bien entrer dans un présidentialisme intégral, c’est-à-dire dans un régime où le pouvoir est concentré entre les mêmes mains, sans contrepoids du Parlement. © D.R.
À la veille du premier tour des législatives, une question hante les esprits : quelle sera la configuration de la prochaine Assemblée nationale. Comme lors des précédents scrutins, d’aucuns sont obsédés par la volonté de parvenir à une concordance des majorités. Comme si le régime semi-présidentiel est toujours en vigueur, ils évoquent des risques d’instabilité en cas de majorité éclatée, se prononçant pour une majorité monolithique. Pour apaiser ces craintes, d’autres les renvoient aux méandres de la Constitution du 19 décembre 2024, les invitant à se pencher sur les dispositions relatives à l’organisation du pouvoir exécutif et aux rapports entre l’exécutif et le législatif. Pour faire émerger une lecture partagée, cet exercice peut être nécessaire. Mais, il ne semble pas suffisant. En tout cas, il laisse croire en l’urgence d’affiner la réflexion.
Présidentialisme intégral
Samedi prochain, les Gabonais iront aux urnes. En conscience, ils devront se prononcer. Peu importe les colorations politiques des candidats, ils devront se projeter dans le futur tout en gardant à l’esprit les dérives des dernières années. Chacun a encore en mémoire la docilité de la chambre introuvable de la 12ème législature. Chacun sait où la majorité monolithique de la 13ème législature a conduit le pays. En entrant dans l’isoloir, chacun devra s’en remémorer. Au-delà, chacun devra se souvenir d’une chose : la fonction de Premier ministre n’existe plus, le président de la République étant désormais chef de l’Etat et chef du gouvernement. Loin d’être une question sémantique, esthétique ou rhétorique, ce changement en induit de profonds au plan institutionnel.
Même si certains prétendent le contraire, le président de la République n’aura, dans l’absolu, pas besoin de majorité parlementaire : chef du gouvernement, il pourra maintenir une équipe acquise à sa cause, même en cas de dissension avec l’Assemblée nationale ; détenteur de l’intégralité du pouvoir réglementaire, il sera libre de prendre toute mesure ne relevant pas de la loi, peu importe le contexte ; en se fondant sur les procédures d’urgence et mécanismes d’exception, il aura la haute main sur la procédure législative, y compris s’agissant de la loi de finances. N’en déplaise aux conformistes, notre pays va bel et bien entrer dans un présidentialisme intégral, c’est-à-dire dans un régime où le pouvoir est concentré entre les mêmes mains, sans contrepoids du Parlement. Or, en faisant de la société civile «une composante essentielle de la démocratie pluraliste et participative», la Constitution a renforcé la participation citoyenne à la prise de décision. Pour toutes ces raisons, il convient d’aller au-delà des évidences. Il convient d’inventer des mécanismes nouveaux, adaptés à la nouvelle réalité juridique et institutionnelle.
Comparer les deux scénarios possibles
Pour aider les électeurs à choisir en toute objectivité, dans leur intérêt et dans celui de la nation, il faut comparer les deux scénarios possibles : majorité monolithique et majorité éclatée. Dans le premier cas, la mise en œuvre du programme présidentiel se fera rapidement, de manière quasi-automatique. Mais, le débat parlementaire perdra en tonicité. Quant aux partis politiques et à la société civile, ils verraient leur influence décliner, sauf à faire dans le vacarme ou à recourir à la rue. Dans le second cas, la mise en œuvre du programme se fera avec moins de célérité, mais avec un minimum de contrôle. Quant au débat, il s’en trouvera certes limité, mais il aura le mérite d’exister. En usant de toutes les subtilités de la «démocratie pluraliste et participative», les forces sociales se poseraient en intermédiaires entre les pouvoirs publics et les populations, conservant ainsi une minimum d’autorité, fut-elle symbolique.
Avant le vote du 27 septembre courant, il faut s’essayer à cette évaluation. Sans préjuger de la détermination du président de la République a compléter la pyramide législative, chacun doit réfléchir aux moyens de l’y encourager. Certes, nul n’a des raisons de ne pas croire en l’adoption prochaine de lois organiques prévues par la Constitution. Mais, d’autres textes non moins importants devront être mis sur la table le plus rapidement, singulièrement ceux relatifs aux associations, aux réunions publiques et à la communication. De ce point de vue, la prochaine Assemblée nationale devra faire valoir son droit à l’initiative législative. Or, sur ce point, les majorités monolithiques n’ont jamais brillé par leur courage. Partout dans le monde, elles se sont illustrées par une apathie certaine, se gardant d’aborder des sujets pourtant déterminants pour le fonctionnement de la démocratie.

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