Comme bien d’autres, Ika Rosira pense que le Gabon un Eldorado qui peine à profiter aux Gabonais. Si le pays ne manque pas de richesses naturelles, de l’or noir au manganèse en passant par l’or ou l’uranium, celles-ci profitent peu à la population. Entre corruption, trafic d’influence et manque de diversification économique, les défis sont nombreux pour sortir les Gabonais de la pauvreté et leur offrir de meilleures conditions de vie. Ayant demandé aux compagnies pétrolières en activité au Gabon de fournir la liste de tous les paiements versés à l’État entre 2020 et 2023, les autorités de la transition politique en cours peuvent-elles inverser la tendance ?

© GabonReview/Dall-E

 

Au Gabon, on est tous conscients que notre économie est tributaire du secteur pétrolier. On pourra aborder le fait que nous sommes le second producteur mondial de manganèse, qu’en plus du fait d’être l’un des principaux producteurs de bois tropicaux, nous disposons d’importants gisements de fer, d’or, d’uranium, de diamants, de cuivre, de zinc, de niobium et même, plus tard, de “terres rares”. On pourra aussi parler un de ces jours de notre potentiel hydroélectrique, de l’insuffisance de nos infrastructures et même du fait que le reste du monde nous doit près de 300 millions de dollars US en crédits carbones pour les 90% de territoire préservé et recouvert de forêts tropicales. Cette année, prions que les habitants du ciel alignent les étoiles en notre faveur et permettent au nouveau Gabon, qu’on espère tous au fond de nous, d’émerger enfin. Alléluia !  Incha’Allah ! Bassé Basssé !

La grande question qui découle de toute cette réflexion : quels sont les jeux de pouvoirs exercés avec soin pour empêcher la mise en œuvre du fameux audit des sociétés pétrolières sur les 3 dernières années, saluées et attendues de tous, qui aurait permis à l’État gabonais, non seulement de découvrir les irrégularités entre les déclarations de nos 15 sociétés pétrolières et les versements de ces dernières au Trésor public.

Pas besoin d’être ingénieur en pétrole, d’être un cerveau en finances, d’être un journaliste d’investigation ou un “intellectuel” pour comprendre que nos frustrations sont sociales, du fait de notre taux élevé de chômage, du caractère endémique de notre pauvreté ou de notre misère, et aussi du fait qu’on parle de faible diffusion de la richesse au lieu de nommer les chiens sales par leurs noms : tous ces différents types de corruption répandus dans notre Eldorado, baissent notre pouvoir d’achat, accentuent les crises financières, économiques et sociales et nous donnent tous les jours la possibilité de nous heurter aux abus, aux malversations, aux conspirations et surtout au trafic d’influence mais sincèrement, comme on dit chez nous, on peut résumer tout ça en français facile à de la sorcellerie pure-pure.

On veut comprendre pourquoi l’or noir qui maintient la stabilité économique de notre pays, le rend si attractif pour les grandes firmes du monde, contribuant à l’augmentation théorique de notre PIB par habitant chaque année, semble “incapable” de nous offrir et de nous garantir, à lui tout seul, des conditions de vie favorables à notre épanouissement, à notre confort, à notre sécurité et à notre éducation.

On souhaite surtout attirer l’attention sur le fait que la Commission nationale des hydrocarbures (CNH) a été mise en veilleuse, depuis quelques temps, sous prétexte qu’on souhaitait mettre en place, depuis “kala-kala”, un véritable organe de régulation des Hydrocarbures, capable de donner des avis fondés, de faire appliquer la réglementation, de veiller au respect des normes locales et internationales, d’instituer la bonne gouvernance des industries du pétrole et du Gaz au Gabon et aussi de promouvoir la conservation et la valorisation des gisements d’hydrocarbures, qui, on le rappelle encore (comme à la maternelle) constituent la principale source de revenus de l’État gabonais.

Aujourd’hui, malgré les valeurs et les enseignements que le CTRI propose à tous les citoyens du Gabon, on se permet de transformer tout un ministère en machine à règlements de comptes, en vivier de conflits d’intérêts, en usine à broyer des carrières, en insultes à nos intelligences…

Bref, on réduit des chargés d’études (surtout ceux qui ont des infos concernant les malversations, le trafic d’influence, voire les détournements de biens sociaux) en simples agents. On coupe les salaires, on gèle les salaires, on chasse même les gens de leurs bureaux ou on les empêche tout simplement d’y avoir accès. On fouille même des salles pour s’assurer que les “conversations” ne soient pas épiées ou divulguées à qui mieux-mieux. Eh Dieu ! Comment peut-on créer un tel climat, en pleine transition inespérée si ce n’est pas comme on dit chez nous : Ignemba !!! Mais bon, faut le dire, tant que le couvre-feu n’est pas levé, on a conscience que notre “Transition” n’est pas encore assimilée par tous.

Pour nous consoler et même rester en mode gratitude et espoir, on observe le nouveau Roi du Gabon, qui nous autorise à rêver, espérer, œuvrer avec lui et nous persuade chaque jour que le Meilleur est en téléchargement.

Revenons au ministère du Pétrole dont l’ancien tout-puissant ministre est accusé de posséder un DAT (un genre de compte d’épargne à intérêt qui est gelé pour une durée définie) dont la somme dépasse certainement notre entendement humain. Vincent de Paul Massassa avait la réputation d’être discret et travailleur, généreux et d’être l’oncle chéri du jadis tout-puissant Ian Ngoulou, qui a entraîné beaucoup de gens dans sa chute. Car au Gabon, on le répète inlassablement, le Karma a de l’humour.

Faut-il faire une pétition nationale et même internationale pour la création d’une Autorité de régulation des industries pétrolières et gazières du Gabon ? Bientôt, certains vont s’attribuer le Projet d’acquisition de la seconde plus grande compagnie pétrolière du Gabon : Assala Gabon, entreprise du géant Carlyle.

Comme le dit si bien Arnauld Engandji-Alandji : “ce sera historique !” Réunir 730 millions de dollars US pour nationaliser une entreprise qui produit plus de 40 000 barils de pétrole par jour, ça peut permettre à beaucoup d’améliorer leurs conditions de vie dans ce pays. Ça peut aider notre population tout entière à idéaliser le CTRI une bonne fois pour toute. Ça peut faire de “nous tous”, les évangélistes de la bonne gouvernance à travers le monde. Ça peut éviter de transformer les gens en chiens enragés capables de mordre les mains qui les nourrissent. Et, à vrai dire… ça peut faire “cesser” la pluie dans nos yeux et donner à nos espoirs un dynamisme qu’on ne leur a jamais attribué par le passé.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. DesireNguemaNzong dit :

    Bonjour Ika Rosira,

    Il n’est pas rare que les femmes s’intéressent (traitent) de problématiques économiques et leur incidence sociale (1). En lisant votre texte, on s’éloigne des fariboles habituelles.

    « La sorcellerie pure-pure » (Ignemba) peut-elle expliquer le déclin économique du Gabon et de ses institutions politiques? Avec vous, on pourrait « inaugurer » les « sciences bizarres » parce que, en réalité, aucune étude scientifique ne traite de l’impact de phénomènes para-normaux sur l’efficacité économique et le bien-être social.

    Pour vous, le(s) facteur(s) de la récession économique du Gabon (sont) est endogène. Vous supposez que les décisions « bizarres » (incohérentes) des dirigeants aient aggraver la crise sociale dans notre pays. Vous attaquez froidement les mécanismes de distribution des richesses. Vous posez une question fondamentale: comment peut-on produire autant de richesses (accroissement du PIB) et produire autant de pauvreté? L’involution de notre pays taraude votre esprit critique.

    Le problème de notre économie est l’absence de transparence (mon point de vue). Surtout dans un secteur clef pour lequel nous avons un avantage concurrentiel (comparatif): la production pétrolière. Est-ce que les audits dans ce secteur ont-ils vocation à régler les problèmes de la pauvreté dans notre pays?

    Je pose une hypothèse primaire de travail : l’instauration d’un « régime de paradis fiscal » pour les compagnies pétrolières n’a pas permis de rendre effectif la traçabilité des fonds pétroliers. En plus d’un « capitalisme familial » dans notre pays qui capte un fonds massif dont a besoin le développement infra-structurel du pays (hypothèse secondaire). J’aime à supputer que si vous avez des routes, vous avez accès aux ressources rares. En outre, vous notez l’existence d’une culture de la « carambouille » contre-productive (trafic d’influence, détournement de fonds publics, impunité nulle, etc.). Peut-être qu’il est tant que le « capitalisme familial » cesse au profit d’un capitalisme étatique protecteur des intérêts du plus grand nombre.

    Dans votre approche, c’est le lien entre l’essor économique et « l’essor vers la félicité » qui est très intéressant. En suscitant la curiosité, vous créez un intérêt majeur de l’impact de l’économie pétrolière sur le bien-être social. Là vous frappez au défaut de l’armure. Au défaut la qualité.

    Ma pensée: La transition est une période qui doit nous apprendre à « remarcher ». Parce qu’il faut savoir marcher avant de savoir courir (vers la félicité!?).

    J’ai eu un immense plaisir à lire votre tribune.

    Bonne continuation à vous!

    (1) Elinor Ostrom (2009), Esther Duflo (2019) et Claude Goldin (2022) trois prix Nobel d’Economie.

  2. Ika Rosira dit :

    Ah mon cher, je ne sais comment expliquer le nombrilisme, l’égoïsme, l’égocentrisme sans mêler la sorcellerie pure pure, la méchanceté gratuite et la perfidie des gens dedans. Un brassage qui fait très peur. Mais l’espoir nous maintient tous en vie.

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