La campagne a été d’une qualité médiocre. Et le scrutin chaotique. Poursuivre sur cette lancée reviendrait à légitimer le soupçon. Durant l’entre-deux-tours, l’Autorité de contrôle des élections et du référendum (Acer) doit proposer des correctifs aux dysfonctionnements constatés.

Premier tour des législatives : Si les mêmes pratiques se perpétuent, il ne restera pas grand-chose de la promesse de restauration des institutions. © Betines Makosso / AP

 

Comptant pour le premier tour des élections législatives, la campagne a été d’une qualité médiocre. Là où on s’attendait à parler des états de service, on a eu droit à des luttes de positionnement, de nombreux candidats se présentant comme des mandataires du président de la République. Là où on espérait disserter sur l’engagement civique, on a eu droit à la dissimulation et autres attaques ad hominem. Le scrutin en lui-même ? De l’avis général, il a été chaotique. Entre bureaux de vote tenus par des personnes notoirement encartées ou des membres de la parentèle des postulants, transport des électeurs, distribution tardive et anarchique des cartes d’électeurs, on était très loin de ces élections «libres, démocratiques et transparentes» promises au lendemain du 30 août 2023. Comme l’a dit l’ancien Premier ministre de la Transition, ce «vrai premier test (…) nous (a ramenés) à la case départ».

L’Acer au centre du jeu

Alarmant, ce constat peut pousser les électeurs à bouder le second tour pour affirmer leur défiance vis-à-vis du processus et des institutions. Une telle éventualité ne serait pas de bon augure pour la suite. Comme nous l’écrivions au lendemain du référendum constitutionnel, l’abstention traduit toujours deux choses : un délitement du lien de confiance et, une mauvaise compréhension des enjeux. Peu importe les époques, elle questionne la santé de la démocratie et la fluidité du jeu politique.  Pour s’en prémunir, il importe de donner aux électeurs des raisons de croire en la sincérité du second tour. Pour ce faire, il faut placer l’Autorité de contrôle des élections et du référendum (Acer) au centre du jeu. Durant l’entre-deux-tours, elle doit proposer des correctifs aux dysfonctionnements constatés. Doit-elle ensuite le faire savoir ? Assurément, oui.

Chargée, entre autres, de «s’assurer de l’effectivité de la collecte et la transmission des procès-verbaux» et de «contrôler la sincérité des résultats», l’Acer est une caution morale. Or, sur ce point, le ministère de l’Intérieur et la Commission nationale d’organisation et de coordination des élections et du référendum (Cnocer) ont déjà perdu la bataille. Les laisser poursuivre sur leur lancée reviendrait à légitimer le soupçon. Faut-il pour autant les disqualifier ?  En tout cas, l’article 3 du décret n°0097/PR/MRRI du 03 février 2025 est clair : «Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres de l’Acer ne reçoivent ni d’instructions ni d’ordre d’aucune autorité publique ou privée.» Mieux, l’article 21 du même texte leur donne la possibilité de se saisir «d’office de toute affaire relevant de (leur) compétence».  Faut-il alors leur donner un blanc-seing ? Sans aller jusque-là, on ne perd rien à les mettre face à leurs responsabilités.

Faire jouer les mécanismes prévus

En effet, comme l’a encore affirmé Raymond Ndong Sima : «Une victoire construite sur du mensonge est une victoire qui ne présage rien de bon. Elle préfigure même des lendemains inquiétants.» Faut-il banaliser ce propos ou le tenir pour un dérapage venu d’un mauvais perdant ? Certainement pas. Il faut plutôt tout mettre en œuvre pour faire triompher la vérité. Cela suppose des mécanismes de transparence. Cela suppose aussi le rejet de la ruse. Or, il n’est pas inutile de le rappeler : de toutes les entités en charge de l’organisation des élections, seule l’Acer a explicitement le devoir de veiller à la «la régularité (et à) la transparence». Seule elle est tenue de garantir «aux électeurs ainsi qu’aux candidats en présence le libre exercice de leurs droits».  N’ayant jamais publié de rapport au terme de la présidentielle du 12 avril dernier, l’entité présidée par Wenceslas Mamboundou a ici l’occasion d’apporter la preuve de son utilité.

Au fond, l’enjeu de ce scrutin va au-delà de la répartition des sièges à la prochaine Assemblée nationale. N’en déplaise aux jusqu’au-boutistes, il se rapporte à la crédibilité d’une Transition née d’un refus de cautionner des «résultats tronqués». Du moins, selon la version officielle. Or, si les mêmes pratiques se perpétuent, si le processus s’en trouve toujours entaché, il ne restera pas grand-chose de la promesse de «restauration des institutions». De plus en plus perceptible, la méfiance pourrait virer en désaffection voire en défiance. D’où la nécessité de faire jouer les mécanismes prévus par la loi. L’Acer pourra-t-elle prendre ses responsabilités ? Si oui, saura-t-elle offrir les garanties attendues, indiquer une autre voie et reconstruire la confiance ? Ou laissera-t-elle, une fois encore, le vice l’emporter sur la vertu ?

 
GR
 

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