Ayant engagé une procédure contraire à la législation en vigueur au Gabon, visant le journaliste Brice Gotoa tout en refusant de répondre aux convocations de la Haute autorité de la communication (Hac), la société Axa Gabon a été suspendue des médias publics pour une période de 3 mois.

Au Gabon, la société d’assurances Axa a été suspendue des médias publics pour 3 mois. © L. Grassin

 

En juin 2018, le journaliste Mesmin Brice Gotoa du journal en ligne Direct Infos Gabon a écrit un article intitulé «Axa Gabon : Soupçons de fraude et de corruption à la direction commerciale». L’article lui a valu près de 8 mois plus tard plusieurs convocations à la Direction générale de recherches (DGR) puis des appels à comparaître au parquet de la République de la part du directeur commercial d’Axa Gabon qui requiert de lui, la divulgation de ses sources. Tenu par les exigences du Code de la communication qui en son article 42 in fine dispose que «le journaliste n’est pas tenu de révéler ses sources d’information en dehors d’une dérogation prévue par la loi», Brice Gotoa a préféré tenir sa langue. Voulant aller jusqu’au bout de sa démarche et lui faire cracher le morceau, Axa Gabon a finalement décidé de poursuivre le journaliste pour «diffamation». Son audience est d’ailleurs prévue pour le vendredi 14 juin 2019 à 13h.

Persécuté et ayant subi un acharnement psychologique, Brice Gotoa a le 21 février, saisi la Haute autorité de la communication (Hac), pour son assistance et son intervention. Réunie en séance plénière le 28 février, l’institution s’est penchée sur cette question y voyant «un point urgent». En effet, la Hac «a également un rôle de soutien et de médiation en vue d’éviter le contrôle abusif des médias par toute personne détentrice de l’autorité». Ainsi, conformément aux dispositions des articles 37, 38 et 39 de l’ordonnance qui la crée, la Hac, a selon son porte-parole, adressé deux lettres de convocation à la société Axa Gabon pour audition les mardi 26 et jeudi 28 février derniers. Cependant, la société n’a pas répondu auxdites convocations. «Au contraire, Axa Gabon dont le rôle est d’assurer et de protéger les citoyens, se lance dans une opération de persécution du journaliste dans des investigations menées à sa manière, portant ainsi atteinte aux libertés susvisées garanties par la loi fondamentale», a déclaré le porte-parole de la Hac.

Dénonçant des agissements arbitraires de la part d’Axa Gabon, la Hac estime que la société «viole les dispositions de l’article 42 in fine du Code de la communication». De fait, sur la base des articles 45, 47 de l’ordonnance qui crée la Hac et l’article 181 du Code de la communication, mais aussi en application de l’article 184 dudit Code qui dispose que «peut être suspendu des médias publics pour une durée n’excédant pas 3 mois, toute personne physique ou morale qui contrevient au cours d’une émission ou dans une tribune, aux dispositions de la présente loi», la société Axa Gabon a été suspendue des médias publics pour une durée de 3 mois.

Ce même 28 février, le président de la Hac Raphael Ntoutoume a saisi le procureur de la République. «Sans pour autant m’immiscer dans le secret de l’instruction, je veux attirer votre attention sur le fait que la requalification de l’infraction ne mentionne nullement les faits diffamatoires. Et si tel est le cas, le requérant aurait dû saisir la Hac, organe régulateur en l’espèce», a indiqué Raphael Ntoutoume Nkoghe au procureur comptant sur sa collaboration pour qu’Axa Gabon arrête ses pressions sur Mesmin Brice Gotoa. Depuis la sortie de la Hac, les différentes parties n’ont pas réagi.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. bill ngana dit :

    Cela doit sincèrement apporter du baume au cœur à tous nos journalistes gabonais, habitués à une HAC plus prompte à sanctionner les médias qu’à leur servir de paravent. D’un autre côté, voici encore une histoire biscornue, qui pousse à penser que la banalisation de la prévarication tendrait à devenir le sport de certains responsables financiers au Gabon. Dans le cas d’espèce, je trouve surprenant que l’indignation de la société AXA ne s’arrête qu’au stade de la définition de la source de l’information, là où le journaliste cherchait visiblement à dénoncer le préjudice subi par cette entreprise.
    Or cette multiplication des cas de détournements alimente une certaine idée que notre pays devient un repère de filous. Une telle réputation sulfureuse ne sert nullement le Gabon. Plutôt que de se laisser entrainer dans des prises de bec de ce genre, la Justice gabonaise aurait dû nous assurer qu’elle a ouvert une information judiciaire relative à cette assertion de détournement de fonds. Car, aussi peu intéressantes qu’auraient pu paraitre les conclusions d’une telle enquête, les investisseurs potentiels ont besoin de ces informations pour être rassurés sur l’efficacité de la Justice et le bienfondé de mettre leur fric au Gabon et d’exercer avec quiétude dans un pays dont les citoyens respectent la loi et leurs investissements.

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