Une première en Afrique subsaharienne. Le Gabon vient de boucler une opération financière inédite, convertissant 500 millions de dollars de sa dette en obligations thématiques «bleues», dont les fonds serviront exclusivement à protéger les écosystèmes marins. Sous couvert de sauvegarde écologique, n’est-ce pas aussi un habile montage pour alléger le fardeau de l’endettement ?

Échange dette-nature : le Gabon mise son littoral pour alléger son endettement. © GabonReview

 

Le 15 août, le Gabon et l’ONG américaine The Nature Conservancy (TNC) ont annoncé la conclusion d’un accord qualifié «d’historique» par le gouvernement. Le principe : convertir une partie de la dette publique du pays en obligations bleues, également appelées «Blue Bonds». «Il s’agit de la toute première transaction de ‘’restructuration dette-nature’’ en Afrique subsaharienne», indique un communiqué du ministère gabonais des Eaux et Forêts, de la Mer, de l’Environnement, chargé du Plan climat et du Plan d’affectation des terres.

Allouer 163 millions de dollars aux zones maritimes protégées en restructurant sa dette

Concrètement, 500 millions de dollars de dettes gabonaises ont été rachetés auprès de créanciers internationaux par le biais d’une émission d’obligations pilotée par la banque américaine Bank of America. La caractéristique de ces obligations dites «bleues» est que les fonds levés servent exclusivement à financer des projets de préservation des océans et de la biodiversité marine.

En contrepartie, le Gabon s’est engagé à étendre de 26% à 30% la superficie de ses eaux territoriales protégées. Il compte notamment créer de nouvelles aires marines préservées et renforcer la lutte contre la pêche illégale, fléau qui menace les écosystèmes fragiles du golfe de Guinée.

Outre l’impact écologique, l’opération est présentée par le gouvernement gabonais comme une prouesse financière. La conversion des emprunts en obligations thématiques bleues permettrait «de générer 163 millions de dollars d’économies», en réduisant le coût de la dette, selon le communiqué officiel susmentionné, ajoutant : «Ceci va réduire le coût global de la dette et permettre un financement direct de $4,3 millions de dollars par an pendant 15 ans

Le «Blue Bond» gabonais, un tournant, selon Ali Bongo

S’enthousiasmant de ce «tournant», le président Ali Bongo Ondimba a salué le lancement du «Blue Bond» gabonais. Selon lui, ce mécanisme innovant annonce le développement prochain d’autres solutions de «financement vert» récompensant les efforts écologiques de pays comme le Gabon. Le chef de l’État a appelé les pays développés et les banques multilatérales à s’inspirer de cette initiative pionnière pour soutenir la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. «Il ne suffit pas seulement d’évoquer ces nouveaux outils, encore faut-il les concrétiser», a-t-il déclaré, se félicitant du partenariat scellé avec The Nature Conservancy et l’agence américaine de développement.

Sous des atours vertueux, ce montage soulève toutefois des questions. Car s’il allège temporairement le fardeau du remboursement pour Libreville, il ne réduit en rien l’encours global de la dette du pays. Surtout, en misant sur des recettes futures hypothétiques tirées de l’écotourisme, il revient à reporter le problème sur les générations à venir. Plus qu’un miracle écologique, ce tour de passe-passe comptable ressemblerait donc à une fuite en avant dans l’endettement.

 
GR
 

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