Trois bateaux qui sombrent en moins de 5 mois, révèle absolument de dysfonctionnements qu’il va falloir identifier dans la chaîne de décisions. Il est difficile de croire que ces sinistres sont le fruit de malheureux concours de circonstances, pense Abslow.  Le chroniqueur de Gabonreview soulève au passage de nombreuses interrogations aussi pertinentes que fondamentales. Notamment, combien de naufrages et combien de morts faudrait-il pour que les personnes responsables de la vie des Gabonais dans le secteur maritime, soient identifiées pour répondre de leur (ir)responsabilité ?

Survivante du naufrage de l’Esther Miracle, Académie Club Libreville (ACL), équipe de football de 3ème division, en prière sur le quai du Port-Môle à Libreville. © Gabonreview

 

Il y a des sujets qui méritent d’être débattus sur la place publique et portés par l’opinion publique pour que la lumière soit. Mais dans ce doux pays, rien n’est jamais trop grave et nul n’est jamais trop responsable de rien. Tout est de la faute du destin. Un autre bateau transportant des Gabonais a encore fait naufrage dans les eaux territoriales gabonaises, endeuillant de nombreuses familles. Le bilan provisoire non exhaustif à ce jour fait état de 134 personnes secourues, 3 personnes décédées et 34 encore recherchées.

Si on en croit la rumeur, ce bilan est plus lourd qu’on ne le dit et de plus nombreuses familles pourraient pleurer leurs fils. C’est au moins 134 personnes qui seront traumatisées à vie pour avoir frôlé de très près la mort par noyade, l’une des plus atroces. Nous espérons que ce bilan ne sera pas en définitive très lourd au terme des recherches toujours en cours. Les vidéos qui circulent nous rappellent la tragédie du film Titanic qui restitua les derniers instants passés par tous ces naufragés avant que les flots ne les emportent définitivement.

Il faut à cet égard féliciter les secours qui ont su réagir promptement et permis de sauver in extremis ces pauvres gens. Mais plutôt qu’une intervention d’urgence, c’est davantage dans la prévention de ces drames qu’on attend le gouvernement pour nous épargner de tels accidents. Parce que en 5 mois, c’est le 3è bateau qui coule dans ces eaux et dont les responsabilités sont à rechercher dans les services compétents. En effet le 14 septembre 2022, une barge de la CNNI prenait feu et coulait au large de Port-Gentil sous le regard impuissant des secours.

Il y a 2 semaines encore seulement, le MV Antoneta Limbe était englouti par les eaux de l’Estuaire du Komo entre Libreville et la Pointe Denis où il repose encore au fond. Le premier accident aurait dû suffire à tirer la sonnette d’alarme pour que tout soit entrepris afin qu’aucun autre ne survienne. Mais visiblement, rien n’a été fait pour que ça ne se reproduise pas. Et les mêmes dysfonctionnements ont conduit à 2 autres accidents dont un est aujourd’hui fatal à plusieurs vies humaines. Quand on peut l’éviter, toute mort devient un drame qui doit nous interpeller.

Pourquoi ont coulé ces trois bateaux ? Étaient-ils en parfait état de navigation ? Quelles sont les habilitations administratives et techniques dont ils disposaient ? Qui les a délivrées et à quelles conditions ont-elles été délivrées ? Combien de personnes et quelle quantité de fret étaient à bord pour quelle capacité autorisée ? Ces questions sont transversales à tout le secteur de la navigation maritime et deviennent légitimes. Parce que tous ces faits ne relèvent quand même pas du hasard et témoignent que trop de rafiots naviguent allègrement dans nos eaux.

Ce sont là des questionnements de bon sens que l’opinion se pose et dont elle espère des réponses précises de la part du gouvernement. Et ces questions légitimes sont urgentes, au regard de ce que le bateau est devenu le principal moyen de transport entre Libreville et Port-Gentil, les prix des avions étant prohibitifs. Ces deux capitales, administrative et économique, drainent un flux important de voyageurs au quotidien. Il est tout aussi légitime de se demander quel est le niveau de risque que courent ces voyageurs ?

Occupant la place de la CNNI mourante qui en avait autrefois le monopole, la nature ayant horreur du vide, plusieurs compagnies privées desservent aujourd’hui ces deux destinations. Et la rude bataille des parts de marché fait certainement perdre de vue, à ces opérateurs, les questions prioritaires de sécurité. Les équipages sont-ils suffisamment qualifiés, suffisamment nombreux et suffisamment reposés pour naviguer avec le moins de risques possibles d’une destination à l’autre ? Les armateurs et leurs arsenaux sont-ils aux normes ?

Il est temps de regarder tout cela de plus près. Que 3 bateaux sombrent en moins de 5 mois révèle des dysfonctionnements qu’il va falloir identifier dans la chaîne de décisions. Il est difficile de croire que ces 3 accidents sont le fruit de malheureux concours de circonstances, d’autant plus qu’en remontant plus loin dans le temps, les Gabonais n’ont pas le souvenir de tels accidents. Il y a donc problème et urgence à agir. Le procureur de la république doit faire la lumière sur ces accidents inexplicables dans un secteur où la sécurité est une religion ailleurs.

Et les responsabilités doivent nécessairement être établies à tous les niveaux. S’il s’avère que des négligences humaines sont la cause de ce dernier naufrage qui vient de causer la mort de trois personnes, les auteurs de ces négligences doivent rendre des comptes. Et en la matière, c’est au ministre des Transports de faire toute la lumière et d’identifier les responsabilités. Sinon, c’est à lui-même de payer l’addition en prenant ses responsabilités. La mort de gabonais ne peut pas passer par pures pertes et profits.

Quand le Joola sombra entre Dakar et Ziguinchor en 2002 en endeuillant des milliers de familles sénégalaises, des têtes tombèrent afin que plus jamais des négligences constatées ne soient la cause de morts d’hommes. Combien de naufrages et combien de morts faudrait-il compter pour que les personnes responsables de la vie des Gabonais dans ce secteur, soient identifiées pour répondre de leur (ir)responsabilité ? Il est déjà curieux que 5 mois après, nous ne sachions pas pourquoi la barge de la CNNI a pris feu. N’y a-t-il donc jamais de responsables à nos malheurs ?

ABSLOWMENT VRAI !

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour Mr ABSLOW,
    J’apprécie vos articles sur différents sujets. Très pertinents. J’ai moi aussi envi d’apporter une contribution d’ordre théorique. Je précise que je suis titulaire d’un permis mer (6 nautiques), d’un permis fluvial et d’un certificat restreint de radiotéléphoniste (CRR).
    Il existe une organisation mondiale :l’OMI, organisation maritime mondiale. Elle dépend de l’ONU. Sa mission est de renforcer la sécurité en mer. Par ailleurs, il existe une convention SAR (Search and Rescue) qui a pour objectif la mise en place d’un plan international permettant de coordonner les opérations de recherche et sauvetage sans tenir compte des frontières. Les mers sont divisés en treize zones, elles-mêmes subdivisés en régions de recherche et sauvetage placées chacune sous la responsabilité d’un état. C’est donc pourquoi, j’adhère à votre analyse sur le fait qu’il incombe à notre pays d’assumer ses responsabilités.

  2. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour à tous,

    En France métropolitaine, il existe des CROSS (Centres Régionales Opérationnels de Surveillance et Sauvetage) qui coordonnent les opérations de recherche et sauvetage en zones maritimes sous leur juridiction. 5 CROSS : par exemple CROSS Gris-Nez Manche Est-Pas de Calais. Il existe par ailleurs une association dédiée aux sauvetages en mer: la SNSM (société nationale de sauvetage en mer). Elle intervient en coordination le CROSS.

  3. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour à tous,

    Tout navire de plus de 24m est dit astreint. Tout navire qui va au-delà de 6 nautiques (plus de 11km par rapport à un abri) doit posséder à bord un armement suffisant. Je n’en ferait pas ici la liste. Très importants à bord, une VHF fixe, une VHF portatif et des radiobalises de localisations des sinistres. Le débat sur la position géographique du navire est curieux. Tout navire qui suit son cap doit relever sa position géographique en termes de longitude et latitude. La navigation se fait par GPS aujourd’hui. La carte reste toujours de mise.

  4. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour à tous,

    Un navire en détresse doit composer le 16. C’est le numéro de détresse international depuis une VHF. Et c’est le rôle du capitaine du navire. En France, depuis un numéro portable, il faut composer le 196. Ne pas confondre la nature de la détresse. Un bateau qui coule (sinking) n’est pas un bateau qui chavire (capsinzing ou danger of capsinzing).

  5. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour à tous,

    Mon exposé est technique. Ce n’est pas une opinion politique. J’espère qu’il aura contribuer à éclairer (clarifier) sur le domaine maritime. Nous avons 12 nautiques (22 km) de frontières maritimes selon la convention internationale. Il faudrait réfléchir les métiers de la mer pour donner aux gabonais une horizon nouvelle.

  6. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour à tous,

    Par exemples, création d’universités dédiées à la mer; intégration de la natation en milieu scolaire et universitaires pour commencer. Merci de votre écoute. Je n’en dirais pas plus.

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