Le président de la République peine à convaincre de sa volonté de rupture. Soupçonné d’être derrière la vague de démission, il est implicitement accusé d’user de ruse.

Lancement d’un parti présidentiel ? S’étant posé en chantre de «l’inclusivité», le président de la République doit examiner les choses avec froideur. Surtout que dans cette atmosphère délétère, la base du Parti démocratique gabonais (PDG) semble totalement déboussolée. © GabonReview

 

Un peu plus d’un mois après son élection, Brice Clotaire Oligui-Nguéma suscite doute et interrogation auprès de certains de ses alliés. Certes, le président de la République jouit encore de leur soutien et de leur estime. Certes, il se présente encore comme un homme d’ouverture, et de rassemblement. Mais, la rumeur faisant état de sa volonté de créer un parti politique n’en finit plus de faire jaser. Dans les chaumières, comme dans les salons feutrés ou sur les réseaux sociaux, les supputations vont bon train, chacun s’efforçant d’appréhender l’agitation de certains acteurs politiques pour mieux scruter l’horizon. Dans cette atmosphère délétère, la base du Parti démocratique gabonais (PDG) semble totalement déboussolée. «Le président (…) dans son nouveau parti ne prendra jamais des détourneurs de fonds, des compatriotes qui traînent des casseroles… (Il) ne fera pas de son parti un PDG-bis», a-t-on ainsi pu lire sous la plume d’un militant désabusé.

Stratégie du débauchage ?

Secoué par une vague de démissions, l’ex-parti au pouvoir ne sait plus à quel saint se vouer. Ses rappels à l’ordre, comme l’évocation de ses dispositions statutaires, déclenchent des quolibets, pointant ses difficultés actuelles. Débutée le 22 du mois courant, la tournée provinciale de son bureau exécutif a tout d’un baroud d’honneur. Si certains ont vanté la «forte mobilisation» à l’étape de Lambaréné, plus personne ne se fait des illusions. Surtout au regard du passé et de la carrure supposée de certains démissionnaires. Qui peut être assez persuasif pour pousser des anciens Premiers ministres, des anciens membres du gouvernement et même un ancien président de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) à claquer la porte d’un parti où ils ont eu tous les privilèges ? À en croire certains internautes, la réponse coule de source : le président de la République. «D’aucuns disent être appelés par le président Oligui lui-même», a-t-on encore pu lire. À l’évidence, la suspicion gagne du terrain.

L’analyse du traitement réservé aux conclusions du Dialogue national inclusif (DNI) d’avril 2024 en rajoute à l’incompréhension : si les participants avaient préconisé la dissolution du «PDG et (des) partis politiques alliés», s’ils avaient recommandé la saisie de son patrimoine, leurs demandes sont restées lettre morte. Comment comprendre alors cet apparent revirement ? Ici aussi, la base dessine une esquisse d’explication : «Quelqu’un vous a dit qu’il a lu Machiavel», a lancé une militante et activiste bien connue. Allusif, le propos n’en est pas moins limpide :  Brice Clotaire Oligui Nguéma est implicitement accusé d’user de ruse. Convaincus de l’imminence de la création d’un «parti présidentiel», nombre d’observateurs voient sa main derrière les micmacs en cours. Stratégie du débauchage ? On croit être revenu à l’aube des années 90 quand, à coup d’argent ou de promesses de poste, Omar Bongo Ondimba envoyait des militants de l’opposition dans les mailles du PDG. Comme un retour aux pratiques du passé, aux méthodes décriées.

Malaise et crise de confiance

Depuis la fin du DNI, le désormais président de la République peine à convaincre de sa volonté de rupture. Evoquées au gré des circonstances, les conclusions de ce raout sont appliquées en fonction d’intérêts particuliers. Dans de nombreux cas, elles servent à légitimer des pirouettes. La Transition étant officiellement échue, l’on se demande pourquoi doivent-elles servir de base à une refonte de la loi sur les partis politiques. N’eût-il pas été moins suspect de reposer la réflexion sur les principes constitutionnels ? Démocratie pluraliste et participative, participation à l’expression du suffrage, liberté d’association et de création, libre exercice des activités, égalité d’accès aux mandats électifs, financement public ne sont ni de vaines notions ni des incantations. Elles peuvent guider l’élaboration de règles «nécessaires au bien du peuple et faciles à comprendre», selon la définition de Thomas Hobbes.

Trop occupée à commenter et analyser les démissions des cadres du PDG et d’autres partis, l’opinion ne s’est pas vraiment saisie de ces questions.  Malgré la mise en place d’un Comité de rédaction de l’avant-projet de loi sur les partis politiques, elle s’en préoccupe peu, préférant disserter sur les conséquences du lancement d’un «parti présidentiel». Brice Clotaire Oligui Nguema ne s’est jamais publiquement avancé sur cette question, mais de nombreuses voix l’assurent :  son parti politique est en gestion. Si cette hypothèse venait à se concrétiser, elle entrainerait une recomposition du paysage politique. Mais, elle créerait aussi un malaise. Au-delà, une crise de confiance pourrait se faire jour. S’étant posé en chantre de «l’inclusivité», le président de la République doit examiner les choses avec froideur.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. « Les mêmes débuts provoquent toujours les mêmes fins ». Amen.

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