Dans l’ombre du coup d’État du 30 août 2023, le Gabon se débat sous un couvre-feu au long cours, imposé initialement par le pouvoir déchu, relancé et maintenu par le CTRI. Alors que le pays tente de se remettre des effets dévastateurs de la pandémie de Covid-19, ce couvre-feu prolongé trempe l’économie gabonaise dans une crise imperceptible, exacerbant la pauvreté et la délinquance. En contradiction flagrante avec la promesse d’un «coup de liberté», ce régime d’exception soulève des interrogations cruciales sur les intentions véritables du pouvoir actuel.

Ayant salué le changement de régime, la population gabonaise se trouve maintenant comme piégée dans une compression. © Montage GabonReview/OrassioPhotographie

 

Depuis le bouleversement politique du 30 août 2023, le Gabon est paralysé par un couvre-feu d’abord imposé par le pouvoir déchu puis perpétué par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). S’étirant déjà sur près de trois mois, ce couvre-feu est cependant une entrave colossale pour l’économie gabonaise, déjà ébranlée par les séquelles du Covid-19.

Oligui Nguema, entre treillis et costume-cravate civil

Malgré les changements apparents, comme le remplacement alterné du treillis militaire par un costume civil par le général-président, signe d’une normalisation apparente, le Gabon reste englué dans un régime littéralement restrictif. Cette situation, en contraste frappant avec des pays tels que le Mali et le Niger où de telles mesures ont été levées rapidement après leurs coups d’Etat respectifs, jette un voile de suspicion sur les intentions réelles derrière cette persistance.

L’ironie est d’autant plus frappante que le CTRI a rouvert les frontières peu après le coup d’État, visant à normaliser les relations internationales du Gabon. Le couvre-feu lui demeure, suggérant un décalage entre les apparences et la réalité du pouvoir. Commentant le changement de look du président de la transition, un journaliste, dans un groupe WhatsApp, souligne cette contradiction : «Ça signifie qu’on n’est plus en état d’urgence ou d’alerte. Ça signifie que le général n’est plus dans une logique de contre-coup d’État ou de chef de junte. Pourquoi donc maintient-on le couvre-feu ?»

Insondables conséquences économiques et sociales

Les répercussions économiques et sociales de cette mesure sont naturellement incommensurables. Représentant 4% du PIB du pays et y contribuant pour près de 230 milliards de francs CFA (chiffres 2019 de la Direction générale de l’Économie et de la Politique fiscale), le secteur du tourisme et de l’hôtellerie suffoque sous les restrictions nocturnes avec plus de 40.000 personnes et plus de 120 entreprises à la peine, selon les chiffres du Club de tourisme de Libreville. Le tissu commercial, essentiel à la vie du pays, est entravé, tout comme les chaînes d’approvisionnement et de services. Des milliers de travailleurs du secteur informel, actifs principalement la nuit, voient leurs revenus s’effondrer. L’impact est tel que même le secteur des transports, avec des taxis et des citoyens désemparés face à l’impossibilité de transporter des malades de nuit, crie au désarroi.

Plus alarmant encore, le couvre-feu alimente une insécurité et une délinquance croissantes dans les quartiers populaires, avec leurs arrières-rues et pistes non contrôlées par les forces de l’ordre. Cette hausse paradoxale de la criminalité en période de restrictions strictes démontre l’inefficacité et l’absurdité de la mesure.

«Coup de liberté» ou «coup de restriction-coercition» ?

Désormais perçu par beaucoup comme un simple slogan et une promesse non tenue, le «coup de liberté» d’Oligui Nguéma résonne comme une cruelle ironie… un «coup de restriction-coercition», lit-on dans le forum Facebook Infos-Kinguélé. La population gabonaise, ayant initialement salué le changement de régime, se trouve en effet comme piégée dans une situation de compression. Les intentions du gouvernement de transition sont à cet effet remises en question.

L’appel est donc clair et urgent : les autorités gabonaises doivent lever le couvre-feu. Le rétablissement des libertés individuelles et collectives vivement souhaité symboliserait non seulement un retour à la normalité mais marquerait aussi un pas essentiel vers la consolidation de la confiance envers le pouvoir de la transition et la relance économique.

«Le peuple gabonais mérite de voir ses aspirations à la liberté et à la prospérité se réaliser», estime le journaliste cité plus haut. Essentiel pour la reprise économique, la cohésion sociale et la stabilité politique, il est résolument impératif de libérer le Gabon de cette «camisole de force». Après 50 ans de régime Bongo-PDG tant décrié aujourd’hui, il est grand temps que le Gabon respire à nouveau, se développe et prospère, libéré de l’ombre oppressante du couvre-feu.

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Lavue dit :

    Eh oui !! ça sonne tellement vrai

  2. Prince dit :

    Tout le monde le dit le ctri c’est juste la continuité du même régime oppresif, toujours les mêmes contrôles intempestifs et arnaques, faites seulement oyem- Bitam 75 km on enregistre pas moins de 5 postes de contrôles, ce couvre feu nous rappelle celui du covid

  3. KIEM dit :

    Le véritable combat d’Oligui Nguéma c’est changer la mentalité des Gabonais qui sont d’ailleurs excusables après tant d’années d’obscurantisme ambiant. D’une part tout le monde n’a pas des mêmes informations sur la situation réelle du pays actuellement, d’autre part, qui a dit que le CTRI était détenteur de la poudre de Perlimpinpin, apprenez à être patients, c’est quand même bizarre pour des gens qui ont eu la tête sous l’eau pendant 1/2 siècle sans rien faire.

  4. Rhody Junior dit :

    Ce constat est vrai. Mais la confiance en mes dirigeants m’anime. Nous ne pouvions pas désirer une délivrance où il n’y aurait aucun prix à payer pour nous. Je me dis que s’il y a le moindre risque que décèlent nos autorités, elles doivent préserver l’ordre et la sécurité leur mission première. Car il est clair qu’en cas de levée du couvre feu, si un renversement de notre transition devait se tramer durant la nuit, nous resterons tous chez nous spectateurs comme d’habitude de ce qui pourrait se passer, en plus d’être une erreur monumentale du CTRI, que nous viendrons ici plus nombreux encore critiquer l’amateurisme. Je pense plutôt qu’il faut prévoir des compensations pour les acteurs impactés . Pour les gabonais en manque de liberté eux, ils doivent payer le prix de la liberté dans la patience. Rien de bon ne s’obtient sans mal

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