Derrière le masque scintillant d’une perspective de développement industriel se cache une réalité bien sombre : l’accord minier de Belinga ne profite qu’à 10% au Gabon. Dans une rapine silencieuse avec la complicité de dirigeants véreux, les richesses du Gabon sont compromises par des ententes douteuses, révélant un gouffre entre les lois nationales et les pratiques de certaines sociétés étrangères. Exploration choquante des anomalies et incohérences dans la convention d’exploitation du fer de l’Ogooué-Ivindo et questionnement sur l’avenir de la souveraineté gabonaise.

Ivindo Iron : déchargement du minerai au port d’Owendo. © D.R.

 

Une ritournelle : dans les profondeurs de la province de l’Ogooué-Ivindo se cache un trésor national… le gisement de fer de Belinga, découvert en 1955. Cet immense potentiel, objet d’une convention minière signée en février 2023 entre le Gabon et Ivindo Iron SA, coentreprise majoritairement détenue par Fortescue Metals, est un scandale soulevant des interrogations profondes et inquiétantes.

La convention, qui prévoit un investissement de 200 millions de dollars par la succursale du géant minier australien Fortescue Metals Group pour les années 2023-2024, souffre de plusieurs anomalies flagrantes quant au Code minier gabonais. Ces incohérences, révélées par une analyse méticuleuse pour laquelle GabonReview a été aidé par des experts indépendants, mettent en lumière des procédures d’attribution et des taux de redevance miniers qui ne privilégient que les intérêts de l’entreprises australienne au détriment de la souveraineté et de la prospérité économique du Gabon.

Anomalies de la Convention minière de Belinga

En effet, la lecture du contrat dans les détails (91 pages en français et anglais), en croisement avec le Code minier (Loi n°037/2018 du 11 juin 2019 portant réglementation du secteur minier en République Gabonaise), relève notamment que l’obtention du permis d’exploitation de Belinga par Ivindo Iron a éludé certaines étapes et dispositions réglementaires :

Un non-respect des procédures d’attribution de permis : La première anomalie concerne la procédure d’obtention du permis d’exploitation. La loi gabonaise exige l’obtention de deux avis au sein du ministère – un avis juridique et un avis technique – avant la délivrance d’un permis d’exploitation. Or, pour le projet de Belinga, l’étude de faisabilité technico-économique, essentielle pour l’avis technique, n’a pas été présentée ou validée par les services compétents du ministère gabonais des mines, du moins selon des sources dignes de foi.

La spoliation des droits d’autres opérateurs : L’article 5 du Code minier gabonais stipule l’inviolabilité des autorisations et titres miniers régulièrement attribués. Pourtant, l’attribution du permis de Belinga aurait entraîné la spoliation des droits des titulaires de permis d’exploitation aurifères dans le périmètre de Belinga, sans notification aux entreprises touchées et sans le dédommagement financier prévu par la loi en cas de retrait de permis.

Des taux de redevance minière contestables : L’article 205 de la loi minière établit les taux de taxe ad valorem pour les métaux de base et les substances précieuses : respectivement entre 5 et 10%, et entre 5 et 8%. Plus simplement, il s’agit de la proportion du prix du bien que les entreprises doivent reverser pour chaque unité vendue, un genre de taxe sur le chiffre d’affaires. La convention minière de Belinga applique cependant des taux variables et nettement inférieurs par rapport à ceux stipulés par la loi : ils commencent à 1,75% en phase dite «pilote», notion n’ayant aucune existence juridique, avant de passer à 2,75%, puis à 6% seulement à partir de la «Date d’achèvement des standards acceptables». Or, cette date est soumise à des conditions avantageant uniquement la société minière, comme l’obligation de remboursement intégral des financements externes et l’obligation de réalisation d’un taux de rentabilité de 18% pour les actionnaires. Toutes choses qui vont obérer les bénéfices du Gabon dans son partenariat avec Ivindo Iron.

Des conditions de rentabilité douteuses : La convention fixe ainsi une date, définie par un cabinet international, à laquelle les conditions financières, mentionnées ci-dessus quant à la rentabilité et aux remboursements, doivent obéir. Notamment, le taux de rentabilité interne sur les fonds propres de 18%. Alors que dans les autres conventions passées avec des entreprises étrangères, celles-ci sont tenues d’assumer les coûts des infrastructures, notamment celles dédiées à l’évacuation de la production, ces conditions, liées à l’application d’un taux de 6% de redevance minière proportionnelle, favorisent excessivement l’investisseur au détriment des intérêts financiers de l’État gabonais.

Piloté depuis le palais présidentiel

Plus simplement, ces seuils et mécanismes, inconnus du droit gabonais, font peser sur l’État des risques financiers pouvant être induits par les aléas de gestion de la compagnie minière. Une inversion inacceptable des responsabilités qui bafoue les intérêts du Gabon. «À l’interprétation de la convention minière actuelle avec Ivindo Iron, le Gabon ne dispose que de 10% de Belinga», affirme un expert au fait du dossier.

Estampillé du visa d’opportunité de la présidence de la République, du visa de conformité de la présidence de la République et du visa de régularité du gouvernement, cet accord révèle une facette sombre du dernier septennat d’Ali Bongo : la complicité flagrante entre les dirigeants gabonais et les entreprises étrangères pour une spoliation des richesses nationales.

Si le contrat est signé, à Dubaï le 7 février 2023, par Elvis Ossindji, ministre des Mines et de la Géologie, par Nicole Janine Roboty ép. Mbou, ministre de l’Économie et de la Relance, tous deux membres du dernier gouvernement d’Ali Bongo, et par André Baya pour Ivindo Iron, le dossier aurait été piloté, selon des sources concordantes, depuis le palais présidentiel par Mohamed Aliou Oceni, alors directeur de cabinet adjoint de Ali Bongo.

Sursaut vital

Cette situation pose une question fondamentale : comment le Gabon, dans sa quête de développement et d’investissements, se retrouve à sacrifier ses propres ressources et intérêts ? La convention de Belinga pourrait être un exemple criant de la façon dont les ressources naturelles d’un pays, plutôt que de servir à son épanouissement économique et social, sont exploitées dans des conditions opaques et potentiellement préjudiciables, sous le voile des investissements directs étrangers.

Au-delà de l’aspect financier, le cas de Belinga soulève des préoccupations éthiques et souveraines. La gestion des ressources naturelles, en particulier dans des pays riches en matières premières comme le Gabon, doit impérativement se faire dans la transparence, le respect des lois nationales et avec une vision à long terme pour le bien-être des populations. Les anomalies relevées dans la convention minière de Belinga ne sont pas seulement des questions de légalité, elles touchent au cœur de la gouvernance, de la justice et de l’avenir d’une nation.

Face à ce saccage organisé qui obère l’avenir des générations futures, le sursaut est vital. Plus que jamais, des voix doivent s’élever pour dénoncer ces agissements et mobiliser l’opinion. Les richesses du sous-sol gabonais ne sont pas une chasse gardée dont de voraces compagnies peuvent disposer à leur guise

 
GR
 

4 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Mamboundou qui s’était opposé a la première tentative de bradage par Omar Bongo aux chinois n’était plus la pour tirer la sonnette d’alarme plus tôt. Oligui accepte que les gabonais se fassent duper. Si on n’a pas les moyens de participer suffisamment à l’exploitation de nos ressources pour avoir de meilleurs retombés, vaut mieux rester pauvre que d’entretenir cette étiquette de pays riche. Riche pour permettre Oligui d’acheter des maisons de plusieurs centaines de millions aux USA pendant que le peuple reste pauvre dans un pays réputé riche.

  2. issiane dit :

    si vous donnez ces informations apres que le contrat ait ete mis en execution que pouvons nous faire alors.A la lecture de votre article,on voit bien c’est encore un contrat leonin,qui devrait etre soumis a l’appreciation du juge.Toute la question est celle de savoir si ces anomalies ont ete constatees par les nouvelles autorites que l’on a vu a la television vanter la 1ere expedition du fer de belinga.

  3. Akoma Mba dit :

    Nous savons tous qui vendaient nos richesses, et qu’attendent les nouvelles autorités pour les arrêter et les mettre hors d’état de nuire. Certains sont au Gouvernment, à l’Assemblée Nationale, au Sénat et dans toutes les Directions Générales des Ministères qui étaient chargées de convertir le Palais d’Ali Baba et sa Dulcinée Sylvia en Trésor Public.

  4. Akoma Mba dit :

    Pourquoi le Gabon n’achète pas les Chancelleries et Résidence des Ambassadeurs à l’étranger. Simple. Tous les Ambassadeurs gabonais sans exception se sont enrichis et ont acheté des maisons à Paris grâce au vol systématique des loyers. Une certaine Ambassade avait passé quatre ans sans payer aucun loyer alors que les finances gabonaises payaient les loyers pour 6 mois d’avance. Le nouveau Ministre des Affaires Etrangères a manqué de le dire dimanche dernier et il le sait bien.

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