La progression du Coronavirus au Gabon se fait à un rythme inquiétant et les structures sanitaires sont désertées par les malades. La peur de contracter le virus en milieu médical ou d’être mal diagnostiqué explique cette désertion.


Avec le Coronavirus au Gabon, l’on se méfie de plus en plus des structures sanitaires. © D.R

 

Avec des chiffres de contamination au Covid-19 en forte progression (1502) et le nombre de cas contacts qui se multiplie, les Gabonais sont perplexes. Si certains doutent de l’existence de la maladie, la peur est dominante et la tendance est à la désertion des structures médicales. «Je préfère me soigner à la maison. Ce n’est que si je me retrouve avec certains symptômes du Coronavirus, comme la perte de l’odorat et les problèmes respiratoires que je vais appeler le 1410. Je n’irai pas directement à l’hôpital de peur qu’on me dise que j’ai le Coronavirus alors que c’est faux», déclare Nora. Enrhumée, elle préfère se rendre au marché se procurer en produits naturels pour la fabrication d’une décoction.

Comme elle, beaucoup estiment que se rendre à l’hôpital c’est courir le risque d’être soit contaminé au Covid-19, soit d’être diagnostiqué Covid positive. «Je reste chez moi, je ne vais pas dans une structure sanitaire tant que je ne suis pas sûre moi-même que les symptômes que j’ai c’est le Coronavirus», renchérit Maëlle pourtant fiévreuse. A la clinique comme dans les hôpitaux publics, le temps où il fallait attendre des heures avant d’être reçus semble bien loin. La peur au ventre, même les malades chroniques boudent les structures sanitaires. «On peut choper le virus en partant à l’hôpital ce n’est pas exclu», déclare Jean-Martin A. Victime d’un AVC, il a presque renoncé à sa rééducation à l’hôpital.

Le Copil fait peur

Si certaines femmes sont frileuses à l’idée d’aller avec leurs enfants chez le pédiatre, d’autres enceintes ont, depuis la mise en branle des mesures de restriction et l’augmentation continue des cas, accouché soit au domicile, soit dans une ambulance, aidé par le Samu social appelé à la rescousse. «Le Samu social est venu nous chercher dans son ambulance. On ne pouvait plus arriver à l’hôpital de Melen, la sage-femme m’a fait accouché dans l’ambulance», a déclaré sur les antennes de Tv5 Afrique, Lydie Komba Massandé. Enceinte elle a eu peur d’aller accoucher à l’hôpital de peur d’être diagnostiquée positive. Une peur partagée par sa mère au moment des douleurs. Pourtant, les blouses blanches rassurent.

«Les femmes ont peur d’aller à l’hôpital parce qu’elles se disent qu’on va leur faire faire les tests du Covid-19. Mais tout cela c’est faux», a déclaré Edith Ndoume, une sage-femme ayant via le Samu social, participé à l’un de ces accouchements. En 2019, la structure n’avait enregistré que 3 naissances hors hôpital mais cette année, en l’espace de 2 mois, 91 bébés sont nés soit dans une ambulance, soit à domicile. «Du jamais vu !» Une psychose entretenue par la peur de contracter le virus, amplifiée par la communication du Comité de pilotage du plan de veille et de riposte contre cette pandémie (Copil) qui pour beaucoup ne rassure pas. «En cas de symptôme grippaux, appelez le 1410», «si vous faites de la fièvre, pensez d’abord au Coronavirus». Ces alertes du Copil semblent plutôt avoir un effet contraire au sein de l’opinion. A l’écoute de ces messages pourtant de sensibilisation, beaucoup préfèrent se méfier des hôpitaux. «C’est à croire que le palu n’existe plus chez nous. Mieux on ne fait plus confiance aux hôpitaux, on reste chez nous et on boit nos décoctions. C’est plus sûr», estime Jean-Marie M, un « habitué » du paludisme. Un avis partagé par Joanne L. «Aujourd’hui on a peur d’aller à l’hôpital car on se dit qu’en arrivant, ils vont automatiquement nous déclarer malades sans bien diagnostiquer la véritable raison pour laquelle on vient à l’hôpital. Le Copil dit déjà que si tu as la grippe ou la fièvre c’est que tu peux avoir le Coronavirus. Ce qui veut dire que le diagnostic des médecins est biaisé dès le départ. Dans ces conditions, il est difficile de se rendre à l’hôpital», a-t-elle expliqué.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. medzomekoure dit :

    Voilà le résultat quand on confie des choses importantes à des gens incompétents qui plus est aux ordres. Dire en effet que toute fièvre est synonyme de covid-19(au quartier on l’a compris ainsi) a de quoi inquiéter les populations. Nos amis du copil devraient plus insister sur la nécessité d’observer les mesures barrières, plutôt que de faire des déclarations contre productives, non étayées par des études sérieuses démontrant que par exemple, le paludisme n’existerait plus, ou qu’il y a actuellement davantage des cas de covid-19 que de paludisme…

  2. moundounga dit :

    Bjr. Cette phrase devenue célèbre  » en cas de fièvre penser au COVID-19 fait effectivement beaucoup de dégâts ». De là à ce que l’on traite une fièvre avec un traitement antipaludique il n’y a qu’un, or ces deux pathologies sont différentes avec des symptômes différents. Sinon le global found n’aurais pas financé près de 5 ans à travers le territoire des missions de surveillance de cette pathologie via le programme paludisme. Un amalgame qui ,ne dis pas son nom puisque les conséquences sont là automédication doublée d’un désamour pour les hôpitaux. Amen.

  3. Joseph Dinace dit :

    Il ne faut pas condamner rapidement le Copil. Le Copil obéit à des ordres. S’il ne fait pas des déclarations qui montrent que le Gabon mérite une aide financière des organisations internationales, en gonflant les chiffres par exemple, il n’a plus sa raison d’être. Quel dommage pour notre pays… Comment comprendre que dans un pays, il n’y ait personne parmi les dirigeants qui soient sérieux pour traiter les vrais problèmes? Et si on était maudit, nous les gabonais où irions-nous chercher la bénédiction?

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