Soupçonné de graves malversations, le chef de service du Cadastre de la juridiction de Moanda a été sèchement suspendu de ses fonctions par la préfecture locale. Une décision radicale qui en dit long sur l’ampleur de la corruption qui gangrène les services fonciers au Gabon.

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À travers un acte ferme visant à lutter contre la corruption endémique au sein des services du Cadastre, la préfecture de Moanda a pris la décision de suspendre le chef de service du Cadastre de la juridiction. Cette suspension à titre conservatoire fait suite à des révélations accablantes sur les agissements de ce haut fonctionnaire.

Selon une note de service officielle datée du 25 avril 2024, le sous-préfet du district de Mounana assurant l’intérim du préfet de la Lebombi-Leyou informe que «la signature du Chef de service est suspendue à compter de cette date». Tous les actes administratifs liés au Cadastre devront désormais être soumis à la signature du directeur provincial du Haut-Ogooué.

Les motifs de cette suspension radicale sont aussi graves que variés, d’après une source proche du dossier. Le chef de service est soupçonné de falsification de cachets et signatures, d’attributions illégales de parcelles à des étrangers, d’usurpation de titre, d’extorsion et de détournement de fonds publics. Il lui est également reproché la délivrance présumée de faux actes administratifs comme des plans de bornage, ainsi que de multiples abus dans l’exercice de ses fonctions régaliennes.

Cette affaire n’est malheureusement pas un cas isolé au Gabon, où la mafia semble avoir prospéré au sein des services de l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC) ces dernières années. Il y a deux ans, le directeur provincial de l’Habitat de l’Estuaire à Ntoum avait déjà été arrêté et traduit en justice pour détournement de fonds à grande échelle.

Jean-François Assouzock Okoue avait en effet été écroué en décembre 2022 pour avoir perçu et détourné depuis avril 2021 des frais faramineux non reversés au Trésor public, allant de 50 000 francs CFA pour les particuliers à 250 000 francs CFA A pour les entreprises. Les sommes détournées se chiffraient en «plusieurs millions» de francs CFA, partagées avec des chefs de service sous la prétendue «couverture» de cadres du ministère de l’Habitat.

Ces malversations étaient à l’origine de nombreux litiges fonciers et d’attributions illicites de terrains à Ntoum. Une enquête avait alors été ouverte par la Direction générale des Revenus pour démanteler ces réseaux mafieux bien implantés au sein d’autres directions provinciales du Cadastre.

L’ampleur de ce fléau de corruption institutionnalisée justifie certainement la décision musclée des autorités de Moanda d’écarter le chef de service local. Il est grand temps que la lumière soit faite sur ces pratiques inacceptables qui gangrènent un service public essentiel et portent un coup dur à l’Etat de droit au Gabon.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. DesireNGUEMANZONG dit :

    Le faux et l’usage de faux sont deux délits prévus et sanctionnés en droit pénal.

    Parler de « corruption » dans notre pays est un truisme. Elle n’est pas que localisée. La corruption est généralisée et nationale. Il suffit de lire les études internationales et voir le classement du Gabon. L’infraction des biens mal acquis vise notamment des personnalités gabonaises.

    S’agissant du domaine foncier, la fraude va même jusqu’à établir des « titres fonciers » délivrés par Saulneron-Mapangou. Alors que le Décret d’ABO l’abrogeait en 2012. Des enquêtes devraient être faites dans ce sens.

  2. DesireNGUEMANZONG dit :

    Suite…

    Et quand des juges du Tribunal administratif (compétent pour juger les litiges fonciers) ne savent pas faire la différence entre un « permis d’occuper » et un « titre foncier » à proprement parlé, alors on peut en conclure qu’ils (elles) sont : soit incompétent.es, soit corrompu.es. Il vaut mieux remplir son frigo en étant injuste que de mourir de faim en restant juste et libre.

    Lorsque la justice ne fonctionne pas, alors le cercueil de la démocratie est au bord du caveau. Prêt pour son enterrement.

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