Face à l’épidémie du nouveau coronavirus ayant induit un prolongement de l’état d’urgence au Gabon et son corollaire naturel, le confinement du Grand Libreville, l’inquiétude des hôteliers, restaurateurs, patrons de discothèques et bars grandit malgré l’adoption, ce 27 avril, du confinement partiel. Le pourcentage doit être énorme des établissements qui pourraient définitivement disparaitre, des emplois avec. Les contours.

VIP Room, la plus grande discothèque du pays : de nombreux emplois en berne. © D.R.

 

Annoncé un vendredi, dans la nuit du 13 au 14 mars dernier, la fermeture des restaurants, bars et boîtes de nuit jusqu’à nouvel ordre et l’interdiction de rassemblement de plus de 50 personnes, a été un véritable coup de massue pour les acteurs de ce secteur. Une décision logique, vu qu’il est presqu’impossible, dans ces établissements, notamment les boites de nuit, de demander aux gens de se tenir à un mètre d’écart.

Et il n’y a pas, dans le Grand Libreville, que les mastodontes qui pâtissent de la mesure, le secteur grouille d’enseignes de toutes les tailles. Selon une boutade populaire dans le pays, «le premier business qu’un gabonais pense à monter, c’est un bar.» Il y a donc plusieurs centaines, voire plus d’un millier de bistrots ou buvettes dans la capitale gabonaise.

La Résidence Hôtelière du Phare (en haut), un fleuron du secteur, et le Murmure, deux bonnes enseignes de Libreville. © D.R.

Pas d’argent, stocks perdus, loyers et charges diverses

Victimes de la prise d’effet immédiate de la mesure, ces structures se sont retrouvées soudainement avec des stocks, des paiements à court et long terme aux fournisseurs et des personnels désemparés. À titre d’exemple, le restaurant de la Résidence Hôtelière du Phare compte une douzaine d’employés, le pub-restaurant Wapety emploie un peu plus d’une quinzaine de personnes tandis que, pour les night-clubs, le V.I.P. Room Libreville déploie plus d’une vingtaine d’employés et le Cotton Club une quinzaine. Autant de personnes, Gabonais en grande majorité, qui se retrouvent sur la touche et n’ont même plus, pour la plupart, les précieux pourboires qui leurs permettaient d’arrondir les fins de mois.

Les patrons et petits promoteurs s’inquiètent, eux, de n’avoir plus aucune rentrée d’argent et des frais fixes à payer, car même lorsqu’elle est temporairement fermée une entreprise continue de coûter. Non seulement les restaurant ont perdu tous les vivres qu’ils avaient en stock en les distribuant ou en les jetant, mais encore il y a les loyers et charges diverses qu’ils ne peuvent payer avec zéro rentrée d’argent. Une véritable catastrophe pour le secteur. De ce fait, nombreux escomptent des mesures du gouvernement pour sauver cette économie. Le secteur fait vivre de nombreux artistes et constitue un débouché important pour l’unique brasseur du pays et pour de nombreux importateurs de denrées alimentaires, boissons et matériels divers, également impactés.

Le Cotton Club : des emplois à préserver. © Mo Monde/Google Iamges

30 à 40% restaurants, bars et clubs pourraient disparaître

Si, dès ce 28 avril, le travail peut reprendre de 7h à 14h dans le Grand Libreville, seuls quelques restaurants pourront déployer un service traiteur ou à emporter, les discothèques, bars et troquets de quartier restant sur le banc de touche. En attendant, nombreux souhaitent un coup de main des pouvoirs publics. Entretemps, le ministère de l’Économie et des Finances a mis en place un Financement urgent des entreprises (FUE) impactées par le Coronavirus. Le mécanisme devrait «permettre la couverture des besoins de trésorerie d’urgence des entreprises éligibles qui s’engagent à préserver le bassin des emplois», selon un communiqué dudit ministère. Il devrait permettre de couvrir essentiellement les «dépenses de salaires», les «loyers» et l’«électricité». Mais, dans les faits, il s’agira de «crédits accordés au taux bonifié TTC de 5,5% maximum», selon une précision de l’administration.

Les hôtels moyens, les restaurants, bars et night-clubs entrent très bien dans cette catégorie, puisque le dispositif concerne les PME, PMI, TPE et TPI, régulièrement constituées, à jour de leurs obligations fiscales et sociales, réalisant un chiffre d’affaires hors taxes inférieur ou égal à trois milliards de francs CFA et comptant moins de 200 salariés. Les postulants doivent s’adresser à leurs banques habituelles qui transmettra le dossier avec avis motivé au cabinet du ministre de l’Économie et des Finances. Le chemin est long, connaissant l’administration lourde et visqueuse du Gabon. D’ailleurs, de nombreux chefs d’entreprise s’en plaignent déjà.

Le secteur trinque, tout comme en France où les organisations professionnelles indiquent que 30 à 40% des bars et clubs indépendants pourraient disparaître définitivement du fait du confinement. Dans l’Hexagone, certains professionnels émettent des idées telles que «le remboursement des loyers de tous les restaurateurs, et des annulations de charges massives». Certains chefs d’entreprise pointent du doigt les sociétés d’assurances : «la crise ne va rien leur coûter. Ils ne payent rien. Ils n’ont même pas pris en charge la perte sèche des produits que nous avions en stock quand on a appris la fermeture des bars et restaurants (…) Ils se font de l’argent sur le dos de tous ceux qui en perdent», s’indigne à Toulouse un entrepreneur à la tête d’un food store, d’un club de boulistes et d’un restaurant éphémère. Ici c’est Libreville. Et si l’État gabonais se penchait sur le cas spécifique de ce secteur ?

 
GR