L’idée a beau faire son chemin, elle n’en demeure pas moins source de conflits d’interprétation. Même si ses promoteurs s’en défendront, le report de l’assemblée générale constitutive est révélateur de doutes et incertitudes.

Oligui Nguéma ne gagnerait-il pas à œuvrer au maintien de la sérénité et du consensus ambiants ? Doit-il donner l’impression de soutenir la naissance d’une lessiveuse pour politiques au passé controversé ? © GabonReview (montage)

 

La démission de Paul Biyoghé Mba avait énormément fait jaser. Dans les salons feutrés, comme sur les réseaux sociaux, les analyses et commentaires fusaient de toutes parts. Et pour cause : dès après la chute d’Ali Bongo, son tout premier Premier ministre s’est démené pour apparaître comme le principal artisan du repositionnement et de la reconstruction du Parti démocratique gabonais (PDG). Depuis le 23 mai dernier et l’annonce de son divorce d’avec l’ex-parti unique, il est présenté comme l’un des architectes d’un parti en gestation, appelé à devenir un instrument politique au service du président de la République. Dans un tel climat, il n’est pas rare d’entendre des observateurs interroger le sens de son engagement et, plus largement, les motivations des «bâtisseurs» autoproclamés, généralement traités de «profito-situationnistes» ou de «feuilles mortes». Au-delà, cette polémique porte sur la pertinence et la légalité de leur initiative.

Lessiveuse pour politiques au passé controversé 

Dans l’attente d’une assemblée générale constitutive, de nouveau reportée au 5 juin prochain, le futur «parti présidentiel» défraie la chronique. Au plan politique, certains redoutent un retour à l’ère du parti-Etat, avec un président de la République peu «juste envers tous», mais généreux avec quelques-uns. Au plan institutionnel, d’autres n’en cernent pas la plus-value, les relations entre l’exécutif et le législatif ayant été reconfigurées par la Constitution du 19 décembre 2024. Au plan juridique, il s’en trouve pour émettre des réserves, les dispositions communes aux élections faisant obligation aux personnalités élues en indépendants de ne pas adhérer aux partis légalement reconnus sous peine d’annulation de leurs mandats. L’idée d’un «parti présidentiel» a beau faire son chemin, elle n’en demeure pas moins source de conflits d’interprétation. En dépit des circonvolutions rhétoriques, elle ne semble pas de nature à rassembler. Bien au contraire.

De prime abord, la création d’un «parti présidentiel» relève de la nécessité. Se fondant sur des exemples venus de pays à régimes semi-présidentiel et parlementaire, cette initiative vise à offrir au président de la République la garantie d’une majorité parlementaire à même de l’accompagner. Cela s’entend, se comprend et peut se soutenir. Mais, eu égard aux dispositions juridiques et au regard du contexte politique, ça se discute et semble moins pertinent. Brice Clotaire Oligui Nguéma a-t-il intérêt à s’engager dans une opération à la légalité suspecte, au risque de raviver des souvenirs peu glorieux voire de polluer l’atmosphère ? Ne gagnerait-il pas à œuvrer au maintien de la sérénité et du consensus ambiants ? Doit-il donner l’impression de soutenir la naissance d’une lessiveuse pour politiques au passé controversé ? À l’évidence, le président de la République doit encore peser le pour et le contre.

Insuffisances dans la conception

Comment clore le débat juridique ? En demandant à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur l’alinéa 3 de l’article 82 du Code électoral ? Mais, la juridiction a déjà déclaré l’ensemble du texte conforme à la Constitution. Comment en finir avec les supputations sur les conséquences d’une éventuelle cohabitation entre le président de la République et une majorité parlementaire opposée ? En rappelant cet élément fondamental : peu importent les circonstances, la promulgation des lois et la dissolution parlementaire resteront des armes de dissuasion pour le président de la République. Comment tordre le cou aux appréhensions relatives à un possible désengagement des alliés ? En convoquant les dispositions constitutionnelles, l’exception à la nullité du mandat impératif ayant été supprimée, donnant aux députés une plus grande autonomie vis-à-vis de leurs partis. Veut-on d’un président de la République otage de «ses députés» et victime d’un chantage permanent ? À chacun d’apprécier.

Même si les promoteurs du «parti présidentiel» s’en défendront toujours, le report de l’assemblée générale constitutive est révélatrice de doutes et incertitudes. En tout cas, il traduit des insuffisances dans la conception, le projet ayant manifestement été peu théorisé et pas évalué. Certains évoquent la nécessité de «laisser place aux célébrations et rituels traditionnels organisés dans l’Estuaire». Mais, comme s’en inquiète une militante PDG bien connue, «avant de prendre la parole sous l’arbre à palabres (le président de la République) n’était-il pas au courant de (la tenue) de (cette) cérémonie traditionnelle Mpongwè ?» Et d’interroger : «Sabotage ? Volonté de (..) détruire son image ? Incompétence ?». Si la stratégie n’est pas réévaluée, on peut s’attendre à d’autres surprises voire à de nouveaux ratés.

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Oligui, ne t’entête pas. Évite de te laisser entraîner par les anciens conseillers d’Ali Bongo qui cherchent à t’orienter vers la création d’un nouveau grand parti à l’image du PDG, une machine politique conçue pour confisquer le pouvoir et écarter toutes les intelligences qui ne se soumettraient pas à une idéologie au service d’intérêts égoïstes.

    Tu as été élu sans parti, porté par une large coalition de Gabonais de tous horizons. Même la société civile a temporairement mis de côté son rôle traditionnel pour te soutenir et te défendre. Si tu crées un parti maintenant, tu risques de perdre tes soutiens les plus crédibles. À leur place, tu t’entourerais de petits barons dont la seule fonction serait de s’accrocher au pouvoir en utilisant les moyens de l’État, alors que dans les faits, les Gabonais se détourneraient progressivement de ton régime. Ce serait le début d’un échec inévitable, dès lors que les postes et les ressources publiques deviendraient des outils de fidélisation et d’achat de consciences.

    Si tu arrives à maintenir cette popularité et ce consensus sans appareil partisan, même pour un second mandat, tu n’auras pas besoin de parti. Tu conserveras ainsi une liberté totale pour choisir les personnes avec qui travailler et écarter celles qui ne servent pas l’intérêt national. À l’inverse, en t’enfermant dans un parti, tu devras composer avec ses contraintes, ses équilibres internes et son directoire.

    Donne des directives claires. Reste au-dessus de la mêlée comme arbitre, et laisse ceux qui veulent te soutenir le prouver sur le terrain. Qu’ils gagnent leur légitimité par leurs actions et leur engagement, et non par l’appui d’un parti dominant. Dans ces conditions, chacun devra se battre avec ses propres moyens pour se faire élire, au lieu de venir te réclamer des financements ou de te reprocher un manque de soutien sous prétexte que « c’est toi qui les as investis ».

  2. Mone fame dit :

    Basse frangin, tout est dit et bien dit

  3. Jean Jacques dit :

    Pathétique, de lire nepties des affamés, si Paul Biyoghe est un ancien votre putschiste déguisé en civil ,il est où?il a travaillé avec les Bongos,Est ce que votre fameuse Constitution donne oligui le droit de créer un parti politique NON,donc il va encore bafouer sa propre Constitution,

  4. Yaali dit :

    Y’a une limite à la connerie.
    Un parti presidentiel? Ensuite quoi, un parti ministeriel? Un parti religious? Un parti pour les mouches?
    Mais à quel moment, allez vous arreter de penser comme des larbins?
    Nous avons un pays à reconstructs et on est dans la distraction parce que certains font des cauchemars depuis que Oligui est arrivé, quoi, il faut forcement le controler?
    C’est lamentable

  5. MONSIEUR A dit :

    Bizarre. Vous avez dis Bizarre? Comme c’est Bizarre cette affaire de création de parti politique!!!

    Dans quel pays démocratique du monde un Président de la République dirige son pays sans appartenir à un parti politique?

    Dans quel pays du monde un Président de la République (ou Premier Ministre, ou Roi) dirige son pays sans être membre d’une « LOGE » au sens large du therme?

    Dans quel pays démocratique du monde un Président de la République dirige son pays sans avoir la main mise sur l’Assemblée Nationale ou le Sénat?

    Dans quel pays du monde un Président de la République (ou Premier Ministre, ou Roi) dirige son pays sans être Chef Suprême des Armées?

    Il s’agit du POUVOIR SUPREME d’un pays: POLITIQUE+MILITAIRE+JURIDIQUE+SPIRITUEL que nous Gabonais avons accordé au Général OLIGUI NGUEMA, venir pleurnicher maintenant ne sert à rien; il aurait fallu mettre les bœufs avant la charrue bien avant.

    • La Rédaction dit :

      Oui, dans certaines démocraties, il arrive que des présidents dirigent sans appartenir à un parti politique, surtout dans les régimes parlementaires où leur rôle est symbolique.

      Aux États-Unis, George Washington reste le seul président à avoir accompli un mandat complet en tant qu’indépendant, tandis que John Tyler a terminé le sien après avoir été exclu du parti Whig. Il a donc dirigé un bon moment sans être encarté à un parti politique.

      En Europe, Joachim Gauck en Allemagne (2012–2017) fut élu sans étiquette, tout comme Sergio Mattarella en Italie depuis 2008. Élu président de la République italienne en 2015 puis réélu en 2022, Mattarella incarne le rôle de ‘pouvoir neutre » placé au-dessus des partis.

      Il y a aussi Michael D. Higgins en Irlande, réélu en 2018 en candidat indépendant. Il dirige ainsi, bien qu’il soit soutenu par plusieurs partis.
      Certains micro-États comme Tuvalu, Nauru, Palaos ou les États fédérés de Micronésie n’ont pas de partis politiques du tout.

  6. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour Monsieur A,

    J’apprécie beaucoup vos commentaires. Vous êtes une richesse pour moi en matière d’histoire des entreprises gabonais.es et surtout dans le domaine maritime. Un jour, je vous ai dit qu’il faut écrire l’histoire de notre pays et la transmettre rigoureusement.

    Je viens de lire votre commentaire et je suis un peu surpris par son contenu.
    Pour remédier à la faiblesse de vos propos, je voudrais rappeler deux éléments d’informations pertinents :

    1-. L’Article 56 de la Constitution gabonaise précise que : « Le Président de la République est le Chef suprême des forces de défense et de sécurité. A ce
    titre, les questions y relatives relèvent de son autorité ».

    2-. Tous les Présidents français de la Vème République n’ont pas adhéré à une
    loge maçonnerique. Deux exemples, François Mitterand et Emmanuel Macron. Si vous souhaitez en savoir plus. vous pouvez consulter la revue Historia
    d’octobre 2023 N°922 (1).

    S’agissant de l’influence des partis politiques pour une élection présidentielle, il y a très peu de cas. Valérie Giscard d’Estaing a été élu
    sans parti politique. Il a créé l’UDF par après. Emmanuel Macron a été élu sans parti politique. Renaissance a été créé un an après son arrivée au pouvoir.

    La popularité d’un homme politique est décisive à son élection. Mais pour
    gouverner, il peut avoir besoin d’une majorité législative. En l’absence, de
    majorité législative, en France, il y a le 49.3 pour faire passer des lois.
    Élisabeth Borne, ancienne Première ministre de Macron a abusivement utilisé le 49.3 pour faire passer des lois en relation avec le programme de ce dernier.

    Monsieur A, vous posez des questions très pertinentes qui doivent donner lieu à des tribunes.

    Mes salutations.

    [1] Historia N°922, Francs-maçons, Trois siècles de pensée libre, d’actions et de fantasmes.

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