La Cour constitutionnelle a décidé, le 27 juin 2023, de l’annulation du décret n°0096/PR/MRICAAI du 5 juin 2023 relatif aux délégations spéciales chargées de recevoir les déclarations des biens de chaque candidat à une élection politique au Gabon. La décision est résultante de deux requêtes présentées par le citoyen Geoffroy Foumboula Libeka Makosso et le parti politique de l’opposition, l’Union nationale.

La Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite (CNLCEI) s’est arrogée trop de pouvoir. © GabonReview

 

En réaction aux requêtes introduites par le citoyen Geoffroy Foumboula Libeka Makosso et le parti politique de l’opposition, l’Union nationale, aux fins de la déclaration d’inconstitutionnalité des articles 6 et 7 du décret n°0096/PR/MRICAAI du 5 juin 2023 relatif aux délégations spéciales chargées de recevoir les déclarations des biens de chaque candidat à une élection politique au Gabon, la Cour constitutionnelle a annulé ladite injonction… signée du président de République.

Les articles 6 et 7 controversés

L’article 5 du décret querellé prescrivait, pour une élection politique, la mise en place une équipe spéciale chargée de recueillir les informations sur les biens de chaque candidat. Le rôle de ladite délégation spéciale était donc de rencontrer tous les candidats, y compris à l’intérieur du pays, en vue de renseigner des formulaires déclarant leurs biens. Et, au terme de la déclaration, délivrer au candidat un reçu.

L’article 6 du même texte énonçait que «la délivrance du récépissé de déclaration des biens est subordonnée au paiement par chaque candidat et colistier, d’un droit de gestion.» Ainsi, l’obtention du dudit récépissé était conditionnée par le paiement, par chaque candidat et colistier, de frais de gestion, variable selon le type de consultation politique : 200 000 FCFA pour l’élection présidentielle ; 30 000 FCFA pour les législatives et sénatoriales ; et pour un scrutin de liste, 20 000 FCFA par personne sur la liste. Les frais de gestion, selon l’article 7 du même décret, devaient être versés au Trésor public sur un compte spécial.

La CNLCEI s’est arrogée trop de pouvoir

Si, au Gabon, une nouvelle loi dispose que tout candidat à une élection politique doit ajouter à son dossier de candidature un reçu prouvant sa déclaration légale de ses biens, il semble que la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite (CNLCEI) ayant d’ailleurs trop communiqué à ce sujet, est allée trop loin, sans s’assurer du contexte législatif.

Initié par la CNLCEI et adopté par le gouvernement, le texte dit que des personnes spéciales, appelées délégations spéciales, sont chargées de recevoir les déclarations de biens des candidats à une élection. Normalement, cette tâche revient au Secrétaire général de la CNLCEI. Cependant, le décret a donné cette responsabilité aux membres de la Commission, allant ainsi à l’encontre de la loi qui prévoit que les membres de la Commission ne peuvent avoir accès aux déclarations de biens que lorsqu’il y a une enquête en cours. Le décret viole donc la confidentialité des déclarations de biens. Tout comme, il institue des recettes financières hors-la-loi.

Les arguments de la Cour constitutionnelle

Selon les juges constitutionnels, en confiant aux commissaires membres la prérogative de recevoir les déclarations des biens en dehors des cas d’enquête, l’article 5 du décret attaqué par l’Union nationale et Geoffroy Foumboula, porte atteinte, ainsi qu’indiqué ci-dessus, au caractère strictement confidentiel de la déclaration des biens.

De même, en créant, en ses articles 6 et 7, une recette non autorisée, tant par la loi de finances 2023, que par d’autres textes de lois adoptés en 2023 – les lois n°022/2023 et n°003/2023 du 17 mai 2023 -, le texte querellé contrevient aux dispositions des articles 47 et 48 de la Constitution, et au principe de la hiérarchie des normes.

Selon l’article 47 de la Constitution, la loi décide comment l’argent de l’État est utilisé, sauf dans certains cas spéciaux. Et selon l’article 48 de la même Constitution, chaque année, le gouvernement élabore un projet de loi expliquant comment l’argent de l’État sera utilisé. Ce projet de loi doit être présenté au Parlement peu de temps après le début d’une session ordinaire. Les recettes financières exigées par le texte querellé sont hors de ces principes.

«En conséquence, le décret n°0096/PR/MRICAAI du 5 juin 2023 relatif aux délégations spéciales chargées de recevoir les déclarations des biens de chaque candidat à une élection politique est annulé», a décidé la Cour constitutionnelle dans sa décision relative aux requêtes présentées par Geoffroy Foumboula Libeka Makosso et l’Union nationale.

 
GR
 

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