Président de la Commission politique du Dialogue national inclusif, le Pr Noël Bertrand Boundzanga a été l’une des personnalités de premier plan de ces assises nationales. Il a livré son sentiment au terme des travaux, s’exprimant sur la dissolution du Parti démocratique gabonais (PDG), les décisions prises concernant l’attribution de la nationalité, l’homosexualité, l’accession à la magistrature suprême, ainsi que l’immigration vers le Gabon. Entretien.

Pr Noël Bertrand Boundzanga, le 28 avril 2024 au stade d’Angondjé. © GabonReview

 

GabonReview : Les Gabonais ont retenu que le Parti démocratique gabonais (PDG) a été suspendu. Pouvez-vous en dire plus ? 

Noël Bertrand Boundzanga : La fonction de président est terminée au moment où j’ai rendu le rapport. Ça se conjugue au passé maintenant. Eh oui, les Gabonais ont entendu ce que nous avons lu et ce qu’ont décidé les commissaires. C’est de suspendre, d’abord l’ensemble des partis politiques, de suspendre le PDG. Et la suspension du PDG est accompagnée d’une inéligibilité des hauts responsables de ce parti pendant trois ans. 

Les Gabonais, pour la majorité, avaient proposé carrément de dissoudre le parti. 

Les Gabonais ont proposé de dissoudre. Mais vous savez, un dialogue, c’est une négociation.

Vous avez dans beaucoup de sous-commissions, beaucoup de membres du PDG ou des amis du PDG ou des alliés du PDG. Les autres ne sont pas systématiquement membres du PDG.

Et donc, il y a une confrontation, il y a des discussions. Et vous savez bien, s’il n’y a pas un consensus, il peut y avoir un vote, d’accord ? Ça veut dire que si la présence des PDG à l’intérieur des sous-commissions était importante, il n’est pas surprenant d’avoir, non pas la dissolution, mais la suspension. 

Le dialogue est terminé. L’adoption du rapport s’est faite par acclamation. Y a-t-il de l’espoir pour ce nouveau Gabon souhaité par les Gabonais ? 

Oui. Je ne peux pas me prononcer sur cette question, parce que cela engage en réalité la responsabilité de chacun de nous, la responsabilité de toutes les personnes qui sont censées mettre en œuvre – soit dans l’approche législative, soit dans l’approche exécutive – les décisions, ou plutôt les conclusions du Dialogue.

Personnellement, j’aimerais être optimiste, il faut l’être. Mais en même temps, je ne peux pas avoir un optimisme béat sans me référer, en réalité, à la responsabilité de tous ceux qui, sur la chaîne, vont rendre ces conclusions opératoires. Tout dépendra d’eux, et c’est à eux qu’il faudra dire, un Dialogue a eu lieu, vous êtes tenus de respecter ce qui a été dit lors de ce Dialogue. C’est à vous, la presse, de contrôler, puisque vous aussi avez eu accès à ces informations, à ces décisions, à ces conclusions que nous avons prises.

C’est à vous, aussi, de dire à tous les acteurs politiques, acteurs administratifs, jusqu’au sommet de l’État, que des décisions ont été prises, il faut les respecter.

Vous étiez président de la Commission politique. On y a débattu des questions d’immigration, de souveraineté nationale, d’accès à la présidence, etc. Dites-en un peu plus sur ces sujets-là. Qu’est-ce qui a été retenu au final ? 

Ce qui a été retenu, c’est que, par exemple, pour prétendre être président de la République, il faut au moins être de nationalité gabonaise, de père et de mère. Ça, c’est une décision qui est importante, parce que vous savez que, jusqu’à présent, un candidat pouvait avoir une double nationalité, même une triple nationalité, sans remettre en cause sa prétention à diriger le Gabon. Aujourd’hui, c’est une chose. Si c’est adopté dans la Constituante et ensuite lors du référendum, désormais, tout prétendant à la fonction présidentielle devra n’avoir qu’une identité, une seule nationalité, avec parents et mères gabonais.

Sur l’immigration ? 

Vous savez que beaucoup de Gabonais, surtout ces dernières années, se plaignent d’avoir beaucoup d’étrangers. Et les commissaires ont le sentiment que le Gabon ne maîtrise plus ses frontières, le Gabon ne maîtrise plus sa politique migratoire. Et donc, les commissaires ont relayé les craintes exprimées par les contributeurs, les compatriotes gabonais. Et ils ont dit, à ce moment-là, il faut durcir la loi relative à l’immigration. Il faut assurer la présence militaire aux frontières pour contrôler les flux migratoires et également contrôler l’accès à la nationalité gabonaise. Vous savez que ces dernières années, l’attribution de la nationalité gabonaise a été faite à l’emporte-caisse. Et tout le monde pouvait accéder avec tellement de facilité à la nationalité gabonaise, au point qu’aujourd’hui, les Gabonais ont le sentiment que leur identité va se perdre dans ce flot massif de migrants.

Quelles sont désormais les conditions pour la nationalité gabonaise ?

En réalité, il n’y a pas de nouvelles conditions. C’est appliquer le dispositif actuel. Parce que le dispositif actuel, il est bon. Le seul problème c’est qu’il y a eu beaucoup de fraudes, de corruption, etc. Ce que les commissaires ont voulu, c’est d’attirer l’attention et exiger, des magistrats notamment, qu’il faut respecter les conditions d’attribution de la nationalité gabonaise. Les textes du Code civil gabonais aujourd’hui, en l’état, sont pertinents. Mais il faut les appliquer convenablement. En ce moment, on ne l’applique pas convenablement. Prenez le décret, par exemple, d’attribution de la nationalité qui, en réalité, est individuel. Vous allez avoir le décret de naturalisation, 10.000 personnes sur une liste. Vous expliquez ça comment ? Il faut seulement revenir à l’orthodoxie, respecter les textes, et puis on règle la question. 

Il y a une chose qui a été dite. C’est que les commissaires ont proposé de criminaliser, ou plutôt de pénaliser la fraude relative à l’attribution de la nationalité, ou plutôt les procédures de naturalisation. Désormais, si quelqu’un attribue frauduleusement la nationalité gabonaise, il faut considérer que c’est un crime contre l’humanité, par exemple. Vous voyez, c’est assez fort ! 

Et la pratique de l’homosexualité ?

Les Gabonais, les commissaires ont dit qu’il fallait pénaliser l’homosexualité. C’est tout ! C’était clair, net et précis. Pas d’ambages là-dessus.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Jean Jacques dit :

    Les intellectuels que le Président kerokou appelait les intellectuels RATES,Comment parler de démocratie quand on suspend les partis politiques, quand on exclu les gabonais qui ont un père étranger, comment parler de démocratie quand on donne trop des pouvoirs dans les mains du l’exécutif ? La pure dictature,Olingui sera sanctionné, 90% des jeunes, 90% des pdgistes, 90% de la diaspora tous vont voter contre.

    • Gayo dit :

      JJ le béninois. Vous les PDGistes n’avez jamais écouté ou compris les aspirations des gabonais. La diaspora a montré son patriotisme, et même si c’est avec un pincement au cœur, dans sa majorité, la vie étant un choix, je crois qu’elle est prête à renoncer aux ambitions de diriger le pays en cas de parent étranger. Avec tout ce qu’on a vécu avec Ali Bongo, Nourredine et Sylvia et toi y compris qui aimez l’argent du Gabon plus que les gabonais, un vrai patriote est prêt à des renoncements pour protéger son pays. La preuve c’est une infime minorité qui s’offusque de cette proposition. Si elle dérangeait un nombre suffisant de gabonais, il devait avoir beaucoup de bruit. La fonction présidentielle est sacrée et il est normal de la porter de tout risque de haute trahison. Aux états unis pour être président, il faut avoir vécu 14 ans sur le territoire, être né américain. Que 90% des pedegistes votent contre, on s’en fout. S’ils ne représentaient pas plus de 20% de la population quand ils étaient au pouvoir, ils ne sont plus plus de 10%. L’unanimité n’existe nulle-part.

      Trop des pouvoirs dans les mains du l’exécutif ? Ca ne te dérangeait pas quand Ali Bongo avait droit de vie et de mort sur n’importe quel gabonais sans rendre des comptes.

      Je veux rappeler que le coup d’état en lui-même est un acte illégal que tout le monde approuve pour corriger des injustices. Nous sommes en situation d’exception, et il faut être naïf de croire qu’on peut efficacement redresser notre pays, corriger le mal et les injustices de 56 ans de Bongo. Dans l’histoire comme celle qu’a connu notre pays, malheureusement le redressement ne peut passer que par l’illégalité et les violations de certains principes soit disant « démocratiques », la démocratie est un luxe qu’on ne peut bénéficier de façon complète que lorsqu’on a payé le prix pour satisfaire les besoins primaires d’un peuple, d’un pays.

  2. NBHYBOM dit :

    Si toutes ces nouvelles résolutions sont votées, ce qui est bien, le souci demeurera sur ceux qui auront la responsabilité de les faire appliquer. Si c’est un tournant décisif, il faudra repartir avec une nouvelle classe de dirigeants, pour éviter de patiner longtemps pour ensuite sombrer dans ce dans quoi nous voulons nous extirper.
    Maaaiiis….la présence de la France au cœur de tout ce qu’il se fait actuellement, n’augure point des lendemains meilleurs.

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