La situation des travailleurs de Petit-Dubaï à Libreville est jugée préoccupante : Gabonais maltraités, étrangers mieux traités et exerçant sans autorisation de travail. À travers une visite inopinée ce 17 novembre, le ministre du Travail et de la lutte contre le chômage a constaté que la plupart des opérateurs économiques ne respectent pas la réglementation du travail en vigueur au Gabon. Trois parmi eux ont été amenés par la police.

Solange Nguiakie à Petit-Dubaï le 17 novembre. © Gabonreview

 

Les opérateurs économiques interpellés par la police. © Gabonreview

Au fil du temps, Petit-Dubaï s’est positionné comme une adresse incontournable pour faire des courses. Du sous-vêtement au jouet en passant par la vaisselle, le mobilier, la layette du bébé, l’électroménager et bien plus, ce marché propose des produits à des prix défiant souvent la concurrence. Mais selon les employés rencontrés ce 17 novembre lors d’une visite inopinée du ministre du Travail, cette attractivité des prix cache des conditions de travail insatisfaisantes. Les dénoncer apparaît comme un crime par les employeurs : des étrangers pour la plupart. «Tout va mal. Nous sommes mal payés, maltraités», a murmuré un employé craignant des représailles avant de se murer dans le silence.

«Je ne suis pas heureuse»

C’est dire que là-bas, si les employés sont prêts à faire face à l’agressivité des clients, ils ont peur d’exposer leurs conditions de travail, peur de dévoiler le management «douteux» de leurs employeurs. «N’ayez pas peur. Moi je viens ici pour voir les conditions dans lesquelles vous travaillez. Il ne va rien vous arriver», a déclaré le ministre du Travail appelant les langues à se délier. «Ça fait 7 ans que je travaille ici. Si ça peut s’améliorer avec la transition, on sera très content. On a des contrats, moi je suis en CDI. Mais les salaires ne suivent pas», a vite réagi une employée de Métro. Là-bas comme dans la plupart des magasins, les employés les mieux payés touchent un salaire de 150 000 francs CFA.

«Je ne suis pas heureuse. Il y a des personnes ici depuis 4 ans, mais qui ne sont pas embauchées. Elles ont des contrats de 6 mois à chaque fois. On reste parce qu’on ne trouve pas autre chose ailleurs», a-t-elle ajouté. «On travaille, mais nous ne sommes pas bien payés, nous avons des coupures de salaires injustifiées. Nous avons des contrats renouvelables chaque un mois», a révélé un employé de Protect, une société de sécurité. «Nous ne sommes pas assurés à la CNSS. Quand tu es malade tu dois venir au travail, hospitalisé on te coupe de l’argent. Par exemple moi je suis payée à 150 000. Si je suis malade et hospitalisée pendant quatre jours, on coupe les quatre jours. Et quand je me plains, ils disent si tu veux tu arrêtes le travail. Nous on n’a pas signé de contrat. On travaille comme ça», a confié une autre employée.

Des opérateurs indélicats interpellés par la police

«Si tout ce que vos employés disent est vrai, il va falloir changer un certain nombre de choses», a dit Solange Nguiakie aux employeurs. Dans sa suite, des inspecteurs du travail vérifiant fiche circuit, règlement intérieur, DTS, bulletin de salaire pour voir les salaires appliqués, nombre d’employés hommes femmes étrangers, registre de l’employeur, régularité des salaires, délégué du personnel pour les entreprises d’au moins dix employés, immatriculation CNSS et CNAMGS. En clair, si la réglementation en matière de travail est respectée. «On a un taux de chômage très élevé. Si vous employez des jeunes gabonais, ils doivent l’être selon les règles en République gabonaise. Nous avons tous intérêt à ce que la réglementation soit respectée», a dit le ministre.

À l’issue de sa visite, elle a dit constater «qu’il y a beaucoup d’opérateurs économiques qui ne savent pas exactement ce qui est prévu par la réglementation en matière de travail». «Ce que j’ai retenu aujourd’hui, c’est que la plupart de ces opérateurs économiques-là ne respectent pas la réglementation», a-t-elle affirmé. Parmi ces opérateurs trois interpellés par la police. Le premier a expressément déchiré une convocation des inspecteurs du travail tandis que les deux autres ont refusé de présenter leurs papiers à ces inspecteurs déployés sur le terrain par le ministre du Travail. «On peut vous laisser un temps pour régulariser vos situations et dans certains cas il va falloir qu’on réprime. Vous utilisez des Gabonais, ils ne peuvent pas continuer à travailler dans ces conditions», a martelé Solange Nguiakie.

Instantané de la visite du 17 novembre. © Gabonreview

«La priorité du travail est aux Gabonais»

Dans certains magasins, des employés étrangers exerçant sans autorisation de travail. «Au temps de Madeleine Berre, on a fait plusieurs demandes qui ont été refusées. On a travaillé avec l’ONE, il y a des postes clés pour lesquels on n’arrivait pas à trouver le personnel comme les montages de meubles», a fait savoir Hakim Ali. «Le problème aujourd’hui, c’est de ne pas signer des autorisations pour des emplois que les Gabonais peuvent exercer. On n’a pas besoin de faire venir quelqu’un pour monter un meuble. Il faut former les gens pour ça. Moi je ne vais pas signer des autorisations juste pour quelqu’un qui va venir monter un meuble», a tranché le ministre du Travail appelant les opérateurs économiques à se conformer à la réglementation.

«On va mettre ça sur un  procès-verbal et on va voir si vous respectez effectivement le Code du travail. Si vous ne respectez pas, on verra ce que les textes prévoient», a indiqué Solange Nguiakie. «On n’est pas venu pour faire la guerre, mais pour s’assurer que la réglementation du travail est bien respectée, s’assurer que les employés ne le sont pas au noir, s’assurer que vous respectez les quotas accordés aux étrangers parce que la priorité du travail est aux Gabonais», a-t-elle conclu.

 
GR
 

4 Commentaires

  1. Ndjewe dit :

    Allez au port d’owendo vous verrez les sociétés qui emploie plus de expatriés que les nationaux

  2. Gee McGoop dit :

    Ces gens font semblant ou quoi? Ou bien nous ne vivons pas dans le même pays. Presqu’aucune entreprise dans ce pays ne respecte tout ce qui est lié au droit du travail. Et tout, cela par la faute du gouvernement qui pense qu’un investisseur à tous les droits parce qu’il a apporté son argent.

  3. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour,

    150000 F cfa/mois, c’est 5000 F cfa par jour (150000/30). Quasiment proche du seuil de pauvreté mondiale. Avec une inflation galopante, il est impossible qu’un père (mère) de famille puisse s’en sortir avec des enfants à charge et une épouse qui ne travaille pas (par exemple). Cette situation, indigne, est le résultat des politiques de complaisance des gouvernements antérieurs (plus préoccupés à se remplir les poches).

    Un commentateur de GabonReview soulignait la nécessité d’un minimum salarial au Gabon: 250000 F cfa. 150000 F cfa par mois, c’est purement et simplement de l’exploitation de la détresse humaine. Des fermetures administratives devraient être prononcées envers ces établissements qui ne respectent pas la réglementation du travail gabonaise. Taxer les patrons qui se croient au-dessus des lois serait encore plus efficace (dissuasif).

    Les investisseurs étrangers doivent respecter nos administrations. Dorénavant. Etre à jour au niveau de leurs cotisations patronales et autres caisses (santé et retraite de leurs salariés). De plus, quand une injonction de se présenter est délivrée, alors il faut qu’ils se présentent. Notre administration doit se montrer plus sévère. A cet effet, distribuer des amendes en cas de manquements graves (à la législation du travail ou envers nos agents administratifs) ne serait pas une mauvaise idée. Des gardes à vue de 48h leur donneraient aussi à réfléchir.

    La Ministre du Travail doit faire une « piqûre de rappel » aux entreprises des lois gabonaises: toutes et tout secteur confondu. Elle devrait réunir le patronat gabonais sur l’urgence de monter d’un palier le minimum salarial au Gabon: soit 300000 F cfa par mois, 10000 F cfa par jour. Vouloir redonner de la dignité aux gabonais.es, c’est aussi leur accorder ce minimum salarial de « dignité ». D’une situation de gabonais.e économiquement faible (GEF), on irait vers une situation de gabonais.e économiquement digne(GED). Il faut en finir avec le « stress » de fin de mois et donner aux gabonais.es la possibilité d’accéder aux sentiers du « bonheur brut ».

    Cordialement.

  4. MILAME dit :

    Très bonne initiative, cependant les résultats palpables ne pourront se faire sentir qu’avec la constance des efforts! il y a eu trop de passe droits dans ce pays! Courage et persévérance!

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